Cinéma, DVD

Le Crocodile du Botswanga : une comédie que l’on a du mal à croquer

Rédigé par | Mercredi 19 Février 2014 à 16:58



© John Waxxx 2013
Lourd ou dingue ? Dans Le Crocodile du Boswanga, Fabrice Éboué a voulu par la dérision à outrance et la caricature à gogo, montrer la folie des grandeurs de nos dictateurs qui ont régné et règnent encore durant ce XXe et ce XXIe siècle, la névrose inhérente à l’accaparement des pleins pouvoirs, l’influence toute-puissante de l’épouse avide d’argent et de paillettes… Sans compter que Fabrice Eboué a voulu aussi dénoncer les liens de la Françafrique nostalgique, l’exploitation sauvage des ressources forestières et la mainmise des industries pétrolières et minières (Totelf)…

Tout cela dans une comédie de 2 heures. Mais trop, c’est trop.

Le pitch ? Monsieur Didier (Fabrice Éboué), agent de pacotille, pense décrocher le gros lot en s’occupant de Leslie Konda (Ibrahim Koma), jeune footballeur plein d’avenir d’origine botswangaise. Le Botswanga, pays imaginaire d’Afrique centrale, est dirigé par Bobo Babimbi (Thomas Ngijol), militaire échalas qui se méfie même de son propre fils de 5 ans qui tenterait de fomenter un coup d’Etat (« Brutus n’a-t-il pas tenté d’assassiner César ? », s’interroge le dictateur Bobo dans un éclair de culture générale…). Leslie se rend pour la première fois au pays pour à la fois déposer les cendres de sa mère dans le village natal et recevoir les insignes de meilleur sportif de la nation par le président Bobo. Sauf que ce dernier veut l’enrôler dans l’équipe nationale, les fameux Crocodiles du Botswanga.

Des rapports Nord-Sud et de l’illusion du ballon rond chez les jeunes Africains comme l’évoque la jolie comédie footballistique Les Rayures du zèbre (de Benoît Mariage, avec Benoît Poelvoorde, en salles le 5 février 2014), il n’en est finalement que peu question. Du profil psychologique ambigu jouant tout à la fois de la séduction et de l’horreur du Dernier Roi d’Écosse (incarné par le brillant Forest Whitaker, film de Kevin MacDonald, sortie en 2007), il n’en est ici pas question.

Alors qu’on avait été étonnamment bluffé par Case Départ, premier long-métrage de Fabrice Éboué et Thomas Ngijol (sortie en 2011), qui, tout en propulsant les spectateurs dans la période esclavagiste des années 1780, dénonçait en creux les comportements et discours racistes tel un miroir déformant et déformé de notre société actuelle, Le Crocodile de Botswanga ne parvient pas à éveiller nos consciences des marasmes économiques et des dictatures politiques que connaissent bien de pays d’Afrique, anciennes colonies…Il ne parvient pas à nous faire rire, et à peine sourire.

Ce qui faisait la force de Case Départ, c’est que Fabrice Éboué, qui incarnait Régis, le conseiller municipal « plus blanc que blanc », et Thomas Njigol, qui interprétait Joël, resquilleur sans le sou accusant la société de ne pas lui faire une place au soleil du fait de sa « couleur de peau », se moquaient avant tout d’eux-mêmes. Et que leur tchatche du XXIe siècle se retrouvait télescopée au XVIIIe siècle…

Mais avec Le Crocodile du Botswanga, nous avons affaire à une grosse farce, dont les ficelles sont tellement énormes qu’elle en devient indigeste. Tous les ingrédients sont pourtant là, jeux de mots à profusion, mimiques, dénonciations ici et là de la mégalomanie du dirigeant, de la trouillardise de ses courtisans, quelques scènes sympas ici et là... Mais les comédiens surjouent. On n’en peut plus d’entendre cet accent « négrifié » à outrance. Même Ibrahim Koma (que l’on avait apprécié dans La Cité rose), qui incarne le footballeur innocent au milieu de tous ces personnages foutraques, en devient benêt.

Ici pas de second degré. On en prend plein la tronche et cela en devient balourd. Mais comme on aime bien nos deux acolytes, on attendra donc avec impatience leur troisième film… Avec de l’humour grinçant et déjanté mais aussi de la finesse et de l’émotion…

Le Crocodile du Botswanga, de Fabrice Eboué et Lionel Steketee
Avec Thomas Ngijol, Fabrice Eboué, Claudia Tagbo, Ibrahim Koma, Franck de la Personne, Eriq Ebouaney, Hélène Kuhn…
En salles le 19 février 2014.


Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur