Points de vue

Le Hamas ne vole pas

Par Youssef Chems, écrivain

Rédigé par Youssef Chems, à paraître 'Hadj Amor' pour l'Amour de Dieu | Lundi 20 Mars 2006 à 22:07

Le Hamas ( mouvement de la résistance islamique), a certes gagné les élections de fin janvier, mais c’est davantage le Fatah qui a perdu en se tirant une balle dans le pied, scié par une rafale de corruptions, submergé par une coulée d’abus de suffisance, plombé par un oubli presque méprisant des douleurs de tout un peuple.



Le destin de la Palestine se réécrit sous nos yeux à l’encre des divisions internes, des menaces et des pressions internationales, mais surtout des souffrances d’une population épuisée par un demi siècle de guerre auquel le fondamentalisme religieux d’un parti redonne enfin espoir et dignité.

Depuis la chute du mur de Berlin l’Occident fait acte d’intolérable ingérence et encourage sans trop de discernement aux élections libres un peu partout dans le monde. Le vide abyssal créé par le repli des grandes idéologies laisse alors place aux fondamentalismes et des populations entières se réfugient dans ces valeurs pieuses que des groupes animés la plupart du temps des meilleures intentions ordonnent autour des solidarités, piliers de l’islam le plus positif. Alors les ambiguïtés naissent et nous souhaitons seulement que toutes les organisations « extrémistes » selon certains observateurs, mais le plus souvent animées d’un devoir de simple résistance, se transforment en partis de gouvernement et fassent la part des choses, en évitant au Moyen-Orient une bien sanglante poudrière.

Le Hamas l’a bien compris dès les premiers résultats électoraux et adopte un profil souple, en attente de passerelles avec les autres acteurs de cette tragédie qui enflamme les terres les plus sacrées des mondes de la Foi. Le Hamas se trouve devant un tête-à-queue politique, satisfaire sa base la plus dure et s’enfermer dans la spirale infernale du refus de sa reconnaissance ou s’entrouvrir à quelques concessions qui lui assureraient respect et avenir. Mais…

Le Hamas, c’est qui ?

Ce mouvement est sunnite et s’inspire de l’idéologie des Frères Musulmans implantés dans les territoires occupés depuis 1967 et il en devient sa branche palestinienne. Le Cheikh Yassine, emprisonné puis échangé, l’oriente vers l’action armée et politique, et pour la première fois en 1987, dans une note des services secrets israéliens, apparaît l’abréviation Hamas. Mais on peut dire que l’histoire du « Harakat-al-Muqawama-al-Islamya » démarre vraiment dans les années 1980 et bénéficie des échecs de Yasser Arafat sur le plan international après la guerre du Golfe. Il va aussi profiter de la délocalisation de la direction de l’OLP au Liban, Tunisie ou Irak et, comblant le vide, va tisser sur place une structure socio-politique d’une redoutable efficacité.

Le 18 août 1988, le Hamas adopte une Charte qui pose les fondements idéologiques du mouvement. Avec pour points essentiels :
. Libération de la Palestine et création d’un Etat islamique
. Refus de toute présence occidentale dans les pays musulmans
. Opposition à la sécularisation et à l’occidentalisation de la société arabe
. Revendication de la représentation unique du peuple palestinien

En résumé, adhésion totale aux concepts islamiques dans tous les aspects de la vie, de la culture, de la foi, de la politique, de l’économie, de l’éducation, de la société, de la justice et du jugement, de la diffusion de l’Islam, de l’éducation islamique, de l’information…
Le mouvement se propose d’accueillir chaque musulman qui embrasse sa foi et son idéologie, suit son programme, souhaite faire partie de ses rangs et accomplir son devoir. En fait il s’agit de se référer aux temps de la naissance du message islamique et le slogan « Allah est le point d’ancrage, le Prophète son exemple et le Coran sa constitution » est désormais la référence de son action.
Avec de tels principes, le Hamas se veut universel et devient un lien de la chaîne dans la lutte contre les envahisseurs sionistes. Il considère aussi et enfin que le « territoire, comme aucune de ses parcelles, ne doit être dilapidé ». La Palestine est définitivement terre islamique consacrée aux générations musulmanes jusqu’au jour du jugement et toute procédure en contraire avec la Shari’a islamique est nulle et non avenue.

