Dans la doctrine salafiste, il n’y a pas que le discours de haine des jihadistes qui peut restructurer les mentalités et leur faire prendre une orientation préjudiciable à la société. Un discours identitaire et singularisant peut tout autant avoir des conséquences néfastes sur la société et le vivre-ensemble.
L’une de ces conséquences et la plus probable est justement le développement d’une représentation de la société en segments indépendants les uns des autres. Autrement dit, une communautarisation autant étanche que possible pour pouvoir vivre son particularisme que l’on érige en modèle idéal de mode de vie universel et donc parfait pour le bonheur de l’homme.
L’une de ces conséquences et la plus probable est justement le développement d’une représentation de la société en segments indépendants les uns des autres. Autrement dit, une communautarisation autant étanche que possible pour pouvoir vivre son particularisme que l’on érige en modèle idéal de mode de vie universel et donc parfait pour le bonheur de l’homme.
Le Prophète investi de la fonction de modèle à suivre
Dans l’entendement des salafistes identitaires, l’imitation prime sur la raison. Autant dire que l’islam, selon leur doctrine, est réduit dans son principe à imiter le Prophète et, au besoin, ses quatre successeurs politiques respectifs que le Coran distingue de la qualité de bien-guidés (ar-rachidoun). La soumission à Dieu passe ainsi par l’imitation du Prophète investi de la fonction de modèle à suivre en tout et dans tous les domaines de la vie. Soumission dont ils ont défini les conditions, les critères et jusqu’au mode de mise en valeur, tout en se défendant d’en être les initiateurs, mais seulement et simplement les humbles interprétateurs de la volonté de Dieu.
A leurs dires, la foi, quand elle est sincère et complète, se diffuse en l’individu corps et âme pour déterminer, à elle seule et sans partage, de façon plus que suffisante, la conduite qui mène à la félicité dans l’au-delà – l’ultime but du séjour de l’homme sur terre – et à l’autosatisfaction ici-bas. Puisqu’on n’est jugé que selon les critères de jugement de cette foi, tout ce qui n’en fait pas partie est vanité, absurdité et donc œuvre de Satan. La foi recommandée n’est autre que l’adhésion totale et inconditionnelle à la tradition prophétique telle que rapportée et compilée par l’orthodoxie sunnite.
A leurs dires, la foi, quand elle est sincère et complète, se diffuse en l’individu corps et âme pour déterminer, à elle seule et sans partage, de façon plus que suffisante, la conduite qui mène à la félicité dans l’au-delà – l’ultime but du séjour de l’homme sur terre – et à l’autosatisfaction ici-bas. Puisqu’on n’est jugé que selon les critères de jugement de cette foi, tout ce qui n’en fait pas partie est vanité, absurdité et donc œuvre de Satan. La foi recommandée n’est autre que l’adhésion totale et inconditionnelle à la tradition prophétique telle que rapportée et compilée par l’orthodoxie sunnite.
L’islam, la solution à tous les problèmes ?
Un vendredi dans une mosquée, un émir d’un groupe faisant partie de la mouvance qui prône la propagation de leurs convictions par le verbe (ce que l’on pourrait appeler de jihad pacifique par opposition au jihad violent), tint un discours dont le but est de recruter des candidats pour accomplir cette mission.
Comme on ne peut être convaincant sans être soi-même convaincu, l’émir dans un langage euphorique conclut son verbiage par l’argument fatal qui devait rester gravé dans la mémoire des auditeurs candidats potentiels, ce qui bien évidemment faciliterait sa restitution ultérieure lors de la discussion qui ramènera la brebis égarée dans la foi ultime. A l’instar de ceux qui brandissent le crédo politique que l’islam est la solution à tous les problèmes de l’humanité, l’émir a décliné son ultime argument en cette tirade : « Le Coran et la Sunna, disait-il, contiennent tous les aspects de la vie et dans les détails les plus infimes. Il n’est pas un domaine ni secteur que la Sunna n’a pas traité. C’est pourquoi nous nous devons d’imiter le Prophète en tout depuis la façon dont il se vétissait, jusqu’à la manière dont il faisait ses pas, bien entendu en passant par tous les aspects de la vie. La Sunna, disait-il, s’est occupé d’absolument tout, même de l’agriculture. »
Cette affirmation ébranla mon esprit au point que ma mémoire me restitua un hadith que cette même orthodoxie relate. Le hadith dont il m’est souvenu raconte que, sur suggestion du Prophète, les arboriculteurs s’étaient abstenus de greffer leurs dattiers. N’ayant pas observé cette pratique ancestrale, les récoltes furent moindre que d’habitude. Alors, le Prophète déclina sa responsabilité dans cette mésaventure en arguant que les arboriculteurs sont mieux placés pour connaître ce qui leur est utile comme pratiques dans leurs activités.
