Arts & Scènes

Le Chemin de la gare : interview de Farid Abdelkrim par lui-même

Rédigé par Farid Abdelkrim | Jeudi 25 Octobre 2012 à 21:49



Farid Abdelkrim (à g.) ; Lui-Même (à dr.).

Lui-Même (1) : Alors, d’entrée, on a envie de te demander, Farid Abdelkrim, c’est qui ?

Farid Abdelkrim : Bah… déjà, c’est lui-même ! Fils de son père et de sa mère, tous deux el-kantarien (sud-est algérien). Il est né en 1967, cette année-là, et pas une autre, sur les bords du fleuve… qui traverse Nantes, dans le 44 !
Bon, pas de quoi pavoiser et s’éterniser sur son enfance et son adolescence, ni même sur sa jeunesse d’ailleurs : khnouna (2), problème de dents, appendicites, deux ou trois bonnes dérouillées… Ah oui, et très fort en sport ; le kit quasi complet.
Après une poignée d’années le derrière rivé entre… quelques chaises au moins, il devient une espèce de VRP de « l’islamiquement décalé », un chatouilleur de consciences engourdies… il s’apparente d’ailleurs volontiers à cette race de postillonneurs récalcitrants en voie d’apparition.
Et sur son CV, un compteur qui affiche pas loin d’une trentaine d’années à arpenter le pavé associatif… Il se coltine pour cela l’étiquette d’invétéré de la palabre et du troc des opinions…
Pour résumer, ça fait donc un bon paquet de temps maintenant qu’il fait turbiner son moulin à paroles et qu’il s’égosille en direction tantôt d’une jeunesse parfois un peu dure de la feuille et tantôt de quelques-unes des Frances à l’appareil auditif pas mal défectueux.
Outre le fait d’avoir vociféré aux quatre coins de l’Hexagone, il est par ailleurs aussi l’artisan de plusieurs imprimés, dont La France des islams : ils sont fous ces musulmans ?!
J’ai oublié quelque chose ?

L. M. : Tu as été président des JMF (Jeunes Musulmans de France), engagé sur des thématiques sociales, politiques et parfois spirituelles, avec le ton qu’on te connaît, très… très faridien ; tout ça c’est fini ? Comment tu es passé de ce statut à celui d’artiste comédien humoriste ?

F. A : (Énervé) D’abord, ce n’est pas fini, alors fait un peu gaffe à ce que tu dis… On peut en effet cumuler tout ça à la fois, et plus encore, l’un n’excluant pas forcément l’autre.
C’est d’ailleurs ce que je suis aujourd’hui… Je n’ai pas renoncé à intervenir, dès que l’occasion se présente, dans le cadre de débat ou pour donner des conférences sur des sujets à propos desquels je crois avoir des choses assez pertinentes à proposer.
Mais c’est vrai qu’en plus, récemment, j’ai intégré l’humour dans tout ça. Et l’humour permet aussi de traiter de sujets très sérieux, et donc de mêler l’utile à l’agréable… Perso, j’ai adopté (détendu, il sourit)…

L. M. : C’est ce « concept » que tu as lancé, le stand-up débat ? C’est quoi au juste ?

F. A : (Plus énervé que tout à l’heure) Euh, déjà, tu mets pas concept entre guillemets ! Hein !? Y a pas de raisons, ok !? C’est un concept tout court !
J’ai effectivement lancé le concept de Stand-Up Débat.
Le SUD, qui, comme la première partie de son nom l’indique, pour ceux qui maîtrisent quelques rudiments de la langue de nos chers amis rosbifs, veut dire se tenir debout.
La seconde partie, pour ceux qui maîtrisent la langue des froggys − les amis des rosbifs, mais ça je l’ai déjà dit −, veut dire causer, discuter, échanger…
C’est donc un spectacle en deux parties : le show suivi d’un échange avec le public… (re-sourire).

L. M. – Et « Je vous déclare la paix » qui est ton 1er SUD, c’est fini ?

F. A : Non, ça continu, jusqu’en 2014. Bon, c’est vrai que les gens ne sont pas encore très habitués à ce nouveau concept. Mais ça s’installe petit à petit et puis c’est à eux de décider, si, oui ou non, ils veulent qu’on se retrouve pour discuter société, politique, religion… dans la joie et la bonne humeur.
D’ailleurs, ce sont généralement des associations, des municipalités ou encore des personnes qui me sollicitent pour que je présente ce spectacle. Je n’organise pas moi-même la tournée.
Mais dès qu’on me sollicite pour Déclarer la Paix, je réponds présent sans hésiter.

L. M. – Et « Le Chemin de la gare », c’est aussi un SUD et de quoi ça traite au juste ?

F. A. – Non, là, on est davantage dans le one-man-show. J’y interprète des personnages, y a de la chanson, de la danse…
Et surtout, après le show, il n’y a pas de débat, en tout cas pas systématiquement.
(Sur un ton très méditatif) Et « LE CHEMIN DE LA GARE » à vrai dire, ça traite de cette quête de l’homme par l’homme. C’est une manière de dire que chercher sa voie ne veut pas dire l’avoir trouver, et savoir qu’il existe une gare, et qu’un ou plusieurs chemins y mènent, ne veut pas dire qu’on saura y aller ni même qu’on ait vraiment envie d’y aller. Mais en supposant qu’on parvienne jusqu’à cette gare, pas forcé qu’on sache quel train prendre ou qu’on ait envie d’en prendre un. Il se peut même qu’on l’ait loupé… (Il vide son verre de Laben d’un trait).

L. M. – …

F. A. : Ouais, je sais, t’es perdu. C’est à cause de la puissance philosophique du truc.
Mais si tu veux, et pour employer un langage que tu devrais pouvoir imprimer, « LE CHEMIN DE LA GARE », c’est très simple en réalité : tu prends tout droit jusqu’au 27 octobre. Là, vers 20 heures moins le quart, tu vas voir un théâtre qui s’appelle Adyar, tu entres à l’intérieur et surtout, surtout, tu prévoies de quoi payer ta place, s’il en reste (alors vaut peut-être mieux réserver pour être sûr.) À l’intérieur, tu verras, y a des sièges, t’en choisis un et tu t’y assois (le placement est libre)… À 20 heures pétantes, t’as un gars super qui va apparaître et qui, pendant une heure et demie, va t’indiquer, non sans brio, « LE CHEMIN DE LA GARE » (Il baisse la tête en signe de modestie).

L. M. : Ok, super ! Mais au fait, un one man halal chaud, c’est quoi au juste ?

F. A. : Alors toi t’es comme ça ? Quand faut pas mettre des guillemets t’en mets et quand faut en mettre, t’en mets pas ? C’est un One Man « Halal » Chaud ! Et les guillemets ici, c’est pas juste accessoire…
Bon, comme la partie rosbif de son nom l’indique, un One Man, c’est un gars qui est tout seul… Franchement, courageux le type… La partie sarrasine entre guillemets « halal » nous informe que le gars ne l’est pas tout à fait, si tu vois ce que je veux dire. Il ne l’est pas tout à fait, parce que déjà… euh, d’après lui, ça veut plus rien dire du tout…
Bah ouais, depuis quelque temps, ça n’arrête pas, ça estampille « halal » à tout va, tout ce qui bouge… Ça devient du n’importe quoi !
Au début, y avait la viande halal, bon ok… Mais aujourd’hui, tout devient halalisable… Tout ce qui se bouffe, tout ce qui se porte… T’as même du vin halal… Du cochon halal ? Non pas encore, mais bon, va savoir… T’as de la musique halal, de l’humour halal, des réseaux sociaux halal, donc du virtuel halal… Y a même un mec qui a ouvert un sex-shop halal… T’imagine le délire ? Halal évidemment…
Bah oui, le délire dont je te parle, lui aussi, faut qu’il soit halal. Et en fait, si j’ai bien tout compris, je crois que, selon cette logique, tout ce qui est haram peut ou/et doit avoir son pendant halal ! Vois où ça va nous mener cette affaire…
Alors pour en revenir à notre gars, lui, dans son show et à sa manière, il aborde cette question un peu bizarre et c’est vrai que, des fois, bah… c’est chaud. D’où le One Man « Halal » Chaud…

L. M. : Pour finir, quelles sont tes prochaines dates ?

F. A. : J'ai déjà joué le 29 septembre. C'était ma première bruxelloise, à la Foire Musulmane de Bruxelles. Et je serais le 27 octobre, pour la première parisienne, au Théâtre Adyar à Paris. ATTENTION, NOMBRE DE PLACES LIMITÉ, faut réserver les amis. Toutes les infos sur ma page Facebook.

Notes
1. Lui-Même est le seul à avoir été autorisé à interviewer l’artiste. Une interview exclusive qu’il lui aura fallu négocier durant au moins… et plus encore. D’ailleurs, quand Lui-Même a appris qu’il allait rencontrer F. Abdelkrim lui-même, c’est-à-dire en personne, Lui-Même a lui-même finit par se prendre pour F. Abdelkrim lui-même.
2. Dans le dialecte de ses ancêtres cela désigne l’humeur qui découle des narines, mais aussi le mucus nasal. Bref, dans un jargon plus accessible, la morve ou la crotte de nez.