Dans le dernier article « La médecine prophétique dévoilée », nous avons vu que l’ouvrage de médecine prophétique d’Ibn Al-Qayyim contient essentiellement des hadiths considérés faibles et faux que l’on ne peut attribuer théologiquement au Prophète, et des extrapolations personnelles à partir de hadiths considérés authentiques et de versets coraniques n’ayant aucun rapport avec la médecine. Pour illustrer cela, nous vous exposons dans cet article complémentaire l'étude du cas spécifique de l'épilepsie.
Lire ici : La médecine prophétique dévoilée
Le chapitre de l'ouvrage L’authentique de la médecine prophétique traitant de l’épilepsie est particulièrement représentatif de la méthode employée par Ibn al-Qayyim pour attribuer au Prophète par glissement, une médecine cette fois-ci dite spirituelle qui n’est mentionnée nulle part dans les hadiths.
Il commence ainsi en citant le hadith considéré authentique suivant :
Ata’ Ibn Abi Rabah rapporte qu’Ibn Abbas lui a dit :
« Veux-tu que je te montre une femme du Paradis ?
– Bien sûr.
– Cette femme noire est venue trouver le Prophète et lui dit : – Je fais des crises d’épilepsie et je me découvre, alors invoque Allah pour moi.
Il répondit : – Si tu veux, tu peux patienter et obtenir le Paradis, et si tu veux je peux invoquer Allah pour qu’Il te guérisse.
Elle répondit : – Je patienterai, mais je me découvre, donc invoque Allah pour que je ne me découvre plus.
Et il invoqua pour elle. »
Ibn al-Qayyim explique à ce sujet : « L’épilepsie est de deux types : l’épilepsie causée par les mauvais esprits terrestres ; et l’épilepsie causée par les mauvaises humeurs. »
Il poursuit : « Les médecins ignorants, vils et sots, et ceux qui croient que l’athéisme est une vertu, renient l’épilepsie des âmes. (…) Leur prétention de la domination de certaines humeurs (= maladies) est vraie, mais pas dans tous les cas. (…) Les anciens parmi les médecins appelaient cette épilepsie le mal sacré, et ils ont dit : elle est causée par les esprits.
Quant à Galien et d’autres, ils ont interprété cette appellation en disant « Ils l’ont nommé mal sacré car elle siège au niveau de la tête et nuit à la partie sacrée et pure qui se trouve au cerveau. Cette interprétation vient de leur ignorance au sujet de ces esprits, de leurs règles et de leurs influences. (…) Celui qui est doué de raison et connaît ces esprits rit de leur ignorance et faiblesse d’esprit. »
Nous voyons que les deux types d'épilepsie d'origine organique – « causée par les mauvaises humeurs » – et d'origine démoniaque – « causée par les mauvais esprits » – qu'Ibn al-Qayyim présentent sont le fruit de son interprétation personnelle basée, entre autres, sur le savoir ancien de certains grecs comme Galien. Dans les propos rapportés du Prophète, la possession par les esprits n’est pas du tout évoquée, cette explication ne semble donc pas à proprement parler prophétique.
Puis, en guise de traitement spirituel, il décrit une méthode religieuse d’exorcisme pratiquée par son maitre Ibn Taymiyya allant jusqu’à battre la personne souffrante :
« Une fois, j'ai vu notre cheikh Ibn Taymiyya déléguer auprès de l'épileptique une personne chargée de dire : "Le cheikh te dit : Sors, car cela ne t’est pas permis". Et le malade se réveilla aussitôt. Parfois, il s’adressait directement à lui, et parfois l’esprit pouvait être rebelle. Dans ce cas, il le faisait sortir par des coups et le malade se réveillait sans sentir la moindre douleur. Nous avons, avec d'autres, observé ce phénomène à plusieurs reprises. »
« Il (Ibn Taymiyya) récitait souvent à l'oreille du malade ce verset : "Pensiez-vous que Nous vous avions créés sans but, et que vous ne seriez pas ramenés vers Nous ?" (Coran 23, 117). Il m'a raconté qu’une fois il a récité ce verset à l’oreille d’un malade et que l'esprit (qui était de sexe féminin) dit alors: - Oui.
Il continua à réciter, pris un bâton et frappa les veines de son cou.
Alors l’esprit dit : - Je l'aime.
Le cheikh répondit : - Il ne te voue aucun amour.
L’esprit répliqua: - Je désire faire le pèlerinage avec lui (avec le malade).
Le cheikh répondit : - Mais lui ne veut pas le faire avec toi.
L’esprit dit alors : - Par respect pour toi, je le laisse.
Le cheikh lui dit enfin : - Non, mais plutôt en obéissance à Allah et à Son Prophète.
Il dit: - Je le quitte.
Le malade s’assit et se tourna à droite et à gauche en disant : - Qu'est ce qui m'a amené en présence du cheikh ?
Les gens lui rétorquèrent: - Et tous ces coups alors ?
Il dit : - Pour quelle raison le cheikh me battrait-il alors que je n'ai commis aucun péché ?
Ainsi, n'a-t-il point ressenti les coups qu'il a reçus. »
Lire ici : La médecine prophétique dévoilée
Le chapitre de l'ouvrage L’authentique de la médecine prophétique traitant de l’épilepsie est particulièrement représentatif de la méthode employée par Ibn al-Qayyim pour attribuer au Prophète par glissement, une médecine cette fois-ci dite spirituelle qui n’est mentionnée nulle part dans les hadiths.
Il commence ainsi en citant le hadith considéré authentique suivant :
Ata’ Ibn Abi Rabah rapporte qu’Ibn Abbas lui a dit :
« Veux-tu que je te montre une femme du Paradis ?
– Bien sûr.
– Cette femme noire est venue trouver le Prophète et lui dit : – Je fais des crises d’épilepsie et je me découvre, alors invoque Allah pour moi.
Il répondit : – Si tu veux, tu peux patienter et obtenir le Paradis, et si tu veux je peux invoquer Allah pour qu’Il te guérisse.
Elle répondit : – Je patienterai, mais je me découvre, donc invoque Allah pour que je ne me découvre plus.
Et il invoqua pour elle. »
Ibn al-Qayyim explique à ce sujet : « L’épilepsie est de deux types : l’épilepsie causée par les mauvais esprits terrestres ; et l’épilepsie causée par les mauvaises humeurs. »
Il poursuit : « Les médecins ignorants, vils et sots, et ceux qui croient que l’athéisme est une vertu, renient l’épilepsie des âmes. (…) Leur prétention de la domination de certaines humeurs (= maladies) est vraie, mais pas dans tous les cas. (…) Les anciens parmi les médecins appelaient cette épilepsie le mal sacré, et ils ont dit : elle est causée par les esprits.
Quant à Galien et d’autres, ils ont interprété cette appellation en disant « Ils l’ont nommé mal sacré car elle siège au niveau de la tête et nuit à la partie sacrée et pure qui se trouve au cerveau. Cette interprétation vient de leur ignorance au sujet de ces esprits, de leurs règles et de leurs influences. (…) Celui qui est doué de raison et connaît ces esprits rit de leur ignorance et faiblesse d’esprit. »
Nous voyons que les deux types d'épilepsie d'origine organique – « causée par les mauvaises humeurs » – et d'origine démoniaque – « causée par les mauvais esprits » – qu'Ibn al-Qayyim présentent sont le fruit de son interprétation personnelle basée, entre autres, sur le savoir ancien de certains grecs comme Galien. Dans les propos rapportés du Prophète, la possession par les esprits n’est pas du tout évoquée, cette explication ne semble donc pas à proprement parler prophétique.
Puis, en guise de traitement spirituel, il décrit une méthode religieuse d’exorcisme pratiquée par son maitre Ibn Taymiyya allant jusqu’à battre la personne souffrante :
« Une fois, j'ai vu notre cheikh Ibn Taymiyya déléguer auprès de l'épileptique une personne chargée de dire : "Le cheikh te dit : Sors, car cela ne t’est pas permis". Et le malade se réveilla aussitôt. Parfois, il s’adressait directement à lui, et parfois l’esprit pouvait être rebelle. Dans ce cas, il le faisait sortir par des coups et le malade se réveillait sans sentir la moindre douleur. Nous avons, avec d'autres, observé ce phénomène à plusieurs reprises. »
« Il (Ibn Taymiyya) récitait souvent à l'oreille du malade ce verset : "Pensiez-vous que Nous vous avions créés sans but, et que vous ne seriez pas ramenés vers Nous ?" (Coran 23, 117). Il m'a raconté qu’une fois il a récité ce verset à l’oreille d’un malade et que l'esprit (qui était de sexe féminin) dit alors: - Oui.
Il continua à réciter, pris un bâton et frappa les veines de son cou.
Alors l’esprit dit : - Je l'aime.
Le cheikh répondit : - Il ne te voue aucun amour.
L’esprit répliqua: - Je désire faire le pèlerinage avec lui (avec le malade).
Le cheikh répondit : - Mais lui ne veut pas le faire avec toi.
L’esprit dit alors : - Par respect pour toi, je le laisse.
Le cheikh lui dit enfin : - Non, mais plutôt en obéissance à Allah et à Son Prophète.
Il dit: - Je le quitte.
Le malade s’assit et se tourna à droite et à gauche en disant : - Qu'est ce qui m'a amené en présence du cheikh ?
Les gens lui rétorquèrent: - Et tous ces coups alors ?
Il dit : - Pour quelle raison le cheikh me battrait-il alors que je n'ai commis aucun péché ?
Ainsi, n'a-t-il point ressenti les coups qu'il a reçus. »
Un diagnostic et un traitement religieux par exorcisme qui ne reposent sur aucun propos prophétique
Ce traitement religieux d’exorcisme pouvant user des méthodes violentes n’est clairement pas mentionné dans le hadith qu'il cite au début de ce chapitre.
D'ailleurs, nous n’avons retrouvé aucun récit rapportant que le Prophète considérait l’épilepsie comme une possession par un esprit ou qu’il aurait pratiqué un exorcisme pour le traitement de cette maladie ou pour tout autre chose. C'est encore une fois, le savoir d'Ibn Al-Qayyim qui est exposé dans ce chapitre et son analyse personnelle qui ne peuvent pas être textuellement considérés prophétiques ou divins.
Pour ainsi dire, le cas de l’épilepsie définie par Ibn Al-Qayyim comme une atteinte de l’âme par un esprit et son traitement religieux par exorcisme ne reposent sur aucun propos prophétique. Cet exemple illustre bien que la médecine dite prophétique d'Ibn al-Qayyim ne l'est pas véritablement et que cet ouvrage contient à l'évidence de nombreux éléments étrangers au Prophète.
*****
Hejer Lemeyth est médecin hospitalier cardiologue et collabore dans le groupe Facebook Le Débat Continu.
Lire aussi : Comment le Prophète Muhammad est-il devenu médecin ? Origines et développement de la médecine dite prophétique
Et aussi : L’urgence du regard critique sur le fiqh : de l'impératif de sortir de la sacralisation de la jurisprudence islamique et de leurs savants
D'ailleurs, nous n’avons retrouvé aucun récit rapportant que le Prophète considérait l’épilepsie comme une possession par un esprit ou qu’il aurait pratiqué un exorcisme pour le traitement de cette maladie ou pour tout autre chose. C'est encore une fois, le savoir d'Ibn Al-Qayyim qui est exposé dans ce chapitre et son analyse personnelle qui ne peuvent pas être textuellement considérés prophétiques ou divins.
Pour ainsi dire, le cas de l’épilepsie définie par Ibn Al-Qayyim comme une atteinte de l’âme par un esprit et son traitement religieux par exorcisme ne reposent sur aucun propos prophétique. Cet exemple illustre bien que la médecine dite prophétique d'Ibn al-Qayyim ne l'est pas véritablement et que cet ouvrage contient à l'évidence de nombreux éléments étrangers au Prophète.
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Hejer Lemeyth est médecin hospitalier cardiologue et collabore dans le groupe Facebook Le Débat Continu.
Lire aussi : Comment le Prophète Muhammad est-il devenu médecin ? Origines et développement de la médecine dite prophétique
Et aussi : L’urgence du regard critique sur le fiqh : de l'impératif de sortir de la sacralisation de la jurisprudence islamique et de leurs savants