En conséquence, le nationalisme appartient au credo religieux, la résistance à l’ennemi est le devoir de tous et il faut se détacher des conférences internationales parce qu’elles installent des médiateurs infidèles sur une terre musulmane. Mais il faut aussi mettre en musique toutes ces déclarations d’intention et pour cela les fondateurs organisent la lutte contre le sionisme et conçoivent une stratégie fondée sur la symbolique des « trois cercles », palestinien, arabe et islamique, sous-tendus par des devoirs communs, indissociables avec un fer de lance, celui du Jihad, l’engagement de tout musulman.
Une idée élémentaire apparaît, « le problème palestinien relève du religieux parce que la Palestine renferme des lieux islamiques sacrés ». C’est efficace, de la même eau que la « terre promise juive ». Ceci passe alors par l’éducation ciblée des jeunes générations afin de les sensibiliser aux forces et faiblesses de l’occupant, aux analyses et commentaires sur tous ces sujets et ainsi justifier un combat bien perçu et légitime.
Mais il faut des ressources financières pour développer tous ces programmes. Les pays musulmans sont mis à contribution. Qu'il s'agisse de l’Iran ou de l’Arabie Saoudite, mais aussi de la diaspora et un réseau très maillé d’organisations charitables ou d’associations comme la Fondation Al-Aksa en Allemagne, le Palestine and Lebanon en Angleterre, le Holy Land Foundation for Relief and Development aux USA… Des camps d’entraînement sont ouverts et entretenus au Liban, au Soudan (Khartoum) et en Iran (camp Imam Ali ou Beit-el-Mades à Qôm).

Une stratégie de guerre axée sur la libération des territoires occupés est appliquée et s’écarte un peu des Frères Musulmans qui eux veulent avant tout renforcer l’islam dans les pays musulmans. Cette mise en place se fait en symbiose avec l’OLP et un commandement conjoint créé en 1993 verra très vite le renforcement du Hamas et la baisse d’influence du Fatah, ce qui obligera Arafat à s’engager sur le terrain délicat des scènes internationales afin de se repositionner. Néanmoins, le Hamas reste l’enfant naturel de Yasser Arafat, comme le FIS algérien fut le fils caché du national-populisme autoritaire de Boumedienne.

Israël élimine Cheikh Yassine et après...

Il n’y a jamais de vide lorsque les idées sont aussi fortes et justes. Citons quelques leaders essentiels, de ceux qui portent le flambeau et la foi du Cheikh:
. Abdel Aziz Rantisi, fut le compagnon et porte parole de Cheikh Yassine. Souvent emprisonné ce pédiatre fut plusieurs fois blessé lors d'attaques israéliennes avant d'être assassiné le 17 avril 2005.
. Khaled Mechaal, chef du bureau politique, en exil. Le Mossad l’a empoisonné à Amman lors d'une opération d'enlèvement raté. Le roi Hussein de Jordanie le sauve et oblige Israël à fournir l'antidote au poison qui lui avait été injecté par ses services secrets.
. Mahamoud Zahar, cible d’attaque sioniste à Gaza avec son fils mort dans ses bras. Ce chirurgien connaît bien les prisons israéliennes mais aussi palestiniennes.
. Ismail Haniyeh, blessé lors de la première tentative d’assassinat de Yassine. Ce modéré connaît lui aussi les geôles de l’occupant. Il reste pourtant un homme de dialogue choisi pour être le Premier ministre du gouvernement du Hamas.
. Mohammad Deïf, touché dans sa chair par un tir de missile à Gaza, il dirige l’aile militaire du Hamas.
Les femmes ne manquent pas, de la même trempe et on peut évoquer,
. Jamila Chanti, universitaire militante, troisième position dans la liste du Hamas, responsable active d’Associations de Jeunes musulmanes
. Umm al Fahrat, députée brillante qui a offert ses trois fils à la libération de la Palestine…

Ils sont nombreux, tout aussi déterminés et méritants et ils ont en commun d'avoir dans leur chair les cicatrices d’une occupation illégale, suffisante. Aujourd’hui « terroristes » pour l’Occident et l’opinion israélienne, ils seront demain des résistants adulés. En a-t-il été autrement pour le général De Gaulle?

Le Roi est nu

Abou Mazen n’a jamais réussi son pari si souvent proclamé, lutter contre ce fléau endémique de la Palestine d’Arafat, la corruption. Il a été jusqu’à imposer sur les listes électorales des hommes douteux. Mais pouvait-il agir autrement sans se couper des soutiens de sa base et de ses « clients »? Non ! Il paye aujourd’hui, au prix fort, le double échec d’Arafat qui n’a pas pu en même temps créer un Etat palestinien et nettoyer ses écuries d’Augias. La facture est lourde et il doit l’honorer de gré, mais surtout de force.

Pour corrompre il faut être deux

En Palestine aucune affaire ne se conclut sans commission et tout s’est accéléré dès l’annonce des probabilités de réussite du Hamas. Plusieurs centaines de millions de dollars se sont évaporés une semaine seulement après la défaite du Fatah. Assassinats et chasses à l’homme se sont multipliés et une trentaine d’arrestations ont provoqué l’envol d’anciens responsables trop gourmands.
Mahmoud Abbas savait et le 20 décembre dernier il a même « étouffé » le rapport d’un procureur dont les enquêtes révélaient les culpabilités et l’immensité des détournements afin d’éviter qu’il ne serve d’argument aux opposants dont la victoire se pointait au bout du bulletin. Le programme de nettoyage des institutions d’Abbas est un gigantesque fiasco.

700 millions de dollars ont été détournés des caisses de l’Autorité palestinienne. C’est considérable et cela correspond exactement à son déficit ou à l’enveloppe des aides annuelles. Où est cet argent ? Une commission internationale doit être ordonnée au plus vite. Tout doit retourner au peuple qui n’en peut plus des privations et qui voit dans les rues cabossées de Gaza ou à la porte des belles demeures de Ramallah les Mercedes neuves des séides du régime d’Arafat.
Cela fonctionne de la façon la plus classique qui soit, par les sur-facturations de bureaux d’études installés la plupart du temps à Chypre. On connaît les adresses et les noms, alors pourquoi ne pas geler ces fonds qui appartiennent de droit à toutes les ummas de Jennine ou d’ailleurs qui, elles, ont donné le sang de leurs fils pour la cause. Un ministre de l’Autorité a « pompé » 5% sur les cinq millions de dollars que la Banque Mondiale avait attribués à la gestion de l’eau en Cisjordanie. Quelle piscine de Lausanne ou Lugano ce cash, ce liquide a-t-il rempli ? Cela doit être facile à trouver, non ? Des fortunes se sont bâties sur les falsifications des projets essentiels (toujours l’eau…) pour la vie de toute une nation, que ses propres fils détroussent sans état d’âme. Achouma !

Il faut les condamner au nom de Dieu, la charria a parfois du bon. Les contrats d’électrification sont autant d’embellies prometteuses, les belges ont ainsi doublé un contrat de 10 millions de dollars toujours en Cisjordanie. Les sociétés fantômes - coquilles vides dotées d’existence légale dans des pays vérolés - fonctionnent à plein rendement et pendant ce temps quelques angéliques volontaires européens ou arabes distribuent des packs d’eau minérale à des malheureux qui se battent pour une bouteille. Sans parler des Européens ou autres qui, par un élan de compassion et de sincérité, dévoilent leur poitrine, bouclier humain, pour protéger le raïs entre les quatre murs de la Mukatâ, devant des responsables palestiniens qui avec cynisme les observent en se marrant.

Oui, l’aide internationale fonctionne, la répartition fictive par habitant est l’une des plus élevées du monde avec 300 dollars par Palestinien, un pourboire à la vestiaire des Griffin’s de Genève ou les « 400 coups » de Crans-Montana pour ces hauts-dignitaires ou hommes à tout faire, habitués aux sommets et forums de Davos et Monaco, où avocats d’affaires et gérants de fiduciaires se précipitent pour  enfourner les mallettes de ces nouveaux riches de la planète misère.
L'on est mal à l’aise lorsque l'on songe à tous ceux qui, depuis des dizaines d’années, se battent avec confiance dans les associations et il a suffit d’une première élection démocratique pour que jaillisse cette gabegie à laquelle tous se refusaient à croire. Un tribunal, des juges, un châtiment exemplaire. Vous avez trompé des milliers de braves gens qui dans le monde entier ont épousé le combat de cette Palestine crucifiée par un demi-siècle de guerre impitoyable et vous, pendant tout ce temps, vous vous régaliez dans les palaces de Beyrouth, Hamamet ou Lausanne. Dehors messieurs, rendez vos passeports, vous ne méritez plus d’être Palestiniens. Vous êtes désormais des apatrides et vous tournerez dans le glauque de votre déshonneur jusqu’au Jugement dernier. Laissez place nette, mais le sera-t-elle jamais après votre razzia ?

Quand le Hamas lave plus blanc

Le mouvement a implanté dans la société un vaste réseau d’organisations caritatives allant de la distribution de nourriture à l’aide à la reconstruction après les attaques israéliennes et aujourd’hui récoltant les fruits de la reconnaissance il se place sans équivoque en alternative aux modérations forcées d’Abou Mazen qui n’en peut plus de la mauvaise gestion et du népotisme de son Fatah et surtout de la gangrène des corruptions institutionnalisées par ses propres soutiens. Alors le Hamas s’engouffre sans problème, le fruit est mûr, la voie est large.

Le mouvement a un bilan irréprochable, honnête, avec tout un peuple derrière lui, de ces petites gens qu’il connaît bien et dont il est directement issu, avec lesquels il se retrouve tous les vendredis dans les mosquées en sachant écouter et souvent solutionner les innombrables drames. Il est loin des ors des scènes internationales où il n’a pas encore sa place, alors il bétonne le quotidien à sa façon, celle que Mahomet lui a apprise, il y a bien longtemps. Et çà marche bien. Les ponts sont rafistolés, l’électricité est remise après chaque destruction de l'armée israélienne, du travail pour les plus démunis, un semblant de normalité; tous y sont sensibles et s’en souviendront, s’en sont souvenus au moment des législatives. Et... cerise sur le gâteau, il rend et entretient la fierté d’être encore Palestinien en combattant avec détermination et héroïsme pour le drapeau.
En un mot « il séduit par le service rendu ». Les responsables sont exempts de tout luxe et affichent une vie sans excès, celle des compagnons de Médine. L’Intifada a fait ses ravages et la population est exsangue. Le Hamas partage les maigres ressources qu’une diaspora confiante et quelques moyens-orientaux avisés lui concèdent. Une trentaine de millions de dollars il y a trois ans, on est loin des coulées de dollars du Fatah. Avec eux, tout devient transparent, les crèches sont visibles et fréquentées, les colonies de vacances se remplissent et les clubs sportifs donnent un semblant de vie à une jeunesse laminée. Et si la population cherche un parti fort qui fasse revenir la sécurité, il est là.

Avec quoi vit le Hamas ?

Ils savent bien que la communauté internationale va agir sur le robinet des aides afin d’asphyxier sa prise de pouvoir pourtant démocratique. Depuis leur victoire aux municipales des approches sont tentées avec des pays arabes et non arabe surtout avec l’Iran.

Les menaces du Quartet sont sérieuses dans le cas où Israël ne serait pas reconnu et la lutte armée stoppée. Du Liban, Oussama Hamdan a bien prévenu « qu’il n’accepterait aucune condition ou chantage ». Le mouvement fonctionne avec seulement 80 millions de dollars provenant de la diaspora palestinienne, des dons d’associations caritatives en Arabie Saoudite, en Europe, aux USA et au Canada. C’est peu au regard des 300 millions de l’Autorité palestinienne. Ses comptables font avec et surtout avec le maximum de transparence. Mais seul il ne pourra drainer les fonds nécessaires et il lui faudra s’allier au Fatah. Les négociations sont en cours. Soyons attentifs et espérons qu’une alliance trop hâtive avec l’Iran sera évitée afin qu’il puisse conserver l’indépendance de ses choix politiques. Des hommes comme Abou Marzouk ou Khaled Mechaal peuvent sans problème compter sur les pays du Golfe et sur l’appui sans faille de l’influent cheikh Qaradaoui pour envisager l’avenir financier du mouvement. Sans pour autant négliger, symbole réel de liberté, le soutien et l’appui du peuple et ainsi échapper dans le temps aux donateurs traditionnels qui bien évidemment souhaitent un renvoi. Mais cela ne va pas sans déconvenue car resserrer les budgets, faire appel à l’épargne et quelle épargne… sont des solutions amères qui peuvent coûter cher, comme à Qalquilyah avec la défaite des candidats islamistes. Pas simple de gagner. Il y aura des lendemains sans fanfare.

Tous aux urnes

Avec une priorité, la transparence, afin que le monde entier ne soupçonne ou ne discrédite le Hamas devant un fait démocratique accompli, incontournable. La communauté internationale ne s’est pas privée de fustiger les déficits de démocratie des pays arabes et musulmans. Elle appelait au pluralisme politique, on y est et désormais ce sont des élus du peuple qui demandent à ces mêmes pays de respecter les bulletins de la rue.

Ils ont envoyé sur place plus de 700 observateurs zélés qui vont passer au scalpel de leur méfiance cette première confrontation entre religieux et laïcs. Et ce n’est pas simple. Le principal organisme palestinien de défense des Droits de l’Homme, né en 1994, délègue une mission qui envoie 170 observateurs du Parlement Européen, les Usa bien sûr ne sont pas en reste avec le parti démocrate ou le Carter Center. Tout va se passer sous surveillance très rapprochée, trop heureuse si elle trouve des irrégularités qui entacheraient ou annuleraient le succès escompté du Hamas.
En face d’eux 1.300.000 électeurs, 11 listes et plus de 400 candidats. Mais surtout deux hommes, Ismaïl Aniyeh qui pilote le Hamas et le détenu des geôles israéliennes Marwan Barghouti choisi pour sa popularité par le Fatah. Mais il ne faut pas oublier le Front Démocratique pour la Palestine, le Parti du Peuple Palestinien et l’Union Démocratique Palestinienne en front commun sur la liste Al-Badil. Evoquons aussi la liste verte, le mouvement Kafi et le Front de Lutte Populaire Palestinien. On retrouve en tête d’autres listes moins étoffées des leaders comme Salam Fayad (ancien ministre des Finances), Hanan Achrawi et sa « troisième voie »…Certaines proclamations de Barghouti rejoignent pourtant celles du Hamas autour de la résistance à l’occupation, à la colonisation et à la libération de tous les prisonniers. Comment s’y retrouver vraiment si ce n’est par le distinguo laïc/religieux et la volonté de mettre un terme à la corruption généralisée?

Le Fatah creuse sa propre tombe en mandatant sans trop de réflexion, si ce n’est sous une pression infernale, des candidats corrompus que tous rejettent. Le parti islamique a devant lui un vrai boulevard, même si tous n’adoptent pas sa vision fondamentaliste pour autant, mais il reste seul à représenter une certaine netteté et surtout un avenir fait de fierté retrouvée et de résistance à des occupants honnis qui étouffent un pauvre pays qui n’en peut plus de privations et de souffrances sur les marches des villas de certains membres du Fatah.

Cette lame de fond sans retour provoquera des dégâts, ils seront à la hauteur des espoirs d’un peuple entier. Le Hamas avec le Front Populaire de Libération est le seul à conserver un langage clair sur l’évacuation de l’armée d’Israël et la libération des colonies. Cela plaît et change des atermoiements et des loupés diplomatiques du Fatah qui se noie dans des négociations sans fin sur toutes les scènes internationales, tentant par là de récupérer ce qu’il a définitivement perdu sur le terrain. Les résultats en feront témoignage et discréditeront un Mahmoud Abbas qui sans image cohérente, sans succès réel et sans avancée avec les chancelleries n’a pas su rendre vraisemblable un processus de Paix depuis longtemps enlisé, ne serait-ce que par le Quartet lui-même qui n’y a pas vraiment cru.

La gifle des 76 sièges du Hamas

Le Hamas détient 76 sièges de parlementaires contre 43 au Fatah. Sa majorité est reconnue par tous et surtout par les observateurs qui en restent médusés tout comme la communauté internationale qui doit bien se rendre à l’évidence, les religieux ont gagné. « Que le Hamas gouverne alors !» lance Abou Mazen, tout dépité . Il sait que plus de 10% de ses partisans ont voté pour un adversaire qui a profité de l’absence d’idéologie du Fatah, si ce n’est la réconciliation avec Israël et l’on en connaît les décevants résultats. Le Fatah c’était « le parti du Vieux » et sans Arafat il n’y a plus de parti. Au Liban, le Hezbollah par la voix du Cheikh Naïm Kassem annonce au monde entier qu’il « va falloir s’habituer à cette victoire, que les islamistes vont remporter d’autres victoires dans la région et qu’aucun Etat n’est en droit d’imposer ses conditions au peuple palestinien ».