Est-ce un simple abus de langage dû à l’exaltation qui fit tomber l’émir dans cette exagération ou est-ce c’est voulu sciemmen t?
L’argumentaire que l’émir offrait à ses auditeurs se veut un « pack » de solutions à tous les problèmes de la vie et qui, de plu,s ne nécessite aucun effort à l’exception de celui, simple, facile, de suivre l’enseignement du Prophète que lui et ses pairs inculquent à l’individu.
Ainsi, le musulman imitateur n’a nul besoin de se compliquer la vie par l’usage de la raison et les tracasseries qu’il pourrait engendrer. La réflexion, la recherche, toutes ces peines que la raison nécessite, le musulman salafiste en est délesté. Tout est disponible et avec facilité et aisance dans le corpus « universel » que les oulémas de l’orthodoxie connaissent par cœur et ânonnent et manient avec maitrise. Il suffit d’avoir la foi, une foi qui se décline en une confiance totale en eux et en leurs recettes.
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Ahmed Abdouni est un ancien diplomate marocain.
Comme on ne peut être convaincant sans être soi-même convaincu, l’émir dans un langage euphorique conclut son verbiage par l’argument fatal qui devait rester gravé dans la mémoire des auditeurs candidats potentiels, ce qui bien évidemment faciliterait sa restitution ultérieure lors de la discussion qui ramènera la brebis égarée dans la foi ultime. A l’instar de ceux qui brandissent le crédo politique que l’islam est la solution à tous les problèmes de l’humanité, l’émir a décliné son ultime argument en cette tirade : « Le Coran et la Sunna, disait-il, contiennent tous les aspects de la vie et dans les détails les plus infimes. Il n’est pas un domaine ni secteur que la Sunna n’a pas traité. C’est pourquoi nous nous devons d’imiter le Prophète en tout depuis la façon dont il se vétissait, jusqu’à la manière dont il faisait ses pas, bien entendu en passant par tous les aspects de la vie. La Sunna, disait-il, s’est occupé d’absolument tout, même de l’agriculture. »
Cette affirmation ébranla mon esprit au point que ma mémoire me restitua un hadith que cette même orthodoxie relate. Le hadith dont il m’est souvenu raconte que, sur suggestion du Prophète, les arboriculteurs s’étaient abstenus de greffer leurs dattiers. N’ayant pas observé cette pratique ancestrale, les récoltes furent moindre que d’habitude. Alors, le Prophète déclina sa responsabilité dans cette mésaventure en arguant que les arboriculteurs sont mieux placés pour connaître ce qui leur est utile comme pratiques dans leurs activités.
Est-ce un simple abus de langage dû à l’exaltation qui fit tomber l’émir dans cette exagération ou est-ce c’est voulu sciemmen t?
L’argumentaire que l’émir offrait à ses auditeurs se veut un « pack » de solutions à tous les problèmes de la vie et qui, de plu,s ne nécessite aucun effort à l’exception de celui, simple, facile, de suivre l’enseignement du Prophète que lui et ses pairs inculquent à l’individu.
Ainsi, le musulman imitateur n’a nul besoin de se compliquer la vie par l’usage de la raison et les tracasseries qu’il pourrait engendrer. La réflexion, la recherche, toutes ces peines que la raison nécessite, le musulman salafiste en est délesté. Tout est disponible et avec facilité et aisance dans le corpus « universel » que les oulémas de l’orthodoxie connaissent par cœur et ânonnent et manient avec maitrise. Il suffit d’avoir la foi, une foi qui se décline en une confiance totale en eux et en leurs recettes.
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Ahmed Abdouni est un ancien diplomate marocain.
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