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La gauche européenne, au cœur des défis

Rédigé par Nadia Sweeny | Jeudi 6 Juillet 2006 à 11:24

Envoyée spéciale à Palerme, Sicile

Durant plus d’une semaine, était organisé à Palerme, en Sicile, une rencontre exceptionnelle de nombreux protagonistes de la gauche européenne. Organisé par le parti communiste italien, la Rifondazione, le festival de la gauche européenne a permis l’évocation de nombreux sujets « chauds ». Autour du thème général de la méditerranée, les protagonistes ont pu aborder la situation en Palestine, l’Immigration du sud vers le nord et les relations des pays de l’Union Européenne avec le sud, et ainsi mettre en avant la problématique d’une coopération plus équitable.



C’est donc près de Mondello, non loin de la ville sicilienne de Palerme, que s’est tenu la semaine dernière le festival de la Gauche Européenne. Entre les matchs du mondial, et les nombreux concerts organisés, les intervenants, acteurs politiques ou universitaires pour la plupart, ont développé plusieurs débats très intéressants autour du thème de la méditerranée. De nombreuses personnalité de la vie politique italienne sont brièvement intervenus, notamment Fausto Bertinotti, président de la chambre des députés italienne ou encore Franco Giordano, secrétaire national du parti communiste italien : Rifondazione.

Palestine : situation d’urgence

Madjid Hadid, photographe palestinien
Chacun s’accorde pour le dire : la situation en Palestine est une situation d’extrême urgence. L’Europe se doit de réagir. C’est sur ces conclusions que s’est tenue une conférence ainsi qu’un atelier de travail au sein de la Gauche Européenne. Universitaires, députés européens, protagonistes politiques de gauche de tous niveaux, ont donc largement débattu de la situation au Proche Orient. Madjid Hadid, photographe palestinien venu de Ramallah pour l’occasion, explique, comme il peut, la situation : « Il y a de nombreux check point, nous sommes enfermés et humiliés, c’est irracontable. L’unique moyen que j’ai trouvé pour résister est la photographie. Montrer au monde ce qui se passe là bas. » Du « mur colonialiste » à la volonté farouche du gouvernement israélien « de délégitimer Mahmoud Abbas », Luisa Migliore, député européenne, a pour sa part, parfaitement résumé la situation sur place. « Le mur qui a été construit dans une illégalité totale du point de vue de la communauté internationale, continue de détruire un peu plus la vie quotidienne et économique des palestiniens. »

Réalisant les catastrophiques conditions de vie de la population palestinienne, chacun s’est engagé à agir avec les moyens qui lui sont impartis. Ainsi, une proposition d’action sera présentée par des députés au parlement européen, de nombreuses lettres seront envoyées aux gouvernements formant l’Europe, les incitant à réagir aux évènements récents, et une volonté est née d’organiser une conférence internationale permettant aux protagonistes du conflit d’engager un dialogue. Tous ces projets mettront évidemment du temps à se réaliser. Cependant, est ressorti de ce colloque, une mobilisation importante et quasi unanime de tous les représentants présents. Yossi Ben Bassat, représentant du parti communiste israélien, va jusqu’à émettre une proposition d’intégrer Israël et la Palestine, à l’Europe : « Israël, avec un revenu par habitant de 17 000 $ par an, et la Palestine de part son grand besoin d’assistance économique, devraient être immédiatement admises dans l’Union Européenne. Ceci irait, de plus, à l’encontre de la peur sous jacente d’admettre des pays musulmans dans l’Union. »

Des questions essentielles ont été évoquées sur la responsabilité de l’occident et notamment de l’Europe dans le pourrissement de la situation au Proche Orient. Cette situation traduit un malaise global de la relation que l’Europe entretien avec le sud de la méditerranée. Des éléments de réflexion ont été amenés sur cette relation particulière et qui doit, d’une manière général, être étudiée afin de permettre une collaboration plus importante et plus équitable.


