Religions

La liberté religieuse en danger partout dans le monde

Rédigé par Maria Magassa-Konaté et H. Ben Rhouma | Mercredi 3 Octobre 2012 à 20:00

Il n’est pas toujours aisé pour les croyants de pratiquer leur religion et cela devient de plus en plus difficile partout dans le monde, à en croire un dernier rapport du centre de recherche américain Pew Research, qui souligne combien la liberté de culte est en net recul. A l’origine de cette dégradation, la multiplication des législations et des pressions sociales allant à l’encontre des religions. Résultat : 75 % de la population mondiale ne peut pratiquer librement sa foi. Face à de tels constats, un nouvel observatoire du pluralisme des cultures et des religions a vu le jour, mercredi 3 octobre à Paris, afin de combattre l'intolérance.



L’étude du Forum sur la Religion et la Vie publique du centre de recherche Pew Research, dévoilée le 20 septembre, a couvert 197 pays représentant 99,5 % de la population mondiale sur une période allant de mi-2009 à mi-2010. Pour la troisième année consécutive, le centre de recherche a voulu dresser un tableau de la liberté de culte dans le monde.

Son constat est accablant. En effet, « parce que certains des pays les plus restrictifs sont fortement peuplés, trois quarts des quelque sept milliards de personnes dans le monde vivent dans un pays où règne une forte hostilité sociale envers la religion ou dont le gouvernement impose des restrictions sur la pratique de la foi », note l’étude.

Les Etats, premiers responsables des restrictions

Les restrictions auxquelles doivent faire face les croyants sont de plus en plus fortes en 2010. Pew Research note une hausse de 5 % comparé à l’année précédente. Le rapport met en exergue deux formes d’atteintes aux religions : celles provenant de mesures adoptées par des Etats et les actes hostiles émanant de la population, tout en précisant que l’attitude adoptée par des Etats restreignant la pratique d’une communauté religieuse favorise les pressions des habitants qui n’hésitent plus à s’en prendre à la population discriminée.

Dans le détail, le rapport indique qu’à la mi-2010, 37 % des pays adoptaient des mesures sévères ou très sévères allant à l’encontre de la liberté religieuse contre 31 % un an plus tôt. Dans les pays où les restrictions visant les religions sont très élevées, on trouve l’Egypte, l’Arabie Saoudite ou encore la Chine et la Birmanie où les Ouïgours et les Rohingyas, les minorités musulmanes respectives de ces pays, sont persécutées.

Islam : la France pointée du doigt

Le rapport épingle aussi les pays où les restrictions de l’Etat sont globalement faibles comme la Suisse, pays où un référendum a interdit la construction de minarets sur les mosquées en 2009. La France, classée pour l’heure dans un niveau de restriction moyen, risque elle aussi d’être pointée du doigt comme l’a dernièrement fait un rapport du département d’Etat américain sur les libertés religieuses après la mise en place d’une loi interdisant le port du voile intégral dans les lieux publics en 2011.

Durant la période 2009-2010, c’est du côté des actes d’hostilité de la société envers la religion que l’Hexagone se classe parmi les pays ayant un score élevé. Les actes islamophobes à répétition ces dernières années n’y sont pas étrangers. Le classement de la France ne devrait pas s’améliorer si l’on prend en compte les chiffres du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui avait annoncé en avril dernier une hausse de 58,5 % des actes anti-musulmans de 2010 à 2011.

La liberté de culte en baisse dans 66 % des pays

Ces dernières années, à l’image de la France, l’hostilité envers les croyants de différentes confessions s’est renforcée dans le monde. Dans 66 % des pays, les restrictions gouvernementales à l'encontre de la liberté de culte ont augmenté sur la période allant de mi-2009 à mi-2010, contre 28 % d’Etats où elles ont reculé. C’est plus que les trois années précédentes où elles avaient augmenté dans 56 % des pays et diminué dans 39 %.

Pew Research indique ainsi que les Etats-Unis sont passés d’un niveau de restriction faible à moyen, en raison notamment de l'interdiction faite à certains prisonniers de pratiquer leur religion et des restrictions croissantes sur la délivrance de permis de construire pour des édifices religieux.

Du côté des actes d’hostilité de la population envers certains groupes religieux, elles ont connu une hausse dans 49 % des pays (44 % par le passé) contre 32 % où une baisse a été enregistrée (39 % auparavant).

En prenant en compte ces deux types de restrictions, Pew Research note que dans 66 % des pays, la situation de la liberté religieuse s’est dégradée sur la dernière période étudiée. Elle s’est seulement améliorée dans 28 % des Etats, ce qui fait craindre la montée en puissance d’un monde de plus en plus intolérant.

Chrétiens et musulmans les plus touchés

Selon le rapport, l’hostilité du gouvernement ou de la société serait plus forte envers les chrétiens et les musulmans dans le monde. Les premiers y feraient face dans 111 pays en 2010 et les seconds dans 90. Les juifs ne pourraient pas pratiquer librement leur culte dans 68 pays. Les hindous seraient mal vus dans 16 pays et les bouddhistes mal-aimés dans 15 Etats.

Autre enseignement de l’étude : les chrétiens et les musulmans doivent faire face à une hostilité plus grande de la part des gouvernements que de la population. Ainsi, 95 pays comme le Pakistan restreignent la liberté de culte des chrétiens alors que c’est dans moins de pays (77) que des individus s’en prennent à eux. Les musulmans, harcelés dans 74 pays par l’Etat, sont attaqués par la population dans 64 pays. A l’inverse, les juifs doivent faire face à une pression sociale de la population dans beaucoup plus de pays (64) que d’attaques des gouvernements (21).

Dans tous les cas, ces restrictions religieuses et autres agressions verbales ou physiques bafouent la liberté religieuse de ces croyants, qu’ils subissent souvent lorsqu’ils représentent une minorité dans leur pays. Des attaques à la liberté de culte qui paraissent d’autant moins faciles à contrer quand elles émanent des Etats, censés protéger l’ensemble de leur population.

Un nouvel observatoire en France

Face à de tels constats, et à l'image des Etats-Unis où un bureau spécifique a été crée voici des années au sein du Département d'Etat pour veiller sur la liberté religieuse dans le monde, des personnalités de la société civile se mobilisent en France. Pharos, un nouvel observatoire du pluralisme des cultures et des religions, a été officiellement lancé mercredi 3 octobre à Paris afin de faire face aux « atteintes de plus en plus fréquentes et de plus en plus graves à la liberté de conscience, à la liberté d’expression et à la liberté religieuse à travers le monde ».

Une cinquantaine de pays seront en effet étudiés d’ici à la fin de l’année, dont la France « car il est important de balayer devant sa porte. C’est la meilleure façon d’être crédible », a déclaré à La Vie Mireille Delmas-Marty, la présidente de l'observatoire. S'il n'est pas pour l'heure opérationnel, il suscite un espoir : que l'ampleur de l'islamophobie en France soit enfin sérieusement prise en compte.