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Italie : Fratelli d'Italia ne promet pas la fraternité aux musulmans et aux minorités

Rédigé par Lionel Lemonier | Mardi 27 Septembre 2022 à 13:00

           

Après la Hongrie, la Pologne, la France et la Suède, l’Italie se laisse séduire par l'extrême droite, menée par le parti postfasciste Fratelli d'Italia, non sans conséquences pour les immigrés, les homosexuels et les fidèles des cultes minoritaires, en particulier les musulmans.



Italie : Fratelli d'Italia ne promet pas la fraternité aux musulmans et aux minorités
Le fascisme est-il de retour en Italie ? Alors que plus de 50 millions d'Italiens étaient appelés à renouveler les sièges de leur Parlement, les élections législatives italiennes se sont soldées, dimanche 25 septembre, par une victoire nette de Fratelli d’Italia (Frères d'Italie). Le parti postfaciste de Giorgia Meloni a réuni plus de 26 % des suffrages et devient ainsi le premier parti à la Chambre des députés et au Sénat. Associée à Silvio Berlusconi (Forza Italia) et à Matteo Salvini (La Ligue) dans une alliance des droites qui a obtenu 44 % des suffrages, la dirigeante d'extrême droite revendique désormais de prendre la tête du gouvernement.

« C’est une nuit d’orgueil, de rédemption, de larmes, d’embrassades, de souvenirs pour nous tous. C’est une victoire que je veux dédier à tous ceux qui ne sont plus avec nous et qui méritaient de voir cette victoire », a-t-elle lancé sous un tonnerre d'applaudissements après l'annonce de sa victoire. Une référence transparente aux partisans de l'extrême droite tenus à l’écart du jeu politique depuis 1945 après la chute de Benito Mussolini. Un dictateur pour qui Giorgia Meloni n'a jamais caché son admiration.

« Meloni s’empare de l’Italie », affirmait lundi matin le quotidien La Repubblica, orienté à gauche. « Avec ce vote, le pays semble avoir amnistié dans l’indifférence le fascisme historique au point de juger sans importance le lien que Fratelli d’Italia conserve avec ces restes de mémoires et de symboles. » Le premier d'entre eux : l’emblème du parti, une flamme tricolore aux couleurs du drapeau italien, perçue par les antifascistes comme un hommage au Duce. Si l’alliance des droites progresse faiblement dans les urnes, Georgia Meloni a cannibalisé ses partenaires. Silvio Berlusconi et Matteo Salvini n’atteignent pas 9 % des suffrages chacun.

Fratelli d’Italia, fondé en 2012, doit notamment son succès au fait qu'il a été le seul parti à refuser de participer au gouvernement d’union nationale formé en février 2021 par le Premier ministre Mario Draghi. Sa démission en juillet dernier a galvanisé le parti postfasciste. En face, ses adversaires ne sont pas parvenus à mobiliser les électeurs pour établir un cordon sanitaire contre l’extrême droite. Plus d’un électeur sur trois (36 %) ne se sont pas déplacés aux urnes.

Un discours offensif contre l'islam et les minorités

A quoi peut-on s’attendre d’un gouvernement d’extrême droite dans la botte italienne ? Dans un discours énoncé en juin 2022 devant les militants de Vox, le parti d’extrême droite espagnol, Georgia Meloni donne quelques pistes claires : « Oui à la famille naturelle, non au lobby LGBT ! Oui à l’identité sexuelle, non à l’idéologie du genre ! Oui à la culture de la vie, non à l’abîme de la mort ! Oui aux valeurs universelles de la Croix, non à la violence islamiste ! Oui aux frontières sûres, non à l’immigration de masse ! Oui au travail de nos citoyens, non à la grande finance internationale ! Oui à la souveraineté du peuple, non à la bureaucratie de Bruxelles ! Oui à notre civilisation, non à ceux qui veulent la détruire ! »

S’agissant de l’islam, la cheffe de Fratelli d’Italia a toujours tenu un discours agressif. Devant ses militants à Rome en octobre 2019, elle s’adressait aux musulmans comme s’ils représentaient une menace pour la société italienne : « Si vous vous sentez offensés par le crucifix, ce n’est pas ici que vous devez vivre. Le monde est vaste et il est plein de nations islamiques où vous ne trouverez pas un crucifix parce que les chrétiens y sont persécutés et les églises y sont rasées. Mais ici, nous défendrons ces symboles, ces églises et nous défendrons notre identité. Nous défendrons Dieu, la patrie et la famille, faites-vous une raison. Nous nous battrons contre l’islamisation de l’Europe, parce que nous n’avons aucune intention de devenir un continent musulman. » Le ton est donné.

