Société

La méthode Rachid Nekkaz, candidat aux présidentielles

Rédigé par MTDA Association | Vendredi 26 Mai 2006 à 23:22

Rachid Nekkaz a tenu sa première réunion de campagne. Ce mardi 23 mai 2006, dans le 7e arrondissement de Paris. Le jeune candidat à la prochaine élection présidentielle a tenu un meeting au cours duquel il a expliqué les raisons de sa candidature et révélé partie de son programme. Le public présent à ce rassemblement, composé de proches, d'amis, de curieux et de journalistes, a participé à un meeting de campagne peu ordinaire, plein d'émotions et sans invité politique de marque ni énarque, pas même une vedette du show-biz. Ce fut un meeting de citoyens ordinaires.



Stratégie de provocation ou plaisanterie citoyenne? La candidature de Rachid Nekkaz, 34 ans et chef d'entreprise, ne manque pas d'interroger. Car ce premier acte de candidature officiellement déclaré par un petit « jeune de banlieue » a tout l'air d'une boutade. C'est du moins le premier sentiment que les cent cinquante personnes dans l'auditorium de la SIEM ont dû conjurer ce mardi soir.

Pour une campagne présidentielle, la soirée fut riche en émotions. A commencer par la voix quelque peu hésitante de l'animateur qui gagnera en assurance une fois la séance ouverte. Tour à tour, il appellera au micro des amis et collaborateurs du candidat. Sans fards, sans artifices, ceux-ci souligneront les qualités de Rachid Nekkaz et lui exprimeront leur soutien dans cette « nouvelle aventure ».

Les soutiens du candidat


Les discours sont simples et directs. Des propos de citoyens ordinaires qui ont en commun de croire que l'on peut s'investir autrement en politique en France. Les uns et les autres ont la conviction qu'une autre forme d'expression politique est possible, en dehors des partis classiques « à condition d'y croire, d'user d'audace et de courage, comme Rachid Nekkaz sait le faire.» Ils seront cinq à se succéder au micro pour décliner le même message sous des angles différents.

Jean Bruno Roumegoux, porte parole de Rachid Nekkaz, reviendra sur sa première rencontre avec son ami candidat, lors du Forum des citoyens de culture musulmane. Cette action d'envergure nationale fut lancée par M. Nekkaz à la veille des présidentielles de 2002, afin de recueillir les propositions des citoyens pour les adresser aux candidats de l'époque. M. Roumegoux, qui n'est pas de culture musulmane, estime néanmoins qu'une meilleure France est possible à condition que « nous acceptions de travailler ensemble, malgré nos différences. »

Hassan Ben Mirabek, militant associatif, explique son soutien à M. Nekkaz par « le constat de faillite et la trahison des espoirs placés dans les partis politiques même après la Marche pour l'égalité » en 1983. M. Ben Mirabek a confiance dans le sérieux du candidat et le sait capable de devenir le porte-parole de nombreux citoyens qui ne se sentent plus écoutés par leurs dirigeants politiques.

Leïla Hireche, coordinatrice de la campagne, collabore depuis longtemps avec Rachid Nekkaz. Elle se laissera gagner par l'émotion à l'évocation du chemin parcouru et des luttes menées jusqu'à la présente candidature. Très sensible, elle coulera deux petites larmes sans perdre de son naturel. Elle terminera son message de soutien en s'excusant auprès de l'auditoire parcouru par un frisson de sympathie.

Thierry Crouzet, auteur de nombreux livres de vulgarisation sur les nouvelles technologies est bien connu des Internautes. En prenant la parole, il lèvera la chape d'émotivité avec une petite pointe d'humour. Cet expert de l'Internet qui a plutôt l'habitude d'appeler les citoyens à ne pas voter puisqu'il n'a plus confiance dans nos politiques, exprimera les espoirs qu'il place dans un candidat qui se veut « le candidat de la génération Internet ». M. Crouzet estime que ce type d'initiative sans grande illusion « peut néanmoins aider les citoyens à devenir des acteurs de la vie publique » plutôt que d'y assister en spectateurs passifs.

