Société

Laïcité : les demandes de non-mixité en question

Rédigé par Pauline Compan | Mardi 27 Décembre 2011 à 00:00

Les municipalités peuvent se trouver confrontées à des demandes particulières de non-mixité dans des équipements sportifs publics. Ces demandes contreviennent au principe de non-discrimination sur le genre. Si la motivation de la demande se fait sur une base religieuse, alors cela contreviendrait au principe de la loi de 1905. Des cas particuliers existent cependant et se justifient par une approche progressive d'intégration du public concerné.



Aquabiking, aquagym, natation, gymnastique, danse, sports collectifs... Autant de pratiques sportives que nombre de musulmanes souhaiteraient pratiquer dans des créneaux horaires spécifiques. Mais la loi le permet-elle ?
Le non-respect de la mixité est considéré comme discriminatoire, d'autant plus que la mixité est un principe de base vers l'égalité hommes-femmes.

Le Code pénal prévoit que les sanctions prévues ne s'appliquent « aux discriminations fondées, en matière d'accès aux biens et services, sur le sexe lorsque cette discrimination est justifiée : par la protection des victimes de violences à caractère sexuel, par considérations liées au respect de la vie privée et de la décence, la promotion de l'égalité des sexes ou des intérêts des hommes ou des femmes ou par la liberté d’association ou l'organisation d'activités sportives », comme l'explique Le Guide pratique de la laïcité, publié à l'initiative du député PS Jean Glavany.

Des situations hétéroclites

Ainsi, une association qui demanderait des créneaux horaires gracieux et spécifiques dans une piscine municipale pour « nager entre musulmanes », par exemple, verrait sa demande déboutée. « Il est impossible d'octroyer un créneau horaire à un groupe d'habitant(e)s mettant en avant leur souhait de se séparer des autres, du fait de leur pratique ou de leur conviction religieuse. Le faire tomberait directement sous le coup de l'interdiction de discrimination. » Le Guide pratique de la laïcité rappelle donc clairement l'esprit de la loi de 1905 qui n'accepte pas d’exception au principe de mixité, notamment sur des motifs religieux.

A partir de ce principe, il convient de se placer au niveau des structures et des acteurs concernés par ces demandes particulières. Le Guide pratique de la laïcité donne l'exemple d'un centre socioculturel. Implanté dans un quartier à forte dominance de personnes de cultures traditionnelles, il réalise qu'il ne peut pleinement remplir son rôle de lien social car beaucoup de femmes du quartier ne participaient jamais aux activités proposées par le centre. Le Code pénal énonçant une exception au principe de non-discrimination lors d'activités sportives, l'équipe éducative du centre estimera qu'il est possible de mettre en place un cours de « gym féminine » sans distinction ethnique ni religieuse entre les femmes.

Les femmes les plus pudiques voient ainsi leurs convictions respectées sans tomber dans une gestion communautaire. Le but de cette démarche étant d'impliquer ces femmes dans d'autres activités mixtes, où le corps n'est pas forcément « mis en scène » (sortie en montagne, fêtes...). Le centre est ainsi pleinement dans ses objectifs de création de lien social, sans pour autant contrevenir au principe de la loi de 1905.

« Le débat pour les travailleurs sociaux est de savoir si la demande amène de l'inclusion ou de l'exclusion, explique Dounia Bouzar, consultante sur Le Guide de la laïcité, qui a travaillé avec les « groupes de politique de la ville » de Grenoble et Brest pendant deux ans pour établir ces critères : « Il faut se poser la question de l'objectif social de la structure concernée par la demande, c'est une étude vraiment au cas par cas. »

Un cas qui avait préoccupé l'opinion était justement ce créneau d'aquagym féminine mis en place au Centre social de Lille Sud. La présidente Denise Cacheux s'était alors fendue d'une lettre expliquant son incompréhension face à « une cabale organisée contre une heure d'aquagym féminine ». Poursuivant son propos, elle met en avant une initiative positive dans le sens où elle a permis à certaine femmes de « pratiquer pour la première fois la mixité sociale et à d'autres de s'émanciper ». Au final, « les adhérentes du Centre social se sont intégrées dans la large palette d'activités sportives désormais offertes par la Ville et son service municipal ».

Un cas intéressant pour comprendre les enjeux qui se jouent dans les centres sociaux de proximité.