Sur le vif

Khaled El-Masri, un innocent torturé par la CIA impunie

Rédigé par La Rédaction | Jeudi 3 Janvier 2013 à 12:48



C’est l’histoire d’une injustice que révèle la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), dans un jugement rendu le 13 décembre dernier : celle de Khaled El-Masri, un Allemand d’origine libanaise, arrêté et torturé par la CIA car pris à tort pour un terroriste.

Son calvaire a démarré le 31 décembre 2003 alors qu’il se rendait en Macédoine pour des vacances. A son entrée dans le pays, son identité est contrôlée. Problème : il porte le même nom qu’un membre d’Al-Qaïda. Sans chercher plus loin, les agents de sécurité macédoniens ont procèdé à son arrestation. Il est alors retenu prisonnier dans un hôtel pendant près d'un mois puis est livré à l'Agence centrale de renseignements américaine (CIA) à l’aéroport de Skopje, la capitale de la Macédoine.

Il est victime d’un interrogatoire des plus musclés où il est « roué de coups, sodomisé, enchaîné et cagoulé » en présence d’officiels macédoniens, d’après le jugement de la CEDH qu'a pu consulter le New York Times. Il est ensuite envoyé en Afghanistan où il y subit encore un traitement inhumain. Quatre mois après, en 2004, les Américains, qui se sont enfin rendus compte de leur erreur, le renvoie en Allemagne... sans excuses ni argent.

Très affaibli par cette épreuve, le combat de Khaled El-Masri n’est pas fini pour autant car il doit encore se battre pour faire reconnaître l’injustice dont il a été la victime. Une enquête est ouverte en Allemagne et des mandats d'arrêt sont lancés à l'encontre de plusieurs agents de la CIA mais la Cour suprême américaine, brandissant le secret d'État, a classé son affaire en octobre 2007.

La Macédoine rejette également sa plainte pour « détention et enlèvement illégaux ». C'est sans compter la CEDH qui s’empare de l’affaire. Neuf ans après les faits, elle a condamné, le 13 décembre 2012, la Macédoine à verser la somme de 60 000 euros à Khaled El-Masri, lui reconnaissant ainsi son statut de victime. Une somme bien loin des 300 000 € demandés par le plaignant et qui est très modeste au regard de ce qu’il a enduré.

Reste que les États-Unis sont impunis. N'étant pas signataires de la convention de Rome, ils ne sont pas soumis à la Cour pénale internationale. Les agents de la CIA restent donc inattaquables.

Cette affaire met également en lumière un autre problème : celui de l'augmentation, depuis les attentats du 11 septembre, des transferts de personnes d’un pays à un autre sans procédure judiciaire. La Macédoine avait ainsi livré Khaled El-Masri sans jugement aux Etats-Unis. Des mesures de « remises ou redditions extraordinaires » qui peuvent gâcher des vies.

Lire aussi :
Guantanamo, une décennie de violations des droits humains
Le Pentagone enquête sur un film concernant Ben Laden
Du fond du camp de Guantanamo, un détenu témoigne