Pour apprécier l’ampleur du phénomène, un chiffre : près de la moitié des lycées franciliens (45,4%) disent avoir été « victimes de violence » et 77,39% des jeunes affirment avoir été « témoins d'actes de violence ».
La violence scolaire reste élevée, l’éducation nationale et la justice ne sait plus à quel saint se vouer pour enrayer cette maudite sphère de la violence qui frappe les établissements scolaires. Les lycées et collèges ont déclaré 6 240 agressions graves par trimestre sur l’année scolaire 1998/1999. 70,8 % était des violences verbales et 22,4% des coups et blessures. Dans 77% des cas les victimes étaient des élèves et 22% le personnel. (Libération 5/4/00). Comment expliqué que par trois fois depuis le début de l’année 2000, la qualification de « tentative de meurtre » ait été retenue contre des collégiens ?
Face à cette explosion de la violence scolaire, le partenariat proviseurs/ procureurs s’est considérablement accru. A chaque agressions ou incidents, le chef d’établissement le signale par fax au procureur qui prendra les mesures nécessaires. Peu à peu, la justice devient le bras armé d’une éducation nationale en difficulté.
La violence des jeunes révèle leur souffrance. Il faut savoir que les jeunes dits « en difficulté » sont victimes de violences avant que d’en être auteur : 26% des jeunes en insertion et 48% des jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ont subi des violences physiques, 55% des filles suivies des violences sexuelles. Explosion de la délinquance, montée de l’insécurité, les chiffres s’envolent et la peur prend les français à la gorge. Un jeune violent est un jeune qui souffre. C’est un jeune qui à peur car la société est faite de violence, une violence qui tue. Les jeunes qui meurent dans notre société sont pour la plupart des tués. Par millions, ils sont tués par une technique implacable : celle des accidents de la route, d’un désespoir et de la solitude qui mènent au suicide. Les jeunes souffrent de situations comme le racisme, l’injustice, et de maux - angoisses, tristesse, dépression - qui influencent leur vie quotidienne mais nous laissent insensibles. Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les jeunes qui sont en grand danger, soit parce qu’ils ont des parents déficients ; soient parce qu’ils connaissent une grande difficulté psychologique. Naguère ; ils s’en sortaient soutenu par leur groupe social mais aujourd’hui le monde est relativement dur. On parle d’eux comme une « génération sacrifiée ».
L‘école n’est donc pas à l’abri de la violence. A l’intérieur des établissements scolaires elle y est transportée, elle s’incruste, s’y installe. La violence des collégiens et des jeunes est un cri d’alarme, un moyen aussi d’attirer l’attention. Dans la cour de récrée, dans la famille ou au lycée, dès le plus jeune âge « chez l’enfant comme chez l'adolescent ; le recours à la violence apparaît comme une tentative de devenir sujet », écrit Patrice Huerre, psychiatre et spécialiste des adolescents. (2)
Que les jeunes peinent à trouver leur place n’est pas nouveau. Qu’ils se sentent incompris, mal aimés ne date pas d’hier. Pourtant, en ce début de 21ème siècle, le fossé semble plus profond que jamais entre responsables politiques, parents, école et jeunes. Mieux formés ; ils rencontrent plus de difficultés pour trouver un emploi correspondant à leur qualification. Plus mûrs que leurs aînés ne l’étaient au même âge ; ils doivent rester chez papa - maman : faute de moyens. Donc pas facile pour nos jeunes autant qu’ils régressent en nombre. La population française vieillit ; un habitant sur quatre à moins de 20 ans contre un sur trois en 1968.
Le centre de gravité bouge. La question essentielle qui se pose à nous devient : comment aider nos jeunes ? L’école saurait-elle répondre aux défis que lui pose cette jeunesse ? Quelle réponse l’adulte apporte-t-il à leurs angoisses ? En somme, comment aider ces jeunes qui restent notre seul avenir ?
(2) Patrice Huerre, « Ni Anges ni sauvages, les jeunes et la violence », Paris, 2002 Ed Anne Carrière