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La dissolution d'associations pro-Palestine contestée face à « la criminalisation du mouvement de solidarité »

Rédigé par Lionel Lemonier | Lundi 7 Mars 2022 à 14:55

Une manifestation contre la dissolution du Collectif Palestine Vaincra s'est déroulée samedi 5 mars à Toulouse, alors que le ministère de l'Intérieur a précisé ses accusations contre l'association.



Quelque 200 personnes se sont rassemblées samedi 5 mars à Toulouse, près de la station Jean Jaurès. Les participants protestaient contre la demande de dissolution du Collectif Palestine Vaincra (CPV) effectuée par Gérald Darmanin à la demande du président Emmanuel Macron. Le Comité Action Palestine, qui a aussi appelé à un rassemblement de soutien à Bordeaux mardi 8 mars, est aussi dans le viseur de l'Etat.*

Le CPV a fait connaitre les arguments envoyés par le ministère de l’Intérieur pour justifier sa décision d’interdiction. « S’il est évidemment loisible à toute personne, physique ou morale, de discuter ou de contester la politique d’implantation territoriale de l’État d’Israël, cette contestation ne saurait excéder les limites de la liberté d’expression. Or, il apparaît que, sous couvert de la défense du peuple palestinien, le Collectif Palestine Vaincra (…) incite à la haine, à la discrimination et à la violence envers des personnes en raison de leur origine juive, cautionne les agissements d’organisations reconnues comme terroristes et y incite », indique le ministère.

« C’est une attaque sans précédent contre le mouvement de solidarité avec la Palestine à travers des amalgames particulièrement abjects qui assimilent la critique d’un État et d’une idéologie à une forme d’antisémitisme », estime Samidoun dans un billet publié jeudi 3 mars. Ce réseau international de soutien aux prisonniers palestiniens, partenaire du CPV, proteste contre l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme. Le CPV a toujours « considéré la lutte antiraciste comme faisant partie intégrante de ses combats et a régulièrement participé à des initiatives contre l’islamophobie et l’antisémitisme en particulier ou contre le racisme en général », précise-t-on.

Des commentaires non modérés en cause

« 95% des choses qui nous sont reprochées proviennent des contenus de posts Facebook. Et ce n’est pas étonnant puisque nos actions se limitent à des tractages ou des manifestations. On est finalement coupables de délit d’opinion », déplore Tom Martin, porte-parole du Collectif Palestine Vaincra dont les propos sont rapportés par le média indépendant Rapport de force.

Le document du ministère de l’Intérieur reproche également au collectif son appel au boycott de produits importés d’Israël : « Ces campagnes de boycott sont autant d’occasions d’afficher son antisionisme et sa haine d’Israël par l’utilisation de termes virulents. Accusé de pratiquer l’apartheid et de voler les terres des Palestiniens, Israël est ainsi traité d’"État raciste et colonial". » En appui à ces accusations, le ministère cite plusieurs commentaires sur Facebook qui n’auraient pas fait l’objet de modération.

« Nous modérons notre page Facebook suivie par plus de 32 000 personnes en supprimant des centaines de commentaires et bloquant des dizaines de comptes mais nous reconnaissons qu’il est possible que certains aient échappé à notre vigilance. Certains commentaires cités ne sont en revanche en rien problématiques, relevant simplement d’un appel au boycott. Cette accusation est un prétexte qui vise simplement à criminaliser l’appel au boycott des produits israéliens », estime Samidoun, qui renvoie à la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) condamnant la France en juin 2020 pour avoir sanctionné des militants qui appelaient au boycott de produits israéliens.

Une position française encore plus favorable à Israël

Pour le CPV, la décision du ministère de l’Intérieur signe une position diplomatique française plus favorable encore vis-à-vis d'Israël que par le passé. Pour preuve, le discours d’Emmanuel Macron lu par Jean Castex lors du 36e dîner du Conseil représentatif des Institutions juives de France (CRIF), qui évoquait Jérusalem comme « la capitale éternelle du peuple juif ». Le collectif y voit « une remise en cause de la position historique de la France et du droit international et un alignement sur la diplomatie des Etats-Unis et d’Israël »

Dans son discours, le Premier ministre dénonçait également l’emploi du terme « apartheid » pour qualifier la politique de l’Etat d’Israël à l’égard des Palestiniens. Le terme est effectivement utilisé par Amnesty International, qui a justifié cet emploi après les accusations d'antisémitisme visant l'ONG.

Créé en 2019, le CPV est connu à Toulouse pour ses campagnes contre le jumelage entre Toulouse et Tel Aviv ou l’organisation de la manifestation annuelle de soutien à Georges Ibrahim Abdallah, ce qui lui est d'ailleurs reproché par le ministère de l'Intérieur. « Contre la criminalisation du mouvement de solidarité avec la Palestine », plus de 7 300 personnes ont déjà signé une pétition contre sa dissolution. Une action dont le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, s’est réjoui pour sa part, saluant dans un tweet le « courage » de Gérald Darmanin.

« Comme citoyen·nes, nous considérons avoir le droit d’interroger et même de critiquer la politique française de coopération avec le gouvernement israélien sans être suspectés d’antisémitisme », estime l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), qui appelle l’ensemble des associations, partis, syndicats et collectifs « soucieux de préserver les libertés associatives à s’opposer aux menaces de dissolutions proposés par le gouvernement à l’égard du Collectif Palestine Vaincra et du Comité action Palestine ».

Mise à jour mercredi 9 mars : Le CPV, accusé de d'appeler « à la haine, la violence et à la discrimination », a été dissout en conseil des ministres, a annoncé Gérald Darmanin. C'est aussi le cas du Comité Action Palestine. « Plus que jamais nous devons faire front contre cette offensive liberticide gravissime et cette atteinte aux droits les plus élémentaires de la liberté d’expression », a fait savoir le CPV . « Scandalisée par cette décision purement politique », l’association a annoncé qu’elle ira au Conseil d’Etat pour contester sa dissolution.

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