Société

La République, les religions, l’espérance de Nicolas Sarkozy

Rédigé par Rakho Mom Assmaâ | Lundi 28 Février 2005 à 00:00

Cet ouvrage de l’ex-ministre de l’Intérieur est en soi une belle opération de communication ! Il cumule tous les ingrédients pour rallier le plus grand nombre. Les termes sont soigneusement choisis. L’indignation est présente quand il le faut. Le ton se veut celui de la confidence, de l’intimité... Bref, Nicolas Sarkozy ratisse large. Incontestablement, on ne ressort pas indemnes de la lecture de ses entretiens avec Thibaud Collin et le père Philippe Verdin. Il nous faudra un temps nous secouer afin de prendre le recul nécessaire à la critique.



Cet ouvrage de l’ex-ministre de l’Intérieur est en soi une belle opération de communication ! Il cumule tous les ingrédients pour rallier le plus grand nombre. Les termes sont soigneusement choisis. L’indignation est présente quand il le faut. Le ton se veut celui de la confidence, de l’intimité... Bref, Nicolas Sarkozy ratisse large. Incontestablement, on ne ressort pas indemnes de la lecture de ses entretiens avec Thibaud Collin et le père Philippe Verdin. Il nous faudra un temps nous secouer afin de prendre le recul nécessaire à la critique.

Admettons-le ! Nicolas Sarkozy, dans La République, les religions, l’espérance, tient des propos forts intéressants, tout à fait séduisants. C’est le but, me répliquerez vous ! Et l’on se demandera quelle est la part de vérité, de bonne foi, de sincérité et de volonté effective de les appliquer. Mais tel n’est pas le débat. Les idées sont là, noir sur blanc, pour certaines très novatrices voire embarrassantes dans le sens où elles amènent l’Etat et l’administration à se remettre en cause, à faire montre de courage. Pour d’autres, elles sont plus sujettes à controverse, moins réfléchies voire constituant des bourdes, de véritables erreurs de jugement. Et ce sont ces idées, ces propositions, qu’il va nous falloir saisir afin de les faire traduire en gestes concrets par leur auteur, pourquoi pas à moyen terme, en 2007.

Mais venons en à l’œuvre en elle-même. Construite sur le mode de la discussion, elle se compose de questions sur divers sujets auxquelles répond l’ex-ministre d’Etat. Thibaud Collin et le père Philippe Verdin restent pertinents dans leurs interrogations et poussent parfois Nicolas Sarkozy dans ses derniers retranchements. Encore une fois, nous ne sommes pas dupes et nous rendons bien compte que tout ceci répond à une demande du public. Mais il est clair que cela entraîne l’interrogé jusqu’au bout de sa réflexion et l’amène à se justifier complètement.

Nicolas Sarkozy en vient d’abord à exposer sa conception quant au ' fait religieux et la laïcité ', chapitre qu’il résume bien page 39 quand il précise que '  la religion [...] en raison des liens étroits, intrinsèques, qu’elle entretient avec la vie, l’humain, le sens, la perspective de la mort, fait souvent mauvais ménage avec la pondération. C’est bien pour cela que le fait religieux est à la fois si respectable et si sensible et qu’il doit donc demeurer maîtrisé, encadré, défini. C’est aussi pour cela que la laïcité ne peut lui être indifférente. Il est intéressant de voir que l’ex-ministre d’Etat ajoute : ' d’ailleurs, qu’est-ce qu’un homme qui croit si ce n’est un homme qui espère ? Cette espérance est capable d’offrir, dans la dynamique collective d’une société, une perspective de mobilisation pour le bien commun et un sens aigu de la vie [...] '. Ces deux citations mises en perspective résument parfaitement l’idée que se fait le Président de l’UMP de la laïcité : une opinion pleine de contradictions et d’incohérences entre le manque de ' pondération ' de la religion et l’ ' espérance ' mobilisatrice de ' l’homme qui croit '.

