L’avis de Saphirnews
Omar Benlaala (La Barbe), Pierre Rosanvallon (Le Parlement des invisibles) et Olivier Roy (La Sainte ignorance), réunis à la Maison des Métallos, le 14 mars 2015.
Voilà un récit de vie dont on s’est délecté de la première à la dernière page. D’abord écrit sur le site participatif raconterlavie.fr, La Barbe, d’Omar Benlaala, est le premier titre paru aux éditions du Seuil dans la collection éponyme dirigée par Pauline Peretz, historienne et maître de conférences à l’université de Nantes, et Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France.
À travers le projet « Raconter la vie », il s’agit redonner la parole au peuple : témoigner de ses épreuves, de sa condition permet de « donner consistance à chacun » mais c’est aussi « un moyen de faire société », affirme l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon. « “Raconter la vie” vise à constituer par les voies du livre et de l’Internet l’équivalent d’un Parlement des invisibles pour représenter à la malreprésentation qui ronge le pays », explique-t-il.
Et le témoignage d’Omar Benlaala vaut bien toutes les analyses sociologiques sur le parcours de jeunes qui se convertissent, se cherchent dans la religion, prônent un islam supérieur à toutes les autres croyances et sauveur de cette société honnie emplie de tentations.
En une petite centaine de pages, l’auteur raconte le gamin de 20 ans qu’il était, habitant du quartier de Ménilmontant qui deviendra plus tard l’artère de toutes les librairies islamiques parisiennes, et sa conversion fulgurante à la pratique rigoriste de l’islam en cette année 1995 « trois jours seulement » après son « dernier ecstasy ».
« En prenant la mosquée pour bunker, j’échappe de justesse au carnage » : la religion comme solution au mal-être de la jeunesse, une équation que s’est appliquée le jeune Omar. Dans un style alerte, plein d’autodérision et ne cessant de filer la métaphore, il conte son changement radical, pétri de lui-même d’être sur la voie du Seigneur.
Turban contre casquette, boubou vert contre jean moulant, trait de khôl contre boucle d’oreille, l’apprenant s’en va convertir de futures ouailles de banlieue. Comparant les sorties des Tabligh à une véritable expédition de marketing confessionnel, l’auteur pose également un regard sur lui sans condescendance : il parvient en effet très vite à se propulser sur le minbar pour prononcer le prêche en français qui précède la prière du vendredi. « De jeunes fans timorés sollicitent ma bénédiction. Moi, leur égal quelques mois plus tôt, je me persuade, prêche après prêche, d’être envoyé par Dieu pour leur montrer la voie. »
« Ce jeu de dupes s’est étiré sur une année entière, jusqu’au jour du grand voyage, ce World Tour qui me rendit immortel. » S’ensuivent des voyages au Pakistan et en Inde. Au contact des « damnés de la terre », des « salariés du désespoir » qui grouillent dans les rues de New Delhi et de Bombay, le « p’tit gars de Ménilmontant » redescend de son nuage et apprend, au contact de croyants complètement abandonnés à l’amour de Dieu, ce qui ne l’effleurait jusqu’alors pas : l’humilité. « Regardons la vérité en face : je ne suis qu’un embryon de croyant (…). Il me faut cesser de vouloir être autre chose que ce que je suis déjà. »
Mais la vie d’Omar est parsemée de moults détours : de retour en France, sans quitter sa barbe, il replonge dans le monde de la nuit en sortant en boîte, se défonce, se raccroche de nouveau à Dieu pour ne pas sombrer, découvre le soufisme par la lecture du Mathnawî de Rûmî et la pratique du dhikr dans la voie naqshbandi…
Aujourd’hui, dépouillé de ses oripeaux de toutes sortes, Omar Benlaala nous livre ce magnifique texte à la lecture duquel on a le sentiment que c’est peut-être non pas Dieu qui l’a sauvé, mais cette belle écriture, à la fois introspective et détachée, qui fait de ce témoignage une œuvre littéraire à part entière.
À travers le projet « Raconter la vie », il s’agit redonner la parole au peuple : témoigner de ses épreuves, de sa condition permet de « donner consistance à chacun » mais c’est aussi « un moyen de faire société », affirme l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon. « “Raconter la vie” vise à constituer par les voies du livre et de l’Internet l’équivalent d’un Parlement des invisibles pour représenter à la malreprésentation qui ronge le pays », explique-t-il.
Et le témoignage d’Omar Benlaala vaut bien toutes les analyses sociologiques sur le parcours de jeunes qui se convertissent, se cherchent dans la religion, prônent un islam supérieur à toutes les autres croyances et sauveur de cette société honnie emplie de tentations.
En une petite centaine de pages, l’auteur raconte le gamin de 20 ans qu’il était, habitant du quartier de Ménilmontant qui deviendra plus tard l’artère de toutes les librairies islamiques parisiennes, et sa conversion fulgurante à la pratique rigoriste de l’islam en cette année 1995 « trois jours seulement » après son « dernier ecstasy ».
« En prenant la mosquée pour bunker, j’échappe de justesse au carnage » : la religion comme solution au mal-être de la jeunesse, une équation que s’est appliquée le jeune Omar. Dans un style alerte, plein d’autodérision et ne cessant de filer la métaphore, il conte son changement radical, pétri de lui-même d’être sur la voie du Seigneur.