Leonard Anthony, le dernier invité à prendre la parole, est un ami d'enfance et un collaborateur du candidat. Il insistera sur la générosité de son ami. Son témoignage s'emploiera à souligner l'empathie naturelle dont M. Nekkaz fait preuve autant envers « des moines dans le désert tibétain qu'avec des SDF sur des bancs publics à Paris. »

Le candidat


C'est par un hommage à ses parents que Rachid Nekkaz ouvre son allocution. D'une voix très émue, il déclare: « Quand j'étais enfant, je n'ai manqué de rien. Alors que nous étions une famille nombreuse mais je n'ai manqué de rien grâce à mes parents qui m'ont toujours enseigné qu'il fallait croire en soi... Je n'ai jamais eu l'occasion de les remercier. Aujourd'hui pour la première fois je voudrais les remercier... »

Le visage inondé de larmes, la voix libérée, le ton se fera déterminé pour énoncer les raisons qui motivent sa candidature qu'il place sous le coup de la responsabilité citoyenne. Devant la duplicité des politiques de gauche comme de droite qui ne tiennent pas leurs promesses, M Nekkaz a estimé qu'il fallait réagir. Bien entendu il promet d'agir autrement: « Mes parents m'ont donné le prénom de Rachid, qui signifie la droiture, explique-t-il. Et j'ai toujours essayé d'être à la hauteur de ce prénom que je porte. » Au passage, il souligne la corrélation avec l'expression « Khalifes Rachiddun » qui, dans la culture musulmane, désigne les quatre premiers khalifes, successeurs du Prophète de l'islam, régulièrement cités en exemple d'intégrité dans l'exercice de leurs fonctions.

Chef d'entreprise âgé de 34 ans, militant associatif à l'origine de projets joliment fous, Rachid Nekkaz a touché aux limites de l'engagement associatif qui lui a permis « depuis trois ans d'entrer en contact avec la France rurale, ces maires de petites communes rurales qui n'apprécient pas cette France qui ferme le bureau de poste de leur commune ». A ce jour, 204 élus lui ont accordé leur soutien dans sa démarche. Il faut 500 signatures en tout pour valider sa candidature. Même s'il n'a pas totalement perdu ses illusions sur l'engagement associatif, M. Nekkaz explique que « l'on peut faire de la politique autrement » à condition d'être libre de la censure et des restrictions imposées par les appareils politiques.

Sur un plan plus technique, M. Nekkaz estime qu'un changement des acteurs politiques s'impose désormais en France. Et il propose trois critères pour le choix de nos dirigeants. Avant tout, le dirigeant politique doit prouver qu'il possède les compétences requises pour la fonction qu'il brigue. Il doit ensuite bénéficier de l'adhésion du peuple par vote lors d'élections démocratiques. Enfin, une fois le vote effectué, le vainqueur doit être tiré au sort parmi les candidats ayant obtenus les meilleurs suffrages. « C'est par le tirage au sort, comme dans les premiers temps de la démocratie, que l'on pourra éviter toute forme de discrimination dans le choix de nos dirigeants » explique-t-il.

Démocratie participative


Traditionnellement, les hommes politiques français suivent deux types de cheminements. Soit ils font carrière au coeur du dispositif d'un parti politique : dans ce cas, leur ascension est liée à l’efficacité de l’encadrement partisan dont ils bénéficient. Soit ils acquièrent une légitimité électorale à la manière des notables, en s’appuyant sur leurs qualités et ressources personnelles : ils s’implantent alors localement et cumulent souvent les mandats afin d’acquérir une renommée nationale. Rachid Nekkaz n'est affilié à aucun parti. Il n'entre pas non plus dans la catégorie des « notables ».

Se définissant lui-même comme « un jeune de banlieue » avec des références extra-européennes, M. Nekkaz ouvre une troisième catégorie d'acteurs politiques aujourd'hui méconnue dans le système de démocratie représentative en France. S'il parvenait à réunir les 296 voix manquantes pour valider sa candidature, Rachid Nekkaz ne manquerait pas de faire parler de lui; sinon pour succéder à Jacques Chirac en tant que Président de la République, du moins pour occuper d'autres fonctions électives, pourquoi pas, en 2008. En politique comme en affaires, il faut s'y mettre pour réussir. En ce mardi 23 mai, un homme politique d'un nouveau genre a mis le pied dans l'arène.