Points de vue

L’état de La Mecque aujourd’hui : reflet de la communauté musulmane

Rédigé par Fatima Adamou | Mercredi 9 Octobre 2013 à 09:42



Les pèlerins 2013 seront peut-être les derniers à voir la Ka‘ba avant sa disparition complète, cernée par d’immenses tours. Le lieu du cinquième pilier de l’islam et son histoire disparaissent sous nos yeux dans le plus grand silence.

C’est autant notre faute, à nous musulmans du monde, que celle des autorités saoudiennes. Cette destruction de notre patrimoine islamique remonte déjà à quelques années. La maison de la première personne à avoir embrassé l’islam, Khadija, est transformée en toilettes publiques ; la maison où est né le Prophète – la paix soit sur lui – rasée ; des vestiges de notre histoire religieuse disparaissent ainsi peu à peu. À ce rythme-là, Muhammad comme la religion dont il a été le Messager deviendront une légende.

Bien sûr, il nous faut de l’espace, augmenter les capacités d’accueil à La Mecque, le nombre de pèlerins allant croissant chaque année. De plus, l’autre raison avancée pour expliquer ces destructions n’est pas à négliger : l’associationnisme ; la crainte de voir les maisons des personnes liées au Prophète vénérées.

Mais dites-moi quelle peut être l’utilité pour les pèlerins de cette horloge six fois plus grande que le Big Ben, la deuxième plus haute tour du monde, de cette tour toisant la maison de Dieu, la Ka‘ba, une tour devenue un autre symbole de La Mecque, un symbole réduisant la Ka‘ba à un petit point noir sur une photo, gâchant pratiquement les prises de vue.

Et les hôtels construits ne sont pas des premiers prix ! Ne me dites pas qu’ils sont destinés aux pèlerins qui ont économisé toute une vie pour accomplir leur cinquième pilier. Ils ne répondent donc pas aux problèmes de capacité d’accueil.

Pour éviter le risque d’associationnisme, ne pourrions-nous pas transmettre correctement notre religion, renforcer le concept d’Unicité de Dieu ?
Excepté les accompagnateurs, a-t-on vraiment besoin d’une règle écrite, d’une loi, pour s’abstenir de se rendre au pèlerinage chaque année et laisser la place à ceux qui n’ont pas encore eu la chance de s’y rendre ?
N’aurions-nous pas pu proposer des structures de prières temporaires le temps du pèlerinage ?
Cela devrait être l’effort de tous de préserver notre patrimoine !

On aurait aimé continuer à voir où se déroulaient les rencontres clandestines après les premières révélations ; réaliser la distance parcourue par ces premiers musulmans pour entendre les premiers versets. Tous ces petits détails nous enrichissent et auraient renforcé notre compréhension de la difficulté à être musulman dans les premiers temps de l’islam.

Nous nous précipitons à La Mecque pour présenter notre respect au Plus Grand, tout en permettant l’enterrement de notre patrimoine historique et religieux, précieux et irremplaçable, au profit de constructions en totale contradiction avec l’humilité que requiert un pèlerinage.

Ces tours tape-à-l’œil, ces destructions défigurant les villes les plus importantes de l’Histoire de l’islam sont le reflet de nos contradictions : toujours prêts à hurler notre colère contre des non-musulmans attaquant notre religion mais silencieux lorsque l’un des nôtres s’y emploie.

Finalement, lorsque l’on regarde une photo de La Mecque aujourd hui, on voit notre silence, nos silences.

Une très grande partie de notre héritage à La Mecque et à Médine est perdue pour toujours. Heureusement, il subsiste encore dans le monde des éléments de notre Histoire, de notre héritage islamique à protéger.

Des protestations dans le passé ont permis pour un temps l’arrêt des transformations de nos Lieux saints. Aujourd’hui, des voix disent leurs inquiétudes, à nous de nous unir à elles et de briser le silence.


Tutrice de français en Grande-Bretagne, Fatima Adamou est également researcher bénévole à l'association Christian Muslim Forum.