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Justice: Le Pen condamné pour ses propos islamophobes

Rédigé par | Vendredi 6 Février 2009 à 13:10

Le leader du Front National en France a été condamné une fois de plus ce mardi pour « provocation à la haine raciale » pour des propos islamophobes tenus en 2003 au journal d’extrême droite Rivarol. Cependant, la peine est loin d’être exemplaire et l’islamophobie reste encore peu sanctionnée par la justice française, constatent les associations de lutte contre le racisme et l’islamophobie.



Jean-Marie Le Pen a été condamné à plusieurs reprises par le passé pour des propos racistes ou négationnistes. Mais ses condamnations ne l’empêchent pas de récidiver. En 2003, c’est aux musulmans qu’il s’attaque. « Le jour où nous aurons en France, non plus 5 millions mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. (…) Les Français raseront les murs, descendront des trottoirs en baissant les yeux. Quand ils ne le font pas, on leur dit: "qu'est-ce que tu as à me regarder comme ça, tu cherches la bagarre ?". Et vous n'avez plus qu'à filer, sinon vous prenez une trempe », avait déclaré M. Le Pen lors d’une interview au quotidien Le Monde du 19 avril 2003. Un mois plus tard, le président du Front National avait persisté et signé dans une interview au journal d’extrême droite Rivarol: « d'autant que quand je dis qu'avec 25 millions de musulmans chez nous, les Français raseront les murs, des gens dans la salle me disaient, non sans raison: "Mais M. Le Pen, c'est déjà le cas maintenant"».

Après une première condamnation en avril 2004 par le tribunal correctionnel de Paris pour ses propos au Monde, M. Le Pen a cette fois été condamné définitivement ce mardi à 10 000 euros d'amende pour ceux publiés en 2003 sur Rivarol. Poursuivi par la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et la Ligue internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), il avait d’abord échappé à toute sanction en première instance. La cour d’appel avait finalement repris les poursuites en 2006 avant de condamner en mars dernier M. Le Pen à 10 000 euros d'amende et à 5 000 euros de dommages et intérêts à la LDH.

L’exception semble faire la règle pour l'instant

La peine prononcée contre le leader de l’extrême droite demeure fort peu exemplaire. Malgré tout, Samy Debah, président du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), s’est dit « satisfait » de cette condamnation qui « met au clair que les propos islamophobes sont sanctionnés par la justice française. C’est aussi un avertissement pour ceux qui sont tentés de tenir des propos diffamatoires contre les musulmans. Au-delà de l’amende qui paraît peu pour un homme qui a l'habitude, c’est un message important pour l’opinion publique et les musulmans en particulier car cette condamnation crée jurisprudence ».

Cependant, « si ça aurait été un autre que Le Pen, il n’aurait probablement pas été condamné », s’inquiète M. Dedah. Il faut dire que les propos islamophobes de ces dernières années n’émanent pas seulement de l’extrême droite et que très peu d’entre eux sont sanctionnés. Des hommes politiques comme Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF), et des « intellectuels » se réclamant de gauche sont aussi allés très loin dans leurs propos.

Dans un entretien au magazine Lire en 2001, Michel Houellebecq affirmait que « la religion la plus con, c'est quand même l'islam. Quand on lit le Coran, on est effondré... effondré ». Selon la justice, les propos tenus par ce dernier relevaient du « droit à la critique des doctrines religieuses » et ne pouvaient s'apparenter à des propos racistes. Ces déclarations, comme tant d'autres, n’ont jamais été suivi d’effets, à l’instar de Claude Imbert, fondateur du magazine Le Point, qui déclarait fin 2003 sur LCI : «Je suis un peu islamophobe, ça ne me gêne pas de le dire. J’ai le droit de penser que l’Islam — je dis bien l’Islam je ne parle même pas des islamistes — apporte une certaine débilité qui en effet me rend islamophobe ».

C’est d’ailleurs à la suite de cette affaire que le CCIF a été crée. « Certains ont accaparé le discours de Le Pen. Ils n’ont pas l’apparence de celui-ci mais le fond reste le même. Il y a une lepénisation des esprits, c’est certain. Ce n’est pas la frilosité de la société française (envers les musulmans, ndlr) qui est le plus grave. C’est le fait que des personnalités politiques, qui sont sensés connaître la réalité, mentent à l’opinion publique. Ils n’ont pas le droit d’utiliser les peurs populaires pour surfer sur des succès électoraux ».

L’islamophobie, un fléau auquel il faut s’attaquer

Alors que les discours antisémites et négationnistes sont médiatisés en France et la plupart condamnés, peu de propos islamophobes sont réprouvés. « La loi doit être générale et appliquée à tous de manière égalitaire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. On a le sentiment qu’on peut toucher personne sauf les musulmans contre qui on peut s’en donner à cœur joie. En théorie, on est tous égaux devant la loi mais dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas pour les musulmans », fait savoir M. Debah.

Nicolas Sarkozy a déclaré à la mi-janvier que « l’antisémitisme, l’islamophobie seront condamnés avec la même sévérité ». C’est pourquoi le CCIF et d’autres associations contre le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié des Peuples (MRAP) réclament depuis longtemps des peines exemplaires. « On considère que les hommes politiques et les intellectuels ont une influence considérable sur l’opinion publique. Ils ont donc plus de responsabilités envers elle. S’ils dévient, il est normal qu’ils soient durement sanctionnés », conclut le président du CCIF.


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur