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L'Islam en France : Les musulmans répondent à la tribune de Nicolas Sarkozy

Rédigé par Abderrahim islamenfrance | Lundi 14 Décembre 2009 à 00:00

Est-il possible de recadrer un débat décrié, controversé, objet de dérapages xénophobes et islamophobes ? Un débat voulu et programmé par l’Elysée, qui dérive et se cristallise de plus en plus sur l’Islam. C’est ce qu’a semblé faire le président Sarkozy par sa tribune dans le Monde, hier, sur le débat sur l’identité nationale.



Hier après-midi, ce sont les députés qui s’en sont emparé. La tribune du président Sarkozy dans le Monde, hier, se veut-elle une mise en garde et/ou une mise au point, une clarification d’une initiative voulue par l’Elysée avec des arrière-pensées électoralistes liées aux régionales de mars 2010, mais qui, coïncidant avec l’affaire des minarets en Suisse – qui a fait grand bruit en France – crée un véritable malaise dans la société française, nourrissant amalgames de toute sorte. Nicolas Sarkozy, en confiant il y a un mois la conduite de ce débat à Eric Besson, le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, ne s’attendait certainement pas à la tournure qu’il allait prendre.

Volonté d’apaisement autour d’un débat qui a pris des proportions inquiétantes ? Nicolas Sarkozy rappelle « les valeurs de tolérance » et « d’ouverture » de la France et appelle au respect mutuel entre « ceux qui arrivent » et « ceux qui accueillent », que la question de l’identité nationale ne se résume pas à celle de l’immigration et à la place de l’islam en France. « Chrétien, juif ou musulman, homme de foi, quelle que soit sa foi, croyant, quelle que soit sa croyance, chacun doit savoir se garder de toute ostentation et de toute provocation et, conscient de la chance qu’il a de vivre sur une terre de liberté, doit pratiquer son culte avec l’humble discrétion qui témoigne non de la tiédeur de ses convictions mais du respect fraternel qu’il éprouve vis-à-vis de celui qui ne pense pas comme lui, avec lequel il veut vivre », poursuit Nicolas Sarkozy. Déjà vendredi, le Premier ministre François Fillon déclarait qu’il ne fallait « pas tout confondre ».

« Il faut comprendre les Suisses »

Interrogé sur le référendum anti-minarets en Suisse, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a répondu dimanche sur Canal+ que la France est « une République laïque qui doit protéger l’ensemble des cultes ». Elle doit « condamner à la fois l’islamophobie et l’islamisme radical », a-t-il insisté. Le ministre a précisé qu’il existait en France 2368 lieux de culte musulman recensés, allant de la simple salle de prière à la mosquée. Parmi ces lieux de culte, on trouve 64 mosquées ayant des minarets dont 7 ayant « des minarets élevés », a-t-il rapporté.

La construction de minarets « n’est pas une obligation religieuse », a-t-il souligné, évoquant certaines mosquées qui en sont dépourvues en République islamique d’Iran. Le ministre a assuré qu’il se « reconnaît » dans la position du maréchal Lyautey qui, en inaugurant la Grande Mosquée de Paris en 1922, avait déclaré : « Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Ile-de-France qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront pas jalouses. » Sur le vote suisse, Nicolas Sarkozy souligne dans sa tribune qu’« au lieu de vilipender les Suisses parce que leur réponse ne nous plaît pas, mieux vaut nous interroger sur ce qu’elle révèle ». « Essayons de comprendre ce que (le peuple suisse) a voulu exprimer et ce que ressentent tant de peuples en Europe, y compris le peuple français. Rien ne serait pire que le déni. » Le fond reste entier.


Par Nadjia Bouzeghrane

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Un bon musulman est un musulman discret

Qui a dit que les pays musulmans étaient plus touchés que d’autres par le virus ­identitaire ? L’Europe aussi, ma foi ! Mais avec davantage de manières, de chic pour enrober les discours dans de ­fausses déclarations de tolérance. Après l’affaire du voile et celle des caricatures du Prophète, puis le débat insidieux sur « l’identité nationale » française, la Suisse vient d’ajouter un chapitre à la longue histoire de la phobie de l’islam en interdisant les minarets. Mais faut-il condamner un pays qui a le mérite de dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas et se borne à manifester un refus de la diversité commun à nombre de nations dites civilisées et championnes des droits de l’homme ?

