Culture & Médias

La publicité parodiant « La Cène » est déclarée légale

Rédigé par Karl Batty | Mercredi 15 Novembre 2006 à 09:02

Mardi, la Cour de cassation de Paris a déclaré la parodie de la « Cène » dans une affiche publicitaire comme relevant de la liberté d’expression. La plus haute juridiction française a donc annulé un arrêt controversé rendu en avril 2005, interdisant cette affiche publicitaire de la marque de vêtements Marithé et François Girbaud, au motif d’injures aux sentiment des catholiques. Cette affiche avait été largement inspirée de l’oeuvre de Léonard De Vinci, mettant en scène le Christ lors de son dernier repas avec ses apôtres.



La première chambre civile de la Cour de cassation, à Paris, a jugé mardi que l'affiche d’une campagne publicitaire inspirée de « La Cène » de Léonard de Vinci ne constituait pas une "injure" envers les catholiques. Les créateurs de vêtements Marithé & François Girbaud avait mis en place une campagne d’affichages pour 2005 reproduisant les personnages du dernier repas de Jésus et de ses apôtres en femmes habillées des vêtements de la marque.

La Cour de cassation estime que « la seule parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène qui n'avait pas pour objectif d'outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue pas l'injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse ». Cependant, la Cour de cassation n'a pas saisi de nouvelle Cour d'appel pour statuer de nouveau sur cette affaire car la campagne publicitaire date du printemps de l'an dernier.

La plus haute juridiction a donc cassé la décision de la cour d’appel de Paris qui, en avril 2005, avait estimé que cette affiche, reproduite sur une bâche géante, faisait « gravement injure aux sentiments religieux et à la foi des catholiques et (que) cette représentation outrageante d'un thème sacré détourné par une publicité commerciale (causait) un trouble manifestement illicite ». La campagne avait simplement été retirée des panneaux d'affichage publics, la campagne dans la presse magazine ayant déjà été lancée au moment des poursuites. Plusieurs associations de défense des Droits de l'homme avaient protesté contre une « censure », de même que le parquet de Paris, qui s'était prononcé contre cette interdiction.

La justice avait été saisie par la Conférence des évêques de France (CEF), représentée par l'Association Croyances et Libertés, qui avait soutenu que la publicité constituait une « injure visant un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l'occurrence le catholicisme. »

Inspiration

La campagne des créateurs Marithé & François Girbaud consistait en une photo qui s'inspirait de "La Cène" du maître italien Léonard de Vinci. L’affiche représente le dernier repas du Christ entouré de ses douze apôtres, reprenant fidèlement la répartition des convives, ainsi que la lumière du tableau. Cette publicité imitait la peinture de la Cène de Léonard de Vinci (1498) avec des mannequins habillés de vêtements de la marque, sur fond gris perle. Un seul homme était présent, torse nu dans les bras d'une femme. Cette inversion des sexes était, selon les crateurs, un clin d'oeil au best-seller « Da Vinci Code » dans lequel l’auteur, Dan Brown, affirme que, sur la fresque de "La Cène", la personne assise à la droite de Jésus n'est pas Jean mais Marie-Madeleine. «Jamais il n'a été dans l'intention de la maison d'offenser qui que ce soit. Cette campagne a été pensée dans une logique de décodage des tendances du moment », avait affirmé un porte-parole de Marithé et François Girbaud à l’époque.

« On peut finalement se poser la question de savoir si ce n’est pas le fait d’avoir représenté un Christ et des apôtres en femmes qui gêne autant l’Église catholique. Soupçon d’autant plus légitime que cette Église refuse tout ministère féminin ordonné. Cette virulente condamnation pourrait donc traduire le malaise de l’Église catholique par rapport à la relation de la femme et du sacré » écrivait, en février 2005, Jérôme Cottin, théologien et historien d’art, auteur de « Dieu et la pub ».


De nombreuses affaires défrayent la chronique dans ce domaine. On retiendra Wolsvagen, qui a dû verser 15 000 € suite à une assignation pour une campagne de publicité inspirée aussi de « La Cène », en bas de laquelle on pouvait lire : « Mes amis, réjouissons-nous, car une nouvelle Golf est née ». De son côté, Kookaï, parodiant clairement la Pieta de Michel Ange, avait représenté, dans plusieurs affiches, une femme sous les traits d'une sainte portant un homme tel le Christ à l'agonie. Cette entreprise de vêtements n’avait pas été inquiétée. Quant aux affiches des films «Larry Flint» et «Amen», ils n'ont pas été jugés préjudiciables par les tribunaux. Pourtant, sur la première, l'acteur Woody Harrelson est crucifié sur un corps de femme dans le plus simple appareil, alors que la seconde était un mélange entre la croix chrétienne et la croix nazie.