Points de vue

La HALDE : Une égalité de traitement pour tous ou de la poudre aux yeux !

Rédigé par Djoufelkit Youssef | Mardi 18 Janvier 2005 à 00:00

Un nouvel organisme indépendant nommé la HALDE, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité, va voir le jour dès février. Il devra traiter les plaintes qui lui parviendront par écrit, mais aussi s'attaquer aux discriminations à l’emploi, au logement, à l’éducation, notamment aux discriminations religieuses, aux propos discriminatoires, etc…
Elle pourra être saisie directement par toute personne s'estimant victime de discrimination et disposera de pouvoirs d'enquête.



Un nouvel organisme indépendant nommé la HALDE, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité, va voir le jour dès février. Il devra traiter les plaintes qui lui parviendront par écrit, mais aussi s'attaquer aux discriminations à l’emploi, au logement, à l’éducation, notamment aux discriminations religieuses, aux propos discriminatoires, etc…

Elle pourra être saisie directement par toute personne s'estimant victime de discrimination et disposera de pouvoirs d'enquête.

 

Pour avoir « réussi » sa mission à la tête de la commission sur la laïcité, Bernard Stasi, l'ancien médiateur de la République, devrait présider cette instance, Bernard Stasi qui indiquait par ailleurs il n’y a pas si longtemps que le port du voile était une aliénation pour la femme. Nous n’oublierons pas certes cette mascarade d’un débat national mémorable durant 6 mois de bêtises racistes, sexistes et islamophobes qui n’avait d’autre objectif que d’éteindre en douceur le feu du mouvement social de main/juin 2003 (notamment dans l’éducation nationale). Depuis ce faut débat à la télévision le climat d’hostilité n’a cessé d’augmenter et de nombreuses femmes musulmanes ont été agressées. Quelle réussite !

 

Nul n’est censé ignorer la loi et nul n’est habilité par celle-ci à déroger au principe d’égalité entre les citoyens français dits «de souche» et les citoyens français d’origine étrangère. Très bien !

 

Néanmoins on ne peut s’empêcher de se poser un certain nombre de questions et faire un constat assez préoccupant et dramatique que traverse notre société.

 

Au sujet des discriminations raciales à l’embauche une récente étude de l'Observatoire des discriminations de l'université de Paris-I a confirmé les pratiques discriminatoires à l'embauche. Réalisant un test à l'aide de CV types identiques, elle avait révélé que seuls 5 % des recruteurs avaient retenu un candidat d'origine maghrébine en vue d'un entretien, contre 30 % pour le candidat 'standard blanc de peau' (1). Même le service public, la fonction publique et au-delà sont également fortement remis en cause et les exigences que résume la devise républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité deviennent incertains. Je peux vous dire que dans le sud de la France malgré les nombreuses compétences la situation est catastrophique. On constate une incapacité des institutions à assurer l’égalité réelle des chances (2).

 

Concernant les discriminations au sein de l’éducation nationale, Georges Felouzis, professeur des universités à Bordeaux-II, démontre dans un rapport l'importance des phénomènes de ségrégation des élèves selon qu'ils sont issus ou non de l'immigration. Un travail mené dans la région bordelaise à partir des prénoms des élèves souligne la répartition inégale des enfants issus de l'immigration, qui conduit à l'existence de fait de classes-'ghettos' (3). De plus il faut s’interroger en amont sur le moment des orientations, à la fin du collège, car c’est bien souvent dans l’accès à l’information et la complexité des choix que se construisent les discriminations. Je peux vous dire que dans mon travail dans le cadre de l’accompagnement scolaire, j’ai constaté qu’une majorité des jeunes  issus de l’immigration sont orientés en LEP. Après un travail de 4 années avec une équipe j’ai pu orienter plus de la moitié des élèves vers une seconde générale. On remarquera également que les lycées professionnels sont bien souvent implantés dans les quartiers les plus modestes, quand les lycées classiques demeurent dans les  centres villes et que les lycées ruraux ont de nombreuses places disponibles. A la demande de qui  répondent les implantations ? Comment donc favoriser la réussite scolaire quand la majorité de jeunes français issu de l’immigration sont orientés en LEP (4) et sont dirigés malencontreusement vers des emplois précaires renouvelant ainsi une certaine main d’œuvre à l’image de leur parent très souvent ouvrier ? (5)    

 

Concernant le recours en justice contre une discrimination : le dépôt de plainte n’est toujours pas accepté ou est classé sans suite et sans aucune réponse par courrier. De plus on se heurte à l’impossibilité quasi générale d’apporter la preuve non seulement du préjudice mais encore de l’intention discriminatoire de l’accusé. Comment  lutter contre les discriminations si les plaintes déposées dans une institution de l’état entre autre un commissariat ne sont pas enregistrées car on sait que la justice ne suivra pas?

 

Concernant les discriminations religieuses nous assistons à une stigmatisation outrancière des femmes musulmanes portant un foulard, perçues comme dangereuses pour la sûreté Nationale, et l’équilibre de la République. Elles sont victimes d’exclusion de lieux publics tels que tribunaux, Mairie, Préfecture, Banques, la Poste, les privant ainsi, de leurs droits les plus élémentaires (6), (7). Mais au fait si la HALDE veut combattre les discriminations religieuses, de quelle discrimination religieuse s’agit-il ? les discriminations religieuses concernant les femmes musulmanes portant un foulard seront-elles prises en comptes ou le seul port de leur foulard ne méritera ni égard ni respect ? Toutes les victimes du racisme mériteront-elles le même traitement ?  


Pour conclure si les principes de la République continuent d’être dans les faits quotidiennement bafoués, on prend le risque de rejeter durablement une partie de la population en dehors de la communauté nationale. La HALDE sera-t-elle seulement une autorité administrative de plus, à l’image de celles déjà existantes sans impact réel sur l’amélioration du sort des victimes de discriminations ? Et il est surprenant de voir que la classe politique s’intéresse à la lutte contre les discriminations 2 années avant les élections ! Un traitement égalitaire ou de la poudre aux yeux ?

 

 
 

(1) 35 dirigeants s'engagent à promouvoir les minorités (LE MONDE) 22/10/2004

(2) Le racisme au travail de Philippe Bataille (La découverte)

(3) Une étude décrit l'ampleur des ségrégations ethniques à l'école (LE MONDE) 8/10/2003

(4) LEP : Lycée d’enseignement professionnel préparant à un CAP, un BEP, un Bac Pro

(5) Etude sur les discriminations (Ingénierie Urbaine et Sociale)

(6) Rapport du CCIF sur l’Islamophobie en France

(7) 'L'intolérance à l'égard de l'islam' passée au crible par la CNCDH (LE MONDE) 24.11.03