Finance éthique

La France s’ouvre en 2009 aux banques islamiques

Rédigé par Hanan Ben Rhouma | Vendredi 28 Novembre 2008 à 10:37

Faire de Paris une capitale de la finance islamique. Tel est le souhait émis par Christine Lagarde, ministre française de l’Economie, ce mercredi, lors du second forum français dédié à la finance islamique. Après la Grande-Bretagne, plusieurs établissements bancaires respectant les règles de conduite des musulmans (Sharia) devront ouvrir leurs portes en France d’ici juin 2009. Une bonne nouvelle pour les cinq à six millions de musulmans de l’Hexagone. Ils devront tout de même attendre plus longtemps pour que les banques de détails voient le jour.



Un système financier participatif basé sur des règles et une éthique religieuses qu’est l’Islam : tel est le principe développé par la finance islamique, aujourd’hui en plein boom. A l’heure d’une crise internationale sans précédent depuis 1929, de nombreux responsables politiques trouvent en ce système un moyen de « moraliser » le capitalisme. Longtemps concentrée dans le Golfe, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est, la finance islamique part, depuis quelques années, à la conquête de nouveaux marchés jusque là peu exploités : l’Europe. Depuis 2004, des banques islamiques ont fait une entrée fracassante en Grande-Bretagne. Doucement mais surement, c’est aujourd’hui au tour de la France de s’y intéresser.

Une demande en pleine croissance

C’est dans un climat politique favorable que s’est déroulée, ce mercredi 26 novembre, la seconde édition du forum dédiée à la finance islamique. Selon Frédéric Coste, consultant pour Secure Finance (association d’expertises financières et un des organisateurs du forum), quatre établissements devraient s’implanter en France d’ici juin 2009, dont la Qatari Islamic Bank et la Kuwait Finance House. « Il n’y a pas eu d’annonces officielles durant ce forum mais quatre noms ont bien été évoqués », affirme t-il. Ces banques se cantonneront, dans un premier temps, dans « des activités d’investissement » avant de se lancer dans la banque de détail d’ici trois à quatre ans et d’ouvrir leurs portes aux quelques six millions de musulmans présents en France.
Une aubaine mais aussi une frustration pour ces derniers. Selon un sondage CSA publié fin octobre 2008, 54% des musulmans de France sont favorables à une application au moins partielle de la Sharia en France. L’Islam interdit l’intérêt (ou usure), qu’il soit sous forme de prêt ou de rémunération. Or, s’adapter aux pratiques bancaires actuelles, c’est violer les préceptes islamiques de base. Les non-musulmans pourront aussi être de futurs clients, tant que leurs activités industrielles et commerciales sont conformes aux règles religieuses. Sont ainsi interdites toutes activités liées aux secteurs non halal (alcool, porc, jeux de hasard…). Des Sharia Board, comités indépendants dont le rôle est d’assurer que les activités de ces banques sont en accord avec l’Islam, seront mis en place.
Cependant, malgré une forte demande de la part de la communauté, les accès à la propriété estampillés halal et les prêts sans intérêts ne sont pas pour demain. A moins de posséder une fortune, les particuliers devront s’armer de patience avant que les guichets de ces banques ne leur soient ouverts.

Révolution en vue pour le monde bancaire

Mais les avancées sont notoires aujourd’hui. La peur et la frilosité des autorités françaises envers la finance islamique, souvent associée à d’hypothétiques financements de groupes terroristes, ont longtemps bloqué sa mise en place. « Nous adapterons notre environnement juridique pour que la stabilité et l'innovation de notre place financière puissent bénéficier à la finance islamique », déclarait Christine Lagarde en juillet dernier. Cette fois, la ministre française de l’Economie a réaffirmé son souhait de faire de Paris « une grande place d’accueil » pour ce système financier. La France veut ainsi prendre exemple sur la Grande-Bretagne, qui a une longueur d’avance sur son voisin outre-Manche. Allusion faite aux propos de Gordon Brown, ancien Ministre de l’Economie, en juin 2006, qui avait déclaré vouloir faire de Londres « le centre mondial de la finance islamique ». Rappelons que la Société Général à l’île de la réunion expérimente depuis près un an des produits de placement « sharia compatible ». « Des réformes essentiellement fiscales seront mises en place pour permettre un développement favorable de ces établissements en France », affirme M. Coste. Un rapport d’instructions sera publié d’ici décembre 2008.