Communiqué à propos du discours du Pape à l’Université de Ratisbonne le 12 septembre 2006
Devant les réactions au discours du pape, on ne peut manquer de faire le rapprochement avec l’affaire des caricatures. Mais, alors que tout le monde a vu les caricatures, qui a lu le texte ? J’ai eu cette curiosité : de quoi le pape a-t-il parlé ?
Devant des universitaires, le pape réfléchit à une question qui est au centre de son activité intellectuelle de toujours : le rapport entre foi et raison. Il pense qu’elles doivent se rendre service mutuellement. Car l’une et l’autre, isolément, peuvent devenir folles et dangereuses.
Au passage, il cite quelques lignes qu’il a trouvées dans ses lectures récentes, ses lectures de vacances sans doute. Il s’agit des Entretiens avec un musulman, écrits par un empereur byzantin vers l’an 1400. Le pape commence par une phrase du Coran : « Pas de contrainte en matière de foi. »
Mais quand l’Islam fut devenu un pouvoir politique et militaire, apparut la doctrine du djihâd, combat spirituel qui peut prendre la forme de la guerre au sens classique du mot. L’empereur dit à son interlocuteur que cela n’est pas bien car « ne pas agir selon la raison contredit la nature de Dieu » et que la force n’est pas un argument.
Il est beau que cela ait été écrit il y a six siècles. Il se trouve que c’est par un chrétien et - plus intéressant - par quelqu’un qui détient le pouvoir des armes.
Citer ce texte constitue-t-il vraiment une provocation ? Le pape avait pris soin d’amortir le choc en prévenant que l’auteur s’était exprimé « d’une manière étonnamment abrupte ».
La preuve que le pape Benoît XVI ne méprise pas l’Islam, c’est que, sur la fin du même discours, il recommande « l’écoute des grandes expériences et intuitions des traditions religieuses » : qui douterait que l’Islam en soit une ?
Les caricaturistes s’étaient joué des symboles de l’Islam et, tout particulièrement, de la personne du Prophète. Le Saint-Père n’a rien fait de tel. Mais c’est lui qui est un symbole : un an après son élection, il vient d’en faire la pénible expérience. Qu’il fasse allusion à un débat qui, d’ailleurs, traverse le monde musulman (quelle est la définition du djihâd ?), et le voilà traité en ennemi ! L’Islam est-il devenu un sujet tabou ? Faut-il ne plus jamais rien dire parce que quelqu’un trouvera toujours à redire et que, par mimétisme, les autres suivront ?
Comme pape et, antérieurement mais toujours comme homme de réflexion, le pape Benoît XVI n’est sûrement pas prêt à accepter qu’on lui interdise de parler et, d’abord, de penser.
17 septembre 2006