Sports

Jeux Olympiques : les athlètes musulmanes sur le devant de la scène

Rédigé par Anissa Ammoura | Jeudi 21 Aout 2008 à 10:42

Le 19 août dernier à Pékin, Rakia Al-Gassra arrive en tête du quart de finale du 200 mètres. Pour sa deuxième participation aux Jeux Olympiques, la sprinteuse bahreïnienne prouve que sa tenue sportive particulière - mélange d'un survêtement et d'un voile - n'entache pas les performances. Malgré les nombreuses polémiques suscitées par les Jeux de Pékin, cette jeune femme symbolise aussi la plus grande participation des femmes musulmanes, voilées ou non voilées à cette institution. Pour cette édition, les conservateurs Emirats Arabes Unis et le Sultanat d'Oman ont même décider de féminiser enfin leurs équipes.



En 22 secondes 76, Rakia Al-Gassra, la sprinteuse bahreïnienne de 25 ans n’a pas eu le temps de voir venir sa victoire du quart de finale du 200 mètres, devançant la française Muriel Hurtis, arrivée deuxième de la course le 19 août dernier. « J’ai été surprise de terminer première » a déclaré la jeune femme dont la tenue hybride en a étonné plus d’un. L’athlète musulmane était vêtue d’un teeshirt manches longues se prolongeant en une cagoule intégrée – à la façon d’un hijab – et d’un long pantalon collant, tenue créée spécialement pour elle par une marque de vêtements australienne. En 2004, lors de ses premiers Jeux Olympiques, à Athènes, elle fut la première sportive à participer, voilée, à cette grande manifestation. A l’époque, elle avait été éliminée aux séries du 100 mètres.

Depuis, Rakia a fait du chemin. Installée à Manama, la capitale de Bahreïn, elle aurait même effectué plusieurs stages d’entrainement en Afrique du Sud et un stage de trois semaines l’an dernier à Paris avec des athlètes bahreïniens. Médaillée d’or sur 200 mètres aux Jeux asiatiques de 2006, Rakia Al-Gassra avait alors dédié sa victoire « à toutes les femmes musulmanes ». Championne d’Asie en salle sur 60 mètres cet hiver, elle a terminé quatrième du 200m de Rome avec un chrono de 22,65, record personnel.

Dans un article paru sur le site internet du quotidien anglais The Daily Mail, MailOnline, en date du 19 août, elle déclarait que sa tenue adaptée, dans laquelle elle se sent vraiment « à l’aise » l’avait aidé à améliorer sa performance et d’ajouter « Etre sûre que celle-ci va m’aider à faire ma meilleure performance à Pékin ». Outre la traditionnelle publicité faite aux sponsors, Rakia Al-Gassra envoie elle-même, de nouveau, un message aux femmes [musulmanes, ndlr], « J'espère que le port du « hijood » [Nom donné au modèle du vêtement, ndlr] va inspirer d'autres femmes, en constatant que la pudeur ou les croyances religieuses ne doivent pas être un obstacle à la participation dans les sports de compétition ».

La française Muriel Hurtis, sa principale concurrente, a déclaré à son sujet « C’est une bonne athlète. Ca fait plaisir de voir des sportives comme elle. C’est que les choses commencent à avancer et à changer ». Dur dur d’être une femme, qui plus est musulmane, dans l’univers du sport, univers traditionnellement masculin et compétitif. Rakia Al-Gassra n’est venue en Chine qu’avec une seule consœur, sprinteuse elle-aussi, mais dans la catégorie 800 m.

Parité olympique

Les progrès sont pourtant significatifs depuis les Jeux Olympiques de Barcelone de 1992, où selon Women’E News*, 35 pays – dont la moitié étaient musulmans – n’avaient pas envoyé d’athlètes femmes aux Jeux Olympiques de Barcelone. Aux derniers Jeux Olympiques d’Athènes en 2004, les femmes représentaient 44 % des participants et étaient représentées dans 135 disciplines.
Pour l'édition chinoise, les pays musulmans progressent en matière de parité, puisque les délégations des Emirats Arabes Unis et du Sultanat d’Oman comptent cette année respectivement deux et trois athlètes femmes.

Celles des pays d’Afrique du Nord sont les plus représentées dans la compétition, avec en tête, la Tunisie, suivie du Maroc et de l’Algérie. S’en suivent les pays du Moyen-Orient, avec la Jordanie dont les quatre membres féminins concourent notamment en Taekwondo et en ping pong, l’Iran (3), le Pakistan (2) et Bahrein (2). Dana Hussein, 21 ans, sprinteuse de 100 et 200 mètres, est la seule représentante de l’Irak, avec trois de ses compatriotes. Enfin, la Somalie compte une seule femme dans son équipe olympique. Pour des raisons culturelles propres à leurs pays respectifs, les délégations d’Arabie Saoudite et Brunei ne comptent que des hommes. Le Qatar et le Kuwait autorisent les femmes à faire du sport mais privilégieraient les athlètes hommes, invoquant leur plus grande « compétitivité »*.

Au-delà de la discrimination, la participation d’athlètes féminines à des Jeux Olympiques peut devenir dangereuse pour celles-ci, si bien qu’une jeune coureuse afghane de 19 ans –la seule femme de sa délégation-, Mehbooba Andyar s’est enfui d’un camp d’entrainement en Italie au début du mois de juillet, suite à des menaces de la part d’extrémistes musulmans. Elle avait reçu une bourse de solidarité de la part du Comité Internationale Olympique (CIO) pour qu’elle puisse s’entrainer et participer aux Jeux Olympiques. Courant pourtant en survêtement ample et avec un voile, la jeune fille ne participera pas aux épreuves des 800 et 1500 mètres en Chine. Selon certaines sources, elle aurait demandé l’asile politique à la Norvège.

Seul la montée sur le podium des participantes musulmanes et le CIO pourra peut-être faire plier les règles, en forçant à la parité.. peut-être sous l'impulsion de trois de ses membres, anciennes athlètes issus de pays arabo-musulmans, comme la marocaine Nawal El Moutawakel, première femme musulmane à remporter une médaille d’or aux Jeux Olympiques de 1984.




* Aline Bannayan, " Muslim Sportswomen Gain Standing in Beijing ", Women’E News.