Viennent ensuite 64 pages exclusivement consacrées à ' l’Islam et la République ' au fil desquelles Nicolas Sarkozy traite essentiellement du Conseil français du culte musulman (CFCM), des caractéristiques de l’Islam en France et de la question du voile. Insistant sur la formation du CFCM, son contexte historique, le processus d’élaboration de celui-ci ou encore son rôle, Nicolas Sarkozy répond à la question ' un processus bonapartiste ? ' c’est-à-dire autoritaire, voire autoritariste, par le fait que ' si l’on désigne [...] un investissement personnel, de chaque instant, un désir profond de réussir, la recherche de solutions innovantes pour sortir des impasses chaque fois que j’en voyais se créer, alors j’accepte la qualification '. Pas un instant, l’idée n’est venue à l’esprit de l’ex-ministre de l’Intérieur, durant la mise en place forcée d’une ' représentation ' des musulmans de France que ces ' représentants ', divisés et sclérosés de par leur inféodation à des gouvernements ou puissances étrangers dont ils reproduisent les automatismes, ne pouvaient répondre convenablement à une base en majorité jeune, coupée idéologiquement des pays d’origine des parents et désirant acquérir une pleine indépendance dans la direction et l’orientation des affaires de la communauté, loin des luttes d’influences et de pouvoir.

Concernant le voile, nous déplorons une analyse complètement erronée, encore une fois loin de la réalité du terrain et proche des clichés et préjugés y voyant essentiellement un ' réflexe identitaire ', ' une réaction au regard hostile ' de la société ou encore une protection ' dans certaines banlieues [...] pour avoir la paix '. Que d’absurdités et de bourdes révélatrices d’une volonté d’évacuer la véritable cause d’un tel acharnement sur la question récurrente du voile, à savoir le désir d’occulter la question des inégalités et de la régression sociale. Et cela conduit à ce raccourci affligeant et inquiétant de Nicolas Sarkozy selon lequel ' on voit bien que les questions de sécurité et d’intégration sont intimement liées ' ! Et c’est tout aussi opportunément que l’ex-ministre d’Etat se rangera, quelques lignes plus loin, derrière la décision du Président de la République relative à l’opportunité de légiférer ou non ' pour régler la question du voile ' : ' le débat a été tranché ' affirmera-t-il, ' le Président de la République a décidé qu’il y aurait une loi '. La réponse apparaît comme une fuite. Elle étonne quand on connaît l’homme et sa promptitude à se positionner systématiquement à l’opposé des décisions présidentielles.

Par la suite, Nicolas Sarkozy revient sur la loi de 1905. Elle n’est selon lui pas ' obsolète ' : ' on peut faire évoluer le texte ', mais en n’y touchant ' qu’avec soin et surtout en s’entourant du consensus indispensable en la matière '. Et sur le financement des religions, l’ex-ministre affirme que ' notre pays a intérêt à ce que ' la formation des ministres du culte ' soit compatible avec l’esprit et la pratique de la République ' et ajoute qu’ ' il est temps de poser la question du financement national des grandes religions et celle de la formation ' nationale républicaine ' des ministres du culte '.

Dans les trois dernières parties Nicolas Sarkozy traite d’abord des ' sectes ', qu’il distingue des ' caractéristiques fondamentales qui permettent d’identifier une religion ', à savoir ' le nombre de fidèles, l’universalité du message, et plus encore, son ancienneté '. Ensuite, l’ex-ministre de l’Intérieur revient sur le thème des ' Eglises et l’Europe ', et concernant la référence à Dieu dans la Constitution européenne, débat qui avait agité l’Europe au moment de son élaboration, Nicolas Sarkozy dit ne pas croire ' qu’il faille citer Dieu dans la Constitution européenne ' puisque la Constitution reste un ' document civil ' qui ' s’appliquera aux croyants comme aux non-croyants et aux membres de toutes les religions '. Enfin, s’agissant de ' la religion et l’éducation ', le Président de l’UMP se dit ' favorable à l’enseignement de l’histoire des religions ' selon lui ' facteur clé de l’apprentissage du dialogue, du respect de l’autre, de la compréhension des différences '.

Finalement cet ouvrage, indépendamment de son caractère intéressé ou politicien, pourrait et devrait constituer une base de débat, d’explications et de discussions autour des différents thèmes développés. Effectivement, son contenu n’a pas valeur de paroles incontestables ou inattaquables. Au contraire ! Il ne faudrait pas laisser les idées audacieuses, d’où qu’elles émanent, rester à l’état de vœux pieux.