Plus de 50 000 personnes ont assisté aux festivités de Seb-i Arus, du 7 au 17 décembre dernier, à Konya, en Anatolie. Celles-ci commémoraient le 737e anniversaire de la mort de Mevlana Jalâl al-Dîn Rûmî, saint soufi et fondateur de l’ordre des derviches tourneurs ou Mevlevis, une des principales confréries soufies de l’islam.
Trois ans plus tôt, le 6 septembre 2007, l’UNESCO rendait hommage à Jalâl al-Dîn Rûmî en organisant des manifestations culturelles commémorant le 800e anniversaire de sa naissance. L’organisation internationale se devait en effet de mettre à l’honneur « l’un des plus grands poètes, philosophes et érudits de la civilisation islamique » et par là même de l’humanité.
Mais elle cherchait aussi, dans le même temps, une icône susceptible d’incarner en islam les valeurs qu’elle a la charge de promouvoir : la tolérance, la paix et le respect mutuel. C’est d’ailleurs à travers ce prisme que l’Occident connaît Rûmî. Ses œuvres ont en effet été largement traduites, et une abondante littérature lui a été consacrée, notamment en France, grâce aux travaux d’Eva de Vitray-Meyerovitch.
Néanmoins, il semble bien qu’hors du cercle restreint des spécialistes, au sein du grand public, on se méprenne sur le sens à attribuer à la « tolérance » de Rûmî. Pour cet homme du 13e siècle en effet, elle ne correspond pas à ce qu’elle est pour nous : une valeur morale en soi, dont le respect constitue le socle du vivre-ensemble.
Cette « tolérance » hâtivement mise en relief aujourd’hui n’est qu’un effet, une conséquence de sa conception de Dieu, ce Grand Tout dans lequel se résorbent toute dualité et toute multiplicité, et qui doivent donc être niées ; ce Dieu unique dans lequel le croyant doit se fondre par l’amour et la prière, c’est-à-dire par le mysticisme soufi.
C’est ainsi qu’il convient d’interpréter ce poème de Rûmî, dont les premiers vers sont souvent cités : « Je ne suis pas chrétien, je ne suis pas juif, je ne suis pas zoroastrien, / Je ne suis pas même musulman », poème dont la suite est en revanche généralement occultée : « Je ne suis né en aucun lieu, / […] / Je suis ce chat, je suis cette pierre, je ne suis personne / J’ai jeté au loin la dualité comme un vieux torchon. / […] / Comme ne faisant qu’un, ne faisant qu’un depuis toujours. »
Car si Rûmî comparaît bien les voies menant à Dieu aux chemins qui, tous, convergent vers La Mecque, c’est que, jusqu’à un certain degré de réalisation spirituelle, elles mènent bien toutes à une Réalité unique. Mais au-delà − et le seuil envisagé ici est fondamental − il n’y a d’autres voies d’accès à la réalisation spirituelle complète qu’en islam, c’est-à-dire par la pratique du soufisme à ses degrés les plus élevés.
Ibn ‘Arabî, autre grand poète et maître soufi, et dont Rûmî fera la connaissance en 1236 à Damas, compare l’islam au soleil, et les autres religions aux étoiles : elles ne disparaissent pas avec le lever du soleil, mais leur lumière est entièrement absorbée par celle de l’astre. Dans son Fîhi mâ fîhi (Le Livre du Dedans), Rûmî s’indignait de ce que certains compagnons du maître soufi Sadr al-Dîn Qûnawî aient pu confesser la divinité de Jésus.
Et dans son Mathnawî, long poème moral, allégorique et mystique, il affirme que ce qui nous semble (du dhâhir, du dehors) premier dans l’ordre de la création physique est en fait dernier dans l’ordre métaphysique (envisagé du bâtin, du dedans, qui est seule réalité).
Il en va ainsi du règne humain : tous les autres (les animaux, les végétaux et les minéraux) n’ont été créés qu’en vue de son avènement. De même l’islam par rapport aux religions qui l’ont précédé. De même, enfin, Muhammad, « Sceau des prophètes » et raison d’être du cosmos. Ainsi Rûmî fait-il souvent référence au hadîth qudsî suivant : « N’eusse été pour toi [Ô Muhammad], Nous n’aurions pas créé le cosmos ! »
Trois ans plus tôt, le 6 septembre 2007, l’UNESCO rendait hommage à Jalâl al-Dîn Rûmî en organisant des manifestations culturelles commémorant le 800e anniversaire de sa naissance. L’organisation internationale se devait en effet de mettre à l’honneur « l’un des plus grands poètes, philosophes et érudits de la civilisation islamique » et par là même de l’humanité.
Mais elle cherchait aussi, dans le même temps, une icône susceptible d’incarner en islam les valeurs qu’elle a la charge de promouvoir : la tolérance, la paix et le respect mutuel. C’est d’ailleurs à travers ce prisme que l’Occident connaît Rûmî. Ses œuvres ont en effet été largement traduites, et une abondante littérature lui a été consacrée, notamment en France, grâce aux travaux d’Eva de Vitray-Meyerovitch.
Néanmoins, il semble bien qu’hors du cercle restreint des spécialistes, au sein du grand public, on se méprenne sur le sens à attribuer à la « tolérance » de Rûmî. Pour cet homme du 13e siècle en effet, elle ne correspond pas à ce qu’elle est pour nous : une valeur morale en soi, dont le respect constitue le socle du vivre-ensemble.
Cette « tolérance » hâtivement mise en relief aujourd’hui n’est qu’un effet, une conséquence de sa conception de Dieu, ce Grand Tout dans lequel se résorbent toute dualité et toute multiplicité, et qui doivent donc être niées ; ce Dieu unique dans lequel le croyant doit se fondre par l’amour et la prière, c’est-à-dire par le mysticisme soufi.
C’est ainsi qu’il convient d’interpréter ce poème de Rûmî, dont les premiers vers sont souvent cités : « Je ne suis pas chrétien, je ne suis pas juif, je ne suis pas zoroastrien, / Je ne suis pas même musulman », poème dont la suite est en revanche généralement occultée : « Je ne suis né en aucun lieu, / […] / Je suis ce chat, je suis cette pierre, je ne suis personne / J’ai jeté au loin la dualité comme un vieux torchon. / […] / Comme ne faisant qu’un, ne faisant qu’un depuis toujours. »
Car si Rûmî comparaît bien les voies menant à Dieu aux chemins qui, tous, convergent vers La Mecque, c’est que, jusqu’à un certain degré de réalisation spirituelle, elles mènent bien toutes à une Réalité unique. Mais au-delà − et le seuil envisagé ici est fondamental − il n’y a d’autres voies d’accès à la réalisation spirituelle complète qu’en islam, c’est-à-dire par la pratique du soufisme à ses degrés les plus élevés.
Ibn ‘Arabî, autre grand poète et maître soufi, et dont Rûmî fera la connaissance en 1236 à Damas, compare l’islam au soleil, et les autres religions aux étoiles : elles ne disparaissent pas avec le lever du soleil, mais leur lumière est entièrement absorbée par celle de l’astre. Dans son Fîhi mâ fîhi (Le Livre du Dedans), Rûmî s’indignait de ce que certains compagnons du maître soufi Sadr al-Dîn Qûnawî aient pu confesser la divinité de Jésus.
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