Des musulmans inquiets mais confiants dans le respect de l'Etat de droit

L’Union des communautés islamiques d’Italie (UCOII) avait appelé les musulmans à voter « en accord avec (nos) principes religieux » et à faire barrage à l'islamophobie, sans pour autant donner de consignes de vote précis. Il s’agit de « participer aux élections dans une optique de participation responsable afin de contribuer au développement éthique et social du pays ».

Désormais que la victoire de l'extrême droite est actée, l'inquiétude est palpable. Néanmoins, « nous sommes confiants dans le respect de la Constitution par les gouvernements italiens. Or le principe de la liberté religieuse fait partie des fondements de la Constitution italienne. Nous attendons à ce que le nouveau gouvernement soit attentif aux droits des communautés musulmanes, fait savoir Yassine Lafram, le président de l'UCOII, qui rappelle que les trois millions de musulmans présents en Italie rencontrent de nombreux problèmes pour disposer de cimetières ou de lieux de prières.

Ce ne sera pas dans une Italie sous la direction de Giorgia Meloni que la situation va s'améliorer. Au sein de Fratelli d'Italia, on ne se prive pas d'employer l'expression de « substitution ethnique » - faisant écho à la théorie complotiste du grand remplacement - pour dénoncer « l’islamisation » de l’Europe et « une immigration illégale de masse planifiée de façon délibérée pour importer de la main d’œuvre bon marché », précisant au passage qu’il « n’était pas question d’établir des cimetières musulmans dans un pays ou les cimetières décents n’étaient pas partout disponibles pour les Italiens ». Sa promesse : faire passer « les Italiens d’abord », que ce soit sur les questions éducatives, d’emploi, de logement, d’aides sociales ou de santé. Des Italiens qui, s'ils ne sont pas « de souche », ne sont pas logés à la même enseigne, s'inquiètent d'ores et déjà les mouvements antiracistes.

Lire aussi l'interview de Catherine Wihtol de Wenden : « Les cultures dominantes des pays européens ne sont pas menacées par des contre-cultures issues de l'immigration »

Pire encore devrait être la situation des immigrés que l'extrême droite aime accabler de tous les maux. Giorgia Meloni a proposé de créer « un blocus naval » en mer Méditerranée pour empêcher l’embarquement des migrants depuis la Libye ou la Tunisie. Elle promet un durcissement de la politique migratoire de l'Italie.

Une Europe un peu plus « radicalisée »

Les résultats des élections italiennes, suivie de près par Bruxelles, a fait l'effet d'un séisme. L’arrivée au pouvoir d’une personnalité italienne plus proche d’Eric Zemmour que de Marine Le Pen selon des observateurs renforce le bloc de droite nationaliste et d’extrême droite déjà formé par les gouvernements de Hongrie, de Pologne et de Suède. Dans ce pays du Nord traditionnellement social-démocrate, les Démocrates de Suède (DS, extrême droite) et la droite ont remporté les élections législatives du 14 septembre.

En France où le Rassemblement national (RN) a fait une percée historique aux dernières élections législatives, plusieurs personnalités d’extrême droite ont salué la victoire de Giorgia Meloni. « Les Italiens ont offert une leçon d’humilité à l’Union européenne qui, par la voix de Mme Von der Leyen (la présidente de la Commission européenne, ndlr), prétendait leur dicter leur vote. Aucune menace d’aucune sorte ne peut arrêter la démocratie : les peuples d’Europe relèvent la tête et reprennent leur destin en main ! », a tweeté le député européen Jordan Bardella, président par intérim du RN.

De son côté, Eric Zemmour tente de faire oublier son propre échec à l’élection présidentielle en écrivant sur le même réseau social : « Toutes mes félicitations à Giorgia Meloni et au peuple italien ! Comment ne pas regarder cette victoire comme la preuve que, oui, arriver au pouvoir est possible ? » Il est vrai que si les partis de gauche ne parviennent pas à se réinventer et que l’abstention continue de progresser à l'avenir, il n’est pas impossible que cette prédiction se réalise.

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