A partir d’aujourd’hui jusqu'à samedi, le mouvement altermondialiste se réunit en région parisienne. Paris, Saint-Denis, Bobigny et Ivry-sur-Seine accueillent des espaces de débats en vue d’un ' autre monde '. Sous la dénomination de Forum Social Européen (FSE), le mouvement alter tient une session européenne du Forum Social Mondial (FSM) dont les précédents ont eu lieu à Porto Alegré (Brésil) en 2001, 2002 et 2003. L’an dernier, l’Italie a accueilli le premier FSE.
Un forum qui mobilise
Considéré au départ comme un conglomérat hétéroclite de gauchistes idéalistes et utopistes, le mouvement alter a finalement réussi à se poser en un espace capable de mobiliser. Il a tombé son étiquette de ' anti ' pour endosser celle de ' alter '. Il apparaît désormais comme une plate-forme de discussions dotée d’une force de propositions dont les idées font recette. Sa capacité de mobilisation lui vaut les courtisaneries des partis politiques. Après le rendez-vous de Florence (Italie) l’an dernier, orienté contre la guerre du Golfe, ce Forum social européen est le second du genre organisé par le mouvement.
1.800 associations, syndicats et autres organisations non gouvernementales (ONG) seront représentés. 55 conférences plénières, 271 séminaires thématiques et autant d'ateliers sont programmés. Ils étaient déjà 50.000 à Florence, capables de réunir jusqu’au million de manifestants ' contre l’impérialisme américain ' ou pour une ' autre Europe plus juste '. Ils seront plusieurs dizaines de milliers cette semaine en Ile de France.
Le premier FSM n’avait mobilisé que 20 000 personnes. Mais deux ans plus tard, ils étaient 100.000. Déjà cet été, le mouvement avait mobilisé plus de 150 000 personnes sur le plateau du Larzac autour de José Bové, l’un des ses leaders les plus populaires.
Les faiblesses d’un mouvement apolitique
En plus de sa capacité de mobilisation, sa vitalité intellectuelle et la profondeur de ses débats internes sont des atouts incontestables du mouvement. Considéré d’abord comme un mouvement ' anti-mondialiste ' qui ne savait dire que ' non ', il a su négocier son évolution vers la dénomination ' alter-mondialiste ' capable de dire ' oui ' en esquissant des alternatives possibles aux problèmes de notre monde.
En conjuguant les Forums de réflexion avec les rassemblements de protestation à l’occasion de certains sommets internationaux (ceux du G8 et de l’OMC), le mouvement a su acquérir une stature médiatique et une popularité que les politiques n’ont pu ignorer. En septembre dernier, à Cancum (Mexique), lors de la conférence de l’OMC, les Organisations non gouvernementales ont pu valablement influencer les débats et convaincre les pays du Sud de refuser les projets des pays du Nord jugés néocolonialistes.
Pourtant, malgré cette capacité d’opposition, le mouvement alter peine à trouver des moyens concrets de réalisation de ses propositions. Très frileux voire méfiant à investir directement l’espace des décisions politiques, il donne l’impression d’une force de contestation, ou de propositions, sans capacités d’actions réalisables sur le terrain. D’où le flou artistique qui enrobe les revendications du mouvement dont la tradition est de ne jamais publier de déclaration finale au terme de ses forums. Au point que, certains membres du présent forum ont pris l’initiative de se retrouver le dimanche 16, au lendemain des discussions, pour compiler un certain nombre de propositions et débattre des stratégies d’actions. Chose que ne leur permet pas le forum.
L’influence d’une force de propositions
Malgré cet usage pour le moins inhabituel, le mouvement alter influence le monde politique. En ouvrant ses espaces de débats sans arrière-plan électoraliste, il séduit les jeunes qui ont déserté les rangs des partis politiques classiques. A ce titre, il sert de tremplin d’où nombre de jeunes, déçus par les hommes politiques, exercent librement leur désir d’investissement dans des débats et initiatives au service de leurs idéaux sociaux.
Ce succès explique l’intérêt que tous les partis politiques français portent aux thèmes prévus au FSE. Les Verts et la LCR sont les premiers à souligner leur tradition alternative dans le débat politique. L’anti-libéralisme incontestable du PC lui sert de carte d’accès au Forum alter. Mais désormais, le PS, l’UDF et même l’UMP ont tous nommé, au sein de leurs appareils, des responsables à la mondialisation. Chacun y va de sa partition pour chanter que trop de mondialisation est néfaste. Puis, chose normale, ils invitent des ténors du mouvement pour en débattre.
Musulman et alter aussi
Les musulmans de l’Hexagone ne sont pas en reste dans le mouvement alter. Présents dès les débuts, ils y sont valablement représentés par Yamin Makri et Siham Andalouci, deux figures connues des cadres musulmans de France. Proches collaborateurs de Tariq Ramadan, le charismatique leader de l’Islam Européen, ils ont exprimé de vives réserves sur le mode d’institutionnalisation de l’Islam en France. Ce qui leur vaut une certaine distance par rapport au débat public sur l’Islam en France. A ces musulmans, comme à d’autres musulmans Européens, le FSE offre une tribune pour faire entendre leurs revendications. Car, généralement, de par leur double culture, les musulmans d’Europe sont des sympathisants naturels de la cause alter. Dans un long article publié par notre confrère oumma.com (http://oumma.com/article.php3?id_article=762 ), M. Makri et Mlle Andalouci expliquent leur démarche.
Il y a quelques semaines, la polémique souhaitait évincer Tariq Ramadan du FSE. Pour avoir osé dénoncer le parti pris de certains intellectuels français sur la question palestinienne, Tariq Ramadan s’est vu accusé d’antisémitisme par le PS qui a souhaité son exclusion du FSE. Le mouvement alter a refusé cette demande.