Au fond, ce que la Suisse préfère, ce sont les banques. Ça ne fait pas d’idéologie, une banque, ça vous fait vivre un canton dans l’opulence grâce, entre autres, au pétrole des Arabes et à leur folie consumériste. La « votation » des Helvètes signifie sans détour : « Vous, les musulmans, on vous aime bien, mais à condition que vous restiez invisibles. On veut bien de votre argent et de vos matières premières ; on ne voit aucun inconvénient à ce que vous achetiez nos produits ; aux plus corrompus d’entre vous, nous sommes prêts à concéder quelques comptes protégés par le secret bancaire, mais de grâce, imitez d’autres communautés, faites-vous discrets, n’arborez ni couvre-chefs ostensibles ni minarets d’apparat. »

Parions que les monarchies musulmanes s’en accommoderont très bien. Comme si de rien n’était, ­princes et émirs continueront d’envoyer leurs rejetons à la Fête de Genève et leurs femmes y faire du shopping. Fuyant la canicule, ils ne pourront résister longtemps à l’appel des pistes de ski. Quand on habite le désert, quoi de plus beau qu’un jet d’eau jaillissant du lac ? D’ailleurs, les Suisses l’ont parfaitement compris : « Nous savons que, si nos produits sont bons, ils ne les boycotteront pas ! »

Quant aux musulmans d’Europe, il est peut-être temps qu’ils changent de stratégie. On leur demande des ­gages d’invisibilité ? Qu’ils les donnent ! Que leurs enfants ­tiennent les guichets des Républiques laïques, qu’ils hantent les studios télé et participent aux élections. Personne ne saura qu’ils ont gardé leur tapis de prière dans un placard et les versets du Coran en mémoire ! Une fois parvenus aux centres de décision, ils aviseront. Si cela se trouve, en gommant les signes visibles de leur religion, ils auront acquis le pouvoir de les restaurer !

Par : Fawzia Zouari

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La meilleure des réponses !

Différentes personnalités de la Communauté Musulmane ont eu la bonne idée de répondre à la Tribune de Nicolas Sarkozy dans le Journal Libération. (Uniquement pour les abonnés au journal)

Kamel Kabtane. recteur de la mosquée de Lyon : « Le président de la République tente de rassurer la communauté musulmane pour qu’elle se sente chez elle, mais il met des barrières et des conditions »

Eric Geoffroy. Islamologue re-converti à l'Islam : « Explicitement, pour Sarkozy, Islam égale étranger. Il parle de "ceux qui arrivent" comme si l’Islam était nouveau chez nous, alors que c’est faux sociologiquement et historiquement, la preuve lorsque la France était en Algérie »

Mohamed Moussaoui. Président du Conseil du culte musulman : « S’agissant de construire un meilleur vivre ensemble, Sarkozy a appelé à ce qu’il y ait un équilibre entre la liberté de pratiquer sa religion et la perception de cette pratique par le reste de la société »

Racchid Benzine. Islamologue à l'observatoire du religieux d'Aix : « Sarkozy utilise son thème favori qui est l’identité nationale comme rempart contre le communautarisme et le tribalisme mais il oppose identité nationale et immigration. Je suis effaré de voir qu’il continue à considérer que l’Islam est étranger »

Dounia Bouzar. Anthropologue : « Ce qui me frappe, c’est que Sarkozy traite dans le premier paragraphe de l’immigration, en faisant le distinguo entre "accueillant" et "accueilli", et dans le second de l’Islam. Or, ça fait vingt ans que l’on se bat pour séparer la question ! »

Et (un non-musulman) LAURENT JOFFRIN (directeur de publication de Libération)

« Il y a du bon dans le texte écrit par Nicolas Sarkozy et publié hier dans «Le Monde». Cette phrase, notamment, qui évoque «l’enrichissement mutuel qu’est le métissage des idées, des pensées, des cultures» ou encore cette promesse de tout faire «pour que (les musulmans) se sentent des citoyens comme les autres, jouissant des mêmes droits que tous les autres à vivre leur foi, à pratiquer leur religion avec la même liberté et la même dignité». Paroles républicaines de bon aloi. Mais il y a aussi un sous-texte, une arrière-pensée, un non-dit qui transparaît dans une expression qui manifestement les désigne : «ceux qui arrivent». Etrange expression, si contraire à la vérité historique. Les musulmans font partie de la société française depuis très longtemps. Ils ont une mosquée à Paris, monument qui rehausse la capitale, depuis les années 1920. L’armée française d’Italie pendant la guerre aurait été bien faible sans eux. La croissance des années 60 leur doit beaucoup. Et pourtant, dit le président, «ils arrivent», alors qu’ils sont si nombreux à être nés en France. Et s’ils respectent les lois, s’ils rejettent les provocations intégristes (ce qu’ils font dans leur immense majorité), peut-on décemment leur demander, en substance, de raser les murs ? N’est-ce pas, finalement, contredire, même involontairement, les principes qu’on énonce ? Si les musulmans «arrivent», c’est surtout dans la conscience d’une partie de l’opinion, qui ne voulait pas les voir. Cette opinion existe, il faut en tenir compte. Mais la meilleure pédagogie, c’est d’abord la vérité. »

La meilleure des interventions

La meilleure des interventions est celle de Ghaleb Bencheikh :