Turban contre casquette, boubou vert contre jean moulant, trait de khôl contre boucle d’oreille, l’apprenant s’en va convertir de futures ouailles de banlieue. Comparant les sorties des Tabligh à une véritable expédition de marketing confessionnel, l’auteur pose également un regard sur lui sans condescendance : il parvient en effet très vite à se propulser sur le minbar pour prononcer le prêche en français qui précède la prière du vendredi. « De jeunes fans timorés sollicitent ma bénédiction. Moi, leur égal quelques mois plus tôt, je me persuade, prêche après prêche, d’être envoyé par Dieu pour leur montrer la voie. »
« Ce jeu de dupes s’est étiré sur une année entière, jusqu’au jour du grand voyage, ce World Tour qui me rendit immortel. » S’ensuivent des voyages au Pakistan et en Inde. Au contact des « damnés de la terre », des « salariés du désespoir » qui grouillent dans les rues de New Delhi et de Bombay, le « p’tit gars de Ménilmontant » redescend de son nuage et apprend, au contact de croyants complètement abandonnés à l’amour de Dieu, ce qui ne l’effleurait jusqu’alors pas : l’humilité. « Regardons la vérité en face : je ne suis qu’un embryon de croyant (…). Il me faut cesser de vouloir être autre chose que ce que je suis déjà. »
Mais la vie d’Omar est parsemée de moults détours : de retour en France, sans quitter sa barbe, il replonge dans le monde de la nuit en sortant en boîte, se défonce, se raccroche de nouveau à Dieu pour ne pas sombrer, découvre le soufisme par la lecture du Mathnawî de Rûmî et la pratique du dhikr dans la voie naqshbandi…
Aujourd’hui, dépouillé de ses oripeaux de toutes sortes, Omar Benlaala nous livre ce magnifique texte à la lecture duquel on a le sentiment que c’est peut-être non pas Dieu qui l’a sauvé, mais cette belle écriture, à la fois introspective et détachée, qui fait de ce témoignage une œuvre littéraire à part entière.
Présentation de l'ouvrage par l'éditeur
Omar retrace dans ce livre un itinéraire précurseur, le sien : comment, jeune Français d’origine algérienne, il est devenu, au milieu des années 1990, l’un des premiers « barbus ». Il raconte les étapes successives de sa quête d’identité : décrochage scolaire, apprentissage accéléré de l’islam dans les mosquées de la région parisienne, voyages initiatiques à travers le monde, puis défonce sur les pistes de danse.
Au terme de ces expériences, il trouve finalement son équilibre dans une pratique spirituelle apaisée. Il y a dix ans, alors qu’un nombre croissant de jeunes font le choix de l’islamisme, Omar coupe sa barbe et redevient invisible. Commence alors pour lui une nouvelle quête, ne visant plus ni l’absolu ni la distinction, celle du calme intérieur. Le parcours singulier d’Omar aide à comprendre celui d’autres jeunes qui, aujourd’hui, se cherchent dans la religion.
N’ayant jamais mis les pieds dans une mosquée, je ne savais pas ce que j’allais y trouver. Mais parfaitement ce que je fuyais.
Avec La Barbe, la collection accueille pour la première fois un auteur du site raconterlavie.fr.
Au terme de ces expériences, il trouve finalement son équilibre dans une pratique spirituelle apaisée. Il y a dix ans, alors qu’un nombre croissant de jeunes font le choix de l’islamisme, Omar coupe sa barbe et redevient invisible. Commence alors pour lui une nouvelle quête, ne visant plus ni l’absolu ni la distinction, celle du calme intérieur. Le parcours singulier d’Omar aide à comprendre celui d’autres jeunes qui, aujourd’hui, se cherchent dans la religion.
N’ayant jamais mis les pieds dans une mosquée, je ne savais pas ce que j’allais y trouver. Mais parfaitement ce que je fuyais.
Avec La Barbe, la collection accueille pour la première fois un auteur du site raconterlavie.fr.
Extrait
Pour lire un extrait, cliquer ici
Omar Benlaala, La Barbe, coll. Raconter la Vie, Ed. du Seuil, 2015, 112 p., 7,90 € (ouvrage papier) et 4,49 € (ebook).
Lire aussi :
Le volcan et la jeunesse
Qu’Allah bénisse la France : Abd Al Malik réussit son premier film
Abd Al Malik : « C’est l’islam qui m’a fait aimer la République et mon pays, la France »
Les métamorphoses du religieux à l'heure de la globalisation – suivi de trois questions à Olivier Roy
L'Islam, de la culture à la religion
La mosquée Al Rahma, le centre français du Tabligh
Le volcan et la jeunesse
Qu’Allah bénisse la France : Abd Al Malik réussit son premier film
Abd Al Malik : « C’est l’islam qui m’a fait aimer la République et mon pays, la France »
Les métamorphoses du religieux à l'heure de la globalisation – suivi de trois questions à Olivier Roy
L'Islam, de la culture à la religion
La mosquée Al Rahma, le centre français du Tabligh