Depuis ce week end, l’injustice de la double peine est enfin regardée en face par le ministre de l’intérieur. Nicolas Sarkozy s’est dit prêt à entamer le débat et a même indiqué qu’il fallait tenir compte des liens avec la France qu’avaient certains étrangers condamnés.
En véritable homme des médias, le ministre de l’intérieur a lancé vendredi le débat sur la double peine. Tout le monde et surtout la gauche ont été pris de court, lorsqu’il a exprimé sur la chaîne France 2 et France Inter sa volonté d’ouvrir le débat sur la double peine. Ces deux interventions ont eu lieu juste avant le meeting de clôture de la campagne « une peine point barre » lancé fin 2001 par Bertrand Tavernier, réalisateur du film Histoires de vies brisées. Elles ne pouvaient pas espérer mieux ces associations organisées en collectif pour faire émerger sur la place publique la question de la double peine. Le coordinateur de la campagne se dit « satisfait de cette prise de position » qui constitue « une ouverture exceptionnelle ».
Nicolas Sarkozy admet qu’il est « difficile, y compris pour des gens -au- passé judiciaire chargé, de les mettre dehors quand ils ont créé des liens en France » Il cite le cas de ce père de famille Chérif Bouchelaleg qui sans son intervention aurait été condamné à la double peine. Ce père de famille de 32 ans vivant en France à l’âge depuis l’âge de 11 ans s’est enraciné en France. Ce constat perçu comme une injustice par de nombreuses associations comme le GESTI, n’ont cessé de le crier aux politiques. Lors de ces dernières années, la droite comme la gauche ne voulaient en démordre. L’ancien ministre de l’intérieur Daniel Vaillant juge qu’être « reconduit chez soi après une condamnation n’est pas une peine supplémentaire ». Mais l’opinion publique quant à elle change. Ainsi selon un sondage BVA, pour Libération et Aides, deux français sur trois sont favorables à la remise en cause de la double peine.
La droite en abordant les questions taboues comme le droit de vote des immigrés et la double peine essaie de se donner un visage humain. On peut se demander comme le souligne Le Monde si ces débats ne sont qu’un mouvement tactique. La question du droit de vote des étrangers soulevée par un député de l’UMP a très vite été enterrée par le premier ministre Jean-Pierre Raffarin proposant la facilité des procédures de naturalisation.
« Pour l’instant, ce ne sont que des paroles » observe l’auteur du film tourné autour de Bouda toujours menacé d’expulsion. « Moi, je ne crois que ce que je vois. On va voir si Sarko est un homme. En plus, il est comme moi : il est immigré lui aussi » scande le comédien.
Plate Forme proposée par le collectif pour changer la loi sur la double peine
Les associations et les personnes, réunies dans la Campagne nationale contre la double peine, réclament :
- La suspension de l'exécution de toutes les mesures d'éloignement prises à l'encontre des catégories protégées et plus précisément leur assignation à résidence avec droit au travail tant pour les personnes condamnées à une peine d'interdiction du territoire français, afin de leur permettre d'obtenir un relèvement de cette mesure devant les tribunaux, que pour les personnes frappées par une mesure d'expulsion dans l'attente de l'abrogation de celle-ci.
- La modification de l'article 26 de l'ordonnance du 02/11/1945 de telle sorte que ne puissent être expulsés les étrangers ayant en France leurs attaches personnelles ou familiales.
- La modification de l'article 23 de l'ordonnance du 02/11/1945 de façon à rendre l'expulsion exceptionnelle.
- La modification de l'article 24 de l'ordonnance du 2/11/1945 : l'avis défavorable de la Commission d'expulsion de l'étranger, qui doit être consultée dans tous les cas, doit rendre l'expulsion impossible.
- Un débat parlementaire, sur la base des constatations de la commission Chanet, qui devrait déboucher sur la suppression de la peine d'interdiction du territoire français. Etrangers et Français doivent encourir strictement les mêmes peines, pour respecter le principe d'égalité dans le traitement pénal de la délinquance.