A la demande du Pakistan, l’ONU a condamné l’Etat d’Israël pour l’assassinat du Cheikh Yassine perpétré par des éléments de l’armée israélienne à la demande du Premier ministre Ariel Sharon. Dans une résolution votée mercredi 24 mars, la commission de droits de l’Homme a condamné le gouvernement de M. Sharon à 31 voix contre 2. Les Etats Unis et l’Australie ayant voté contre la résolution. La France, ainsi que les autres pays européens se sont abstenus portant le nombre d’abstentions à 18. Cette nouvelle condamnation de l’Etat d’Israël, une de plus, n’entraîne aucune sanction concrète.
Israël, une démocratie mafieuse ?
Pour M. Yaakov Levy, Ambassadeur d’Israël auprès de l’Onu, cité par une dépêche de l’AFP, le vote de la résolution consiste à ' prêter main forte au terrorisme tout en refusant le droit d'Israël à l'autodéfense '. Souhaitant éviter le vote, l’ambassadeur israélien estimait que le vote ' créerait un précédent en soutenant des actes de terrorisme plutôt que de les condamner sans équivoque ' Mais sa plaidoirie n’a pas convaincu les membres de la commission. M. Levy avait d’abord tenté de s’opposer à la tenu d’une séance spéciale de Commission dont le but était de statuer sur l’assassinat du Cheikh Yassine. Car disait-il, ' pour la première fois dans l'histoire des Nations unies, une réunion sera consacrée à soutenir et glorifier un dirigeant d'une organisation terroriste '.
Pour M. Ismaïl Haniyé, proche collaborateur du Cheikh Yassine, la décision de l’Onu était une décision attendue. M Haniyé estime qu’' un gouvernement qui se réunit pour décider de l’assassinat de personnes n’est pas un gouvernement démocratique : c’est une maffia '. Ces paroles du leader du Hamas faisaient allusion au gouvernement israélien le 21 août dernier suite à l’assassinat de Ismaïl Abu Chanab, par l’armée israélienne.
La tradition du meurtre d’Etat
Agé de 53 ans, membre fondateur du Hamas, comme le Cheikh Yassine, Abu Chanab était considéré comme un sage et un fervent partisan du dialogue. De plus, comme le Cheikh Yassine, il n’appartenait pas à l’aile militaire du Hamas. L’assassinat de cet homme apprécié même par ses adversaires politique et qui ne vivait pas dans la clandestinité avait mis fin à la ' trêve unilatérale ' décrétée deux mois plus tôt par les mouvements de la résistance palestinienne. Avec l’assassinat du Cheikh Yassine, Israël semble s’installer dans une tradition de l’assassinat d’Etat. Une stratégie dont l’efficacité militaire est loin d’être prouvée. Côté palestinien, la rancœur populaire nous semble être le seul effet tangible créé par le choix du gouvernement de M. Sharon.
Toute discussion ayant été interrompue depuis l’élection de M Sharon, le siège de Ramallah, de Jénine, de Nabluse et même de Gaza n’ayant pas durablement apporté la sécurité en Israël, M. Sharon semble avoir besoin de poser des gestes spectaculaires pour justifier les désastreux choix politiques et économiques dont l’initiative de construction du mur qu’il qualifie de mur de sécurité. Pour les Palestiniens, ce mur qui n’est rien de moins qu’un mur d’annexion, n’a fait qu’augmenter le nombre de candidats aux attaques kamikaze au cœur des positions israéliennes. Les Israéliens ne se sont jamais sentis autant en insécurité que depuis la construction du mur. Il leur fallait donc un geste symbolique pour les rassurer.
De la stratégie israélienne
La cible de M Sharon était facile car Cheikh Yassine ne vivait pas dans la clandestinité. Il recevait régulièrement des visites et se rendait cinq fois par jour à la mosquée pour la Salat, la prière rituelle, dont les horaires sont connus d’avance. Sharon savait donc où trouver sa cible.
De nombreux observateurs jugent le moment choisi par Sharon comme une manière de quitter la Bande de Gaza en y semant le chaos entre les forces palestiniennes en présence (Fatah et Hamas). Mais il ne fait de doute, que sur un plan international, mener un acte de ' terrorisme d’Etat ' au moment où l’Europe s’apprête à célébrer une cérémonie en la mémoire des victimes des explosions du jeudi noir de Madrid est un paramètre non négligeable dans la stratégie israélienne. Il faut croire que la condamnation onusienne lui a donné tort.
Ariel Sharon à Paris en avril
Aucune date n’a pour le moment été rendue publique pour la prochaine visite officielle du Premier ministre palestinien à Paris. La situation n’est pas facile pour M. De Villepin qui, au nom de la France, a clairement condamné l’assassinat du Cheikh Yassine. En Israël (mais aussi aux Etats-Unis), le gouvernement de Paris a curieusement la réputation d’être anti-israélien. Il n’empêche que pour de nombreux citoyens français, l’idée de recevoir un chef d’Etat quelques semaines après qu’il se soit vanté de l’assassinat d’un vieil homme tétraplégique est une attitude qui heurte la morale. A l’appel du Collectif des Musulmans de France, un rassemblement spontané a regroupé près de 500 personnes ce mercredi 24 mars devant le ministère des affaires étrangères. Une délégation de manifestant a été reçue.
Dans un bref communiqué, signé de M. Dalil Boubacker, Président du Cfcm, le Conseil Français du Culte Musulman précise que ' les circonstances et la cible de cet acte odieux dont sont victimes les fidèles sortant de la Mosquée et un vieillard handicapé dans son fauteuil roulant, heurtent la conscience de toutes personnes éprises de paix et de justice '. Sans exprimer de condamnation directe, le Conseil a exprimé sa tristesse et ses condoléances aux familles des victimes de cet acte qu’il a appris avec ' consternation '.
L’Association Juive Française pour la Paix, ainsi que l’Association des Travailleurs Maghrébins de France ont publié un communiqué invitant le gouvernement français à ' refuser de recevoir le terroriste meurtrier qui dirige Israël aujourd’hui '. Au nombre de leurs réclamations, les signataires du communiqué inscrivent ' la constitution d'une force internationale de protection du peuple palestinien. '
Le Centre culturel tawhid, situé au 39, rue de la Boulangerie à Saint Denis (93) organise une veillée spirituelle en la mémoire du Cheikh Yassine. Prévue ce vendredi 26 mars à partir de 21H, la soirée comprendra des séances de lecture coranique, un prêche sur le thème ' Vivre, mourir pour Allah : hommage au Cheikh Ahmed Yassine '. Une séance d’invocations de noms de Dieu, Dikr, est prévue ainsi qu’une séance de Prières de la Nuit avant le petit déjeuner qui sera servi sur place ( Centre Tawhid : 01 49 22 04 49 ).