Points de vue

Le CFCM sans la Grande Mosquée de Paris

Rédigé par Amara BAMBA | Dimanche 4 Mai 2008 à 11:27

La Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris (FNGMP) ne participera pas aux prochaines élections du Conseil français du culte musulman (CFCM). Réunis en session extraordinaire ce samedi 3 mai 2008, les délégués de la FNGMP ont décidé à l'unanimité de « ne pas participer aux élections du CFCM du 8 juin 2008 ».



C'est à l'issue d'une réunion très attendue que la fédération dirigée par le Cheikh Dalil Boubakeur a entériné la décision prise par son bureau national le 12 avril 2008. La FNGMP motive ce choix lourd de conséquences par son refus du mode actuel d'évaluation des mosquées participant aux élections.

Le règlement électoral fixe le nombre de délégués d'une mosquée selon sa superficie. Une disposition qui n'arrange pas la FNGMP dont l'essentiel de l'effectif a des références algériennes. La fédération estime donc que « ce mode d'évaluation réduit injustement la représentativité de la première communauté (ndr, musulmane) de France liée historiquement et cultuellement à la longue histoire de la France avec l'Algérie » .

Elle dénonce la place accordée à des « lieux de culte récemment édifiés en périphérie urbaine voire dans des campagnes, qui ont des surfaces importantes leur permettant d'exploiter à leur avantage le critère électif » que la FNGMP qualifie de critère « inique » et « absurde ».

Avant la création du CFCM en 2003, la Grande mosquée de Paris, était la voix officielle de l'islam en France. En plus du culte quotidien, des fêtes religieuses, elle offre divers services annexes tels que la célébration des mariages, l'enseignement (jeunes et adultes), la formation des imams, mais aussi un service funéraire, tout comme l'accompagnement des convertis et le conseil des fidèles en matière de droit religieux. Autant d'atouts qu'il est rare de trouver en un lieu de culte musulman en France. La FNGMP demande depuis longtemps que cet élément qualitatif soit pris en compte dans la représentativité au sein du CFCM. Elle pose désormais sa demande en ultimatum.

Aux précédentes élections du CFCM (2003 et 2005), la FNGMP avait fait figure honorable sans pouvoir l'emporter devant la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF). Il a fallu un accord entre les grandes fédérations et le ministère de l'Intérieur pour laisser la présidence du CFCM à M. Dalil Boubakeur, président de la FNGMP.

Suite à une scission au sein de la FNMF, le Rassemblement des musulmans de France (RMF) a émergé dans le paysage musulman de France. Présidé par le très dynamique Anouar Kbibech, le RMF affiche un maillage national fait d'un réseau de mosquées qui ne cachent pas leur affinité pour le Maroc. C'est à Marrakech qu'il a tenu son université le 23 février dernier.

Les 250 participants venus des différentes régions de France, « reconnaissants des efforts louables fournis pour l'organisation de cette manifestation par le Royaume du Maroc », ont tenu à rendre « un Grand Hommage à la Personnalité Auguste de Sa Majesté Le Roi Mohamed VI, que Dieu l'assiste.» Ils ont loué ses qualités de chef des croyants qui « ont fait du Royaume la terre bénie de toutes les valeurs humaines et du respect »

Dans son communiqué signé à Marrakech, le RMF affiche ses ambitions: « occuper pleinement la place qu'il mérite au sein du CFCM et oeuvrer pour que cette instance, ainsi que ses institutions régionales, répondent aux attentes des musulmans de France ». Le 30 avril, le RMF a officiellement annoncé sa participation aux élections. Une menace marocaine sur la présidence de Dalil Boubakeur qui revendique fort aussi ses références algériennes.

Cette importation de rivalités maghrébines au coeur de l'islam de France amuse le citoyen français mais ennuie la jeunesse musulmane. Car elle met à mal le socle d'élections libres sur lequel repose la légitimité du CFCM. Une drôle de démocratie où la référence à une nationalité étrangère est dressée en critère de choix mais où les candidatures ne reposent sur aucun programme.

D'une certaine manière, le gouvernement français participe à cette mascarade autour de l'islam en France. Car au moment où le débat électoral anime les mosquées de France, Madame Alliot-Marie ministre de l'Intérieur, chargée des affaires du culte, fait la tournée des pays du Maghreb. Elle s'entretiendra demain lundi avec Bouabdellah Ghlamallah, ministre algérien des Affaires religieuses et des Wakfs (habous). Une manière de corroborer l'idée que la véritable tête du CFCM se trouve de l'autre côté de la Méditerranée.

« Un CFCM sans la Grande Mosquée de Paris, sera une coquille vide » affirme un responsable de la GMP qui souhaite garder l'anonymat. Mais pour Yussef G., jeune historien travaillant sur l'Algérie, « c'est une occasion pour le pouvoir politique français de laisser les musulmans de France enfin s'occuper de l'islam en France. »