La Crimée, petite péninsule au nord de la mer Noire, est sous les feux de l’actualité. Son importance stratégique actuelle est liée la présence d’une communauté russophone majoritaire. Par le passé, c’est un peuple musulman turco-mongol, héritier de la Horde d’Or de Gengis Khan, les Tatars, qui peuplait quasi exclusivement la presqu’île, alors un puissant Etat militaire, le khanat de Crimée.
Un Etat qui, même soumis par Istanbul à la fin du XVe siècle, se comportera moins en vassal qu’en allié ombrageux. Frontière nord-est de l’Empire ottoman, la Crimée était en effet d’une importance stratégique.
Un Etat qui, même soumis par Istanbul à la fin du XVe siècle, se comportera moins en vassal qu’en allié ombrageux. Frontière nord-est de l’Empire ottoman, la Crimée était en effet d’une importance stratégique.
Une redoutable enclave musulmane
Jusqu’au XVIIIe siècle, le khanat de Crimée demeurera l’un des Etats les plus puissants d’Europe orientale. De 1479 à 1597 notamment, de l’avènement de Mengli Giray à la mort de Ghazi Giray II, cette enclave musulmane fut une redoutable puissance dont la force guerrière pesait lourdement sur l’échiquier politique et diplomatique régional.
C’est pourtant dès le début de cette période faste que les Ottomans prennent pied sur la côte criméenne, prenant tour à tour, dès 1475, les comptoirs commerciaux de Caffa (Kefe) et Mangop (Menkup). Progressivement, le territoire du khanat tatar se trouvera solidement encadré par une ceinture de défense de forteresses turques.
A Qïl-Burun, Uzu, Kerç, Yeni-Qal’e, Or, Taman, Temriik et Sogudjaq stationnent des détachements militaires placés sous le commandement direct d’un beylerbey (gouverneur colonial), dans une Crimée érigée en 1582 en eyalet (protectorat). L’Etat tatar conserve néanmoins les attributs symboliques de la souveraineté : le khan fait battre monnaie, et la prière du vendredi est faite à son nom.
C’est pourtant dès le début de cette période faste que les Ottomans prennent pied sur la côte criméenne, prenant tour à tour, dès 1475, les comptoirs commerciaux de Caffa (Kefe) et Mangop (Menkup). Progressivement, le territoire du khanat tatar se trouvera solidement encadré par une ceinture de défense de forteresses turques.
A Qïl-Burun, Uzu, Kerç, Yeni-Qal’e, Or, Taman, Temriik et Sogudjaq stationnent des détachements militaires placés sous le commandement direct d’un beylerbey (gouverneur colonial), dans une Crimée érigée en 1582 en eyalet (protectorat). L’Etat tatar conserve néanmoins les attributs symboliques de la souveraineté : le khan fait battre monnaie, et la prière du vendredi est faite à son nom.
La Crimée vassale de l'Empire
En vertu des liens de vassalité entre le khanat et l’Empire, le sultan dispose, quant à lui, d’un droit autrement plus important, celui d’investiture : nul khan ne pouvait accéder au trône s’il n’avait été préalablement confirmé par le calife ottoman. Au nouveau vassal, il était ainsi envoyé un tambour et un étendard orné de cinq queues de cheval, symbole de l’agrément impérial (tasdîq).
Dans les faits, jusqu’à l’accession au trône de Sa‘adat Giray en 1523, ce droit demeura purement théorique. De même, le droit de mobilisation militaire, c’est-à-dire celui de sommer les khans tatares de Crimée à rejoindre, à la tête de leurs troupes, la grande armée impériale.
Jusqu’au début du XVIe siècle en effet, ces derniers se permettaient de répondre par une fin de non-recevoir aux invitations de la Sublime Porte. En 1521, alors Soliman le Magnifique en personne l’appelait à rejoindre l’armée ottomane en Hongrie, le khan Muhammad Giray répondra par un refus à peine poli.
Dans les faits, jusqu’à l’accession au trône de Sa‘adat Giray en 1523, ce droit demeura purement théorique. De même, le droit de mobilisation militaire, c’est-à-dire celui de sommer les khans tatares de Crimée à rejoindre, à la tête de leurs troupes, la grande armée impériale.
Jusqu’au début du XVIe siècle en effet, ces derniers se permettaient de répondre par une fin de non-recevoir aux invitations de la Sublime Porte. En 1521, alors Soliman le Magnifique en personne l’appelait à rejoindre l’armée ottomane en Hongrie, le khan Muhammad Giray répondra par un refus à peine poli.
L’intérêt bien compris
Au-delà du rapport de forces, l’alliance des Tatars de Crimée et des Ottomans relevait, pour les uns comme pour les autres, de l’intérêt bien compris. Pour le petit Etat musulman, qui se veut l’héritier de la Horde d’Or et cherche à établir son autorité sur les terres tatares de la Moyenne- et de la Basse-Volga (et notamment sur les lointaines Kazan et Astrakan), l’Empire ottoman, puissance tutélaire, est un allié craint sur trois continents.
Mais, pour l’empire lui-même, ce vassal est un allié de choix. Il permet en effet de maintenir la liberté de communications le long de la grande voie commerciale et militaire ouest-est, qui relie les possessions danubiennes au Daghestan et à l’Asie centrale.
Axe stratégique par excellence, elle permettait, d’une part, de tourner par le nord l’Iran séfévide – adversaire militaire et idéologique – et, d’autre part, d'assurer les échanges avec le Turkestan, le Türk Eli, la patrie des Turcs, réservoir des clans nomades guerriers, forces vives indispensables à l’Empire pour sa politique de conquêtes en Europe.
Mais, pour l’empire lui-même, ce vassal est un allié de choix. Il permet en effet de maintenir la liberté de communications le long de la grande voie commerciale et militaire ouest-est, qui relie les possessions danubiennes au Daghestan et à l’Asie centrale.
Axe stratégique par excellence, elle permettait, d’une part, de tourner par le nord l’Iran séfévide – adversaire militaire et idéologique – et, d’autre part, d'assurer les échanges avec le Turkestan, le Türk Eli, la patrie des Turcs, réservoir des clans nomades guerriers, forces vives indispensables à l’Empire pour sa politique de conquêtes en Europe.