Cinq quotidiens algériens sont menacés. Liberté, Le Soir d'Algérie, l'Expression, le Matin et le quotidien arabophone Era, étaient absents des kiosques durant quelques jours ces dernières semaines. Ces journaux affirment être l’objet d'une censure indirecte de la part du gouvernement algérien qui entre dans une phase de pré-campagne électorale. Ce problème apparaît, selon les journaux, au moment où ils n’hésitent pas à s’exprimer ouvertement sur des dossiers sensibles impliquant certains membres du gouvernement. Un argument politique auquel l’Etat oppose un argument purement commercial
Une suspension brutale
Cinq quotidiens algériens étaient absents des kiosques durant quelques jours ces dernières semaines en raison, selon eux, d'une censure indirecte de la part du gouvernement.
En revanche les imprimeries, propriété de l'Etat algérien, pensent que la suspension est justifiée pour des raisons uniquement commerciales. En effet, les quotidiens en question sont redevables d'une dette globale de trois millions de dollars.
La ligne éditoriale de ces journaux nationaux indépendants extrêmement critique envers le gouvernement n'a certainement pas laissé indifférent le pouvoir algérien. D'autant plus que ces dernières semaines, des articles sur des scandales de corruption présumée impliquaient directement le président Abdelaziz Bouteflika et certains de ses proches. La une du journal liberté est une parfaite illustration : Tous des Voleurs ?! 'Expliquez-vous'. Autour de ce titre apparaît en photo le président et des membres du gouvernement.
Les rédacteurs en chef ne comprennent pas la décision de suspension. 'C'est une décision arbitraire. Nous avons proposé de payer nos dettes jeudi au plus tard. Cela a été refusé par les imprimeries qui ont agi selon les instructions du gouvernement', a déclaré à Reuters, Youcef Rezzoug, rédacteur en chef du Matin.
Cette suspension tombe au moemnt où le pays connaît le lancement d'une campagne présidentielle avant l'heure: 9 mois avant les élections !. Cette pré-campagne a été un préjudice pour Monsieur Beneflis, ancien premier ministre, qui en a subi les conséquences en perdant sont poste: le Président de la république ne supportait pas que son second ait idée de le 'détrôner '. Pourtant Abdelaziz Bouteflika se lancera rapidement dans sa pré-campagne en faisant une tournée dans les grandes villes de l'Est du pays ( notamment à Setif et Annaba) où il annoncera à Skida son intention de se présenter une nouvelle fois aux élections présidentielles.
Parallèlement à cette pré-campagne, tout au long des mois de juillet et août, une partie de la presse n'hésite pas à accuser le gouvernement algérien d'une multitude de scandales, d'affaires de détournement, de passe-droits, de spoliations, et même de tortures, impliquant des ministres et des hauts responsables de l'État, dont Bouteflika et ses proches parents et/ou collaborateurs. Ces affaires et scandales ont pour noms Sonatrach, Sadaoui, les tours Chaâbani, la Baigneuse, le règne du prince Saïd Bouteflika, le PNDA, le complot de Zerhouni contre la direction légitime du FLN ou encore Khalifa.
' La démocratie traverse une grave crise en Algérie '
Les directeurs des journaux Liberté et le Matin subissent actuellement de fortes pressions judiciaires afin de s'expliquer sur leurs différentes publications. Pour Aidan White secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes ( FIJ), confie au journal liberté ( 4 septembre 2003) qu'il ' n'est pas normal que la presse subisse des harcèlements. Les médias doivent exprimer leurs aspirations avec toutes les forces de la nation et avoir leurs opinions et leurs positions sur les questions politiques, économiques et d'intérêt public. Il est inacceptable de faire pression de la sorte sur la presse. Ce faisant, les actions que commet actuellement le pouvoir contre la presse sont un signal sur le danger qui guette la vie démocratique en Algérie. Après les évènements de ces trois dernières semaines, où nous avons vu la suspension des publications sous prétexte de questions commerciales, il y a une très grande peur, d'autant que ce harcèlement intervient en période préélectorale, précédant de peu la présidentielle de 2004. '
La FIJ proteste avec force contre ces actions. Elle conclut que ' c'est une véritable crise pour la démocratie '
L'argument commercial est justifiable. Tout organisme doit être redevable de ses dettes, la presse ne fait pas la loi. Cependant les harcèlements judiciaires et les pressions faites par l'État algérien sur les journaux indépendants (même après paiement de leurs dettes ! ) laissent penser à des raisons politiques inavouables. La liberté de la presse, à la veille des élections de 2004 semble donc menacée.