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Liberté de religion et de conviction en Méditerranée

La liberté de religion en droit international : une protection limitée et variable

Liberté de religion et de conviction en Méditerranée : les nouveaux défis

Rédigé par Fernando Arlettaz | Vendredi 27 Avril 2018 à 08:50

           


La liberté de religion en droit international : une protection limitée et variable
Le droit international des droits de l’homme protège la liberté de religion. Or, les instruments internationaux affichent des conceptions différentes de cette liberté, selon les compromis politiques et philosophiques sous-jacents à leur adoption. En outre, les différents degrés d’institutionnalisation des procédures de contrôle mènent à une grande hétérogénéité au niveau de leur efficacité réelle.

Le droit international des droits de l’homme et ses niveaux de contrôle

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale s’intéresse fortement à la problématique des droits et libertés des individus et des groupes, auparavant relevant des seuls États. Elle a fabriqué un droit, le droit international des droits de l’homme, constitué par un corpus hétérogène de traités, déclarations, recommandations, etc., dont l’interprétation, comme le rappellent très souvent les débats entre les juristes spécialistes du domaine, reste controversée.

Ce corpus s’est développé progressivement sous l’impulsion de plusieurs organisations internationales. Ainsi on peut distinguer : 1. les instruments d’origine onusienne, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), parmi beaucoup d’autres. Ils constituent ce qu’on appelle le système universel des droits de l’homme ; et 2. les instruments développés par des institutions à portée géographique plus limitée, les systèmes régionaux (européen, américain, africain, islamique).

Les instruments internationaux se différencient non seulement en raison de leurs textes, qui traduisent des approches philosophiques et politiques diverses, mais aussi en raison du degré d’institutionnalisation des organismes qui contrôlent leur application.

La Cour européenne (qui veille à l’application de la Convention européenne des droits de l’homme) peut recevoir des plaintes de particuliers et rend des arrêts contraignants pour les États. C’est actuellement la plus efficace des instances internationales de contrôle.

La Cour interaméricaine et la Cour africaine, chargées respectivement de l’application de la Convention américaine des droits de l’homme (1948) et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981) émettent aussi des arrêts. Elles ne peuvent cependant être saisies que par un organisme intergouvernemental, appelé Commission dans les deux cas (sauf quelques cas particuliers prévus dans le système africain).

Pour ce qui est du système universel, le contrôle est encore plus flou. En effet, le Comité des droits de l’homme des Nations unies, quoiqu’il puisse être saisi par des particuliers, ne produit que de simples recommandations.

Les instruments internationaux des droits de l’homme et la liberté de religion

Tous les instruments que l’on vient de mentionner engagent les États dans la protection de la liberté de religion. Or, ils affichent des conceptions différentes sur le contenu et les limites de cette liberté. Les instruments du système universel, ainsi que les Conventions américaine et européenne, adoptent une perspective typiquement libérale et individualiste. La liberté de religion y est conçue comme un droit des individus. Les groupes religieux ne peuvent exercer sur ces individus qu’un pouvoir limité, qui dépend de leur consentement préalable. D’autre part, la liberté des non-croyants (c’est-à-dire, la liberté de conscience de ceux qui adoptent des perspectives humanistes, séculières ou athées) est protégée avec la même force que celle des croyants.

Ils s’accordent aussi à défendre simultanément l’aspect interne de la liberté de religion, c’est-à-dire le droit d’avoir et de changer de croyances religieuses, et les manifestations extérieures de ces croyances. Parmi ces manifestations extérieures protégées on compte, entre autres, l’accomplissement des rites religieux, l’enseignement de la religion et le prosélytisme religieux. La liberté de religion est reconnue aux individus appartenant à toutes les traditions religieuses, qu’elles soient majoritaires ou minoritaires, car le principe de non-discrimination est un pilier structurel de ces régimes de protection.

La Charte africaine des droits de l’homme, qui protège aussi la liberté de conscience et la liberté de religion et interdit la discrimination, insiste par ailleurs sur les aspects collectifs, absents des instruments précédents. La Charte n’indique pas le titulaire (individuel ou collectif) des libertés garanties, mais d’autres dispositions donnent une idée de sa couleur communautaire. Ainsi, selon la Charte, l’État a l’obligation d’« assister la famille dans sa mission de gardienne de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la communauté » et chaque individu doit veiller à « la préservation et au renforcement des valeurs culturelles africaines positives ».

La Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en islam et la liberté de religion

Une approche différente est celle de la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en islam (1990), adoptée par l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Il s’agit d’une déclaration, c’est-à-dire d’un document qui a en droit international une force contraignante plus limitée que celle d’un traité. Une Commission sur les droits de l’homme, qui remplit des fonctions consultatives, a été créée auprès de l’OCI.

S’il est vrai que la Déclaration du Caire reconnaît qu’« aucune forme de contrainte ne doit être exercée sur l’homme pour l’obliger à renoncer à sa religion pour une autre ou pour l’athéisme », elle affirme aussi que « l’islam est la religion naturelle de l’homme ». Le fondement confessionnel de la Déclaration émerge alors dans plusieurs dispositions qui placent l’État en garant de la foi islamique et interdisent aux individus tout acte qui « sape la croyance ». On est donc face à une conception restreinte de la liberté de religion, dans la mesure où elle est subordonnée à une foi particulière.

Les limites à la liberté de religion

La liberté de religion n’est pas illimitée. Les instruments internationaux prévoient la possibilité de sa restriction pour des motifs tels que l’ordre et la sécurité publics ou la protection des droits des tiers. Il s’agit d’un équilibre délicat à trouver, les frontières entre la liberté protégée et sa limitation légitime étant toujours sujettes à controverses.

Alors que pour la Cour européenne des droits de l’Homme l’interdiction du voile dans les écoles publiques est une restriction légitime de la liberté de religion, pour le Comité des droits de l’homme de l’ONU c’est la liberté et non sa restriction qui devrait l’emporter dans ce cas. En plus, dans les instruments à inspiration confessionnelle, la foi adoptée peut se constituer non seulement en limite de la liberté religieuse des autres groupes, mais aussi en limite des autres libertés individuelles.

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En partenariat avec le Collège des Bernardins.

Fernando Arlettaz est chercheur au CONICET (Conseil national de la recherche scientifique argentin), rattaché à l’Université de Buenos Aires. Il participe à plusieurs réseaux internationaux de recherche sur la problématique religieuse saisie du point de vue juridique. Il est intervenu au séminaire Liberté de religion et de conviction en Méditerranée : les nouveaux défis du Collège des Bernardins, sur le sujet « Les instruments internationaux de défense de la liberté de religion et de conviction ». Son ouvrage Les groupes religieux, objet du droit international paraîtra cette année dans la collection « Droit et religions » des Presses universitaires d’Aix-Marseille, dirigée par Blandine Chélini-Pont.

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