La méditerranée au centre du dialogue

Myriam Derkaoui
Le processus Euromed, signé à Barcelone en 1995 par de nombreux pays (Algérie, Maroc, Tunisie, Turquie, Chypre, Malte, Egypte, Jordanie, Israël et l’Autorité Palestinienne, Liban et Syrie), devait permettre le développement d’une coopération plus équitable avec l’Europe, mais aussi entre pays du sud. Selon Bruno Amoroso, spécialiste de la cohésion sociale européenne et de la méditerranée à l’université de Roskilde au Danemark, ce processus est un total échec. Dans un premier temps, les coopérations euro méditerranéennes sont fondées sur une politique post-coloniale qui se traduirait par un ensemble d’échanges bilatéraux et non multilatéraux. Ainsi, la compétition entre pays du sud augmente fortement, créant de véritables tensions au sein de ces structures. D’autre part, l’intrusion des Etats-Unis est de plus en plus présente, par exemple au Maroc. « Dans les années 90, nous voulions construire, autour de la méditerranée, une région de paix, de stabilité et de prospérité. Nous n’avons réalisé aucun de ces objectifs. Nous n’avons ni aidé à la paix, il y a toujours le conflit du Proche Orient, le Sahara occidental qui est en recherche d’autodétermination et nous avons des foyers violents qui se créent comme au Darfour. Nous avons rendu des pays extrêmement pauvres, de plus en plus rongés par le libéralisme, (…) favorisant une économie de bazar dans cette partie sud de la méditerranée. » Explique Myriam Derkaoui, élue communiste à la mairie d’Aubervilliers (93) « Le défi, de ce côté ci de la méditerranée, dans nos sociétés, est de savoir comment faire pour que la question de l’immigration soit un fait totalement social, qui fait parti de nos sociétés. Le traité d’Amsterdam, qui nous régit aujourd’hui, fait de la question de l’immigration, une question de pure police, de contrôle et de sécurité, alors que l’Europe est faite d’immigration successive. Le sud est déjà là, partout dans nos villes. A Marseille par exemple, 58 nationalités coexistent selon les statistiques ! » Insiste-t-elle.



Le paradoxe des politiques d’immigration

Franco Giordano
Un paradoxe étonnant a donc été mis en exergue par de nombreux protagonistes. L’Europe, permettant le libre échange des marchés, se résout pourtant à gravement limiter la circulation des hommes. De nombreux pays européens optent donc pour une politique protectionniste en matière d’immigration qui traduirait une coopération biaisée avec ces pays du sud. Cette coopération de libre échange serait, de plus, agrémentée par un manque total de volonté politique dans ces pays du sud, de mettre en place un développement social concret pour leurs populations. « Les pays du sud de la méditerranée n’ont pas de modèles sociaux de développement pour leur peuple, mais se disputent la venue des capitaux étrangers. Cette politique favorise l’augmentation de la pauvreté, du chômage et donc de l’immigration vers le nord. L’Europe crée elle-même son problème d’immigration » Explique Myriam Derkaoui. «L’immigration zéro, voulu par l’Europe, est un pur fantasme. » insiste-t-elle.

L’Italie a, de part sa configuration interne, un réel potentiel pour devenir un pont entre l’Europe et le sud de la méditerranée. En effet, l’Italie se divise en deux grands espaces : le nord plutôt riche et très européanisé, et le sud plus pauvre et isolé. Une configuration qui, de la part d’un pays européen, favoriserait ses rapports avec les pays du sud, et ainsi un développement d’une coopération plus juste. Au dessus de l’affiche « contre la mafia, la gauche est l’alternative », Franco Giordano, secrétaire général du parti communiste italien, prend la parole pour clôturer cette rencontre. Affirmant qu’il préfèrerai que les troupes italiennes se retirent d’Iraq et d’Afghanistan, il déclare : « Cette rencontre à Palerme a un sens très profond et intense. (…) Je suis convaincu et content de dire qu’une partie de la gauche européenne, que nous voulons construire et que nous construirons, tiendra une grande dimension méditerranéenne. (…) Nous devons reconstruire l’image de nos terres d’immigration, nos terres de souffrance, nos terres de travail, nos terres qui ont connu tant de dominations. Nous devons reconstruire des relations qui ont été fondées sur les brisures de toutes ces identités, aujourd’hui lasses. Cela me fait une drôle d’impression, de savoir que ce pays a eu un premier ministre qui a parlé au conseil américain de la supériorité de la civilisation occidentale ! Nous devons saisir les nombreuses côtes méditerranéennes, non comme une limite, mais comme un lieu de rencontre et ainsi faire de la mer un point d’extraordinaires associations et de grandes coopérations. (…) »