Le hidjab ne s’impose pas

Malgré les effets d’annonces des médias internationaux, on s’aperçoit que les femmes ne sont pas écartées, loin de là. Faïza Al-Chantia remercie le peuple d’avoir offert sa confiance au Hamas et précise que la liste « Changement et réforme » désormais représentée au Parlement va travailler pour assurer les droits de femmes et renforcer la famille palestinienne en s’appuyant sur les universitaires qui vont tout faire pour soulager les familles des martyrs ou des prisonniers. Elles ont payé un lourd tribu et méritent une place de premier rang que le Hamas est prêt à leur accorder. Samira Al-Amayqa, pour sa part, note le changement profond des mentalités de la société palestinienne et veut s’attacher le plus vite possible aux problèmes essentiels du chômage, de l’éducation mais encore de la famille, pilier de tous les progrès. Houda Naïm s’attache aux règles de l’Islam et répète que la souffrance des femmes mérite toutes les attentions, que rien ne peut les obliger à ce qu’elles ne veulent pas et, avec Mouna Mansour, elle précise que le hidjab même s’il est porté par une majorité de ses sœurs n’a jamais été une obligation et qu’il y a d’autres priorités.

Avant tout, la suppression des anarchies de l’administration, les corruptions de toutes sortes et la fin de cette occupation honteuse qui asphyxie toutes leurs familles. Et n’oublions pas cette pasionaria Oum Fahrat qui a offert ses fils et qui nous assène, « aujourd’hui nous récoltons les fruits de nos sacrifices, le sang de nos enfants n’a pas coulé pour rien ». Elle sait que le Hamas n’a aucun problème de collaboration avec les femmes, qu’il l’a prouvé largement depuis des dizaines d’années dans toutes ses œuvres sociales et caritatives. Mais elle précise encore que s’il veut dédier sa victoire à toutes les familles des martyrs et prisonniers il lui faut avant tout améliorer le niveau de vie général et faire oublier les injustices de l'occupation. Des lois doivent s’écrire pour assurer le droit des femmes, ouvrir des refuges sociaux et médicaux et reconstruire le pays autour de ce ciment de la société, la femme, parce que « c’est elle qui fait les hommes »

Le paradoxe des barreaux

C’est la première fois au monde qu’une élection aussi populaire et reconnue démocratiquement envoie en son Parlement des prisonniers, des députés enchaînés. Ils sont au moins quinze, toutes tendances confondues et représentent un peu plus de 10% de l’ensemble des membres du Conseil législatif. Et personne ne bouge, la communauté internationale est aveugle et muette. Où est la liberté d’expression et de représentation d’un peuple ?

Le Hamas, encore une fois, en a fourni le plus important contingent (11). Ainsi on n'oublie pas Hassan Youssef, Jamal Natche, Abu Salem,Ali Hajj Ali, Abu Anas. Pensons aussi aux trois élus du Fatah avec en première ligne Marwan Barghouti mais aussi Jamal Hwayel et Abu Yata et enfin Ahmad Saadate du FPLP. Ce sont, pour la plupart, des universitaires, des commerçants ou des militants aujourd’hui « terroristes » demain résistants…et ils constituent avec d’autres la chance de relance d’un pays-bocal auquel on ne donne de l’oxygène que par des perfusions suppliées. Il faut que tout cela s’arrête un jour et que ces élections, en ouvrant une nouvelle donne, apportent enfin un peu de paix dans cette région. Inch’Allah !


Le Quartet

A l'annonce des résultats Kofi Annan, s’exprimant au nom de l’ONU, des USA, de l’Union Européenne et de la Russie, lance  sa première menace, « Je crois important que le gouvernement qui va s’installer maintienne la position exprimée par le président Abou Mazen, qu’Israël comme les Palestiniens acceptent la solution de deux Etats et que la future assistance soit révisée en fonction des engagements sur ces deux principes ». Voilà, la messe est dite, les ordres sont donnés et il faut se plier ou… !

La communauté internationale a pris parti et ses aides seront conditionnées à l’allégeance d’une démocratie. Une des toutes premières des mondes orientaux. Une logique infernale s’installe, tout va être mis en place pour affaiblir le Hamas et désorganiser la société palestinienne. L’éthique démocratique est balayée et les utopies d’un Bush se profilent derrière son idée d’un « Grand Moyen Orient » qui veut façonner à sa manière des peuples qui, finalement à chaque fois, se rangent en toute légitimité dans le camp adverse.

La « feuille de route » est depuis longtemps enterrée, elle imposait aux Israéliens de stopper toute implantation en Cisjordanie et aux Palestiniens d’arrêter les violences. On en est loin et les Etats-Unis vont perdre le rôle d’arbitre qu’ils s’étaient donné dans la région. Ils savent que le Hamas a été créée avec le soutien d’Israël en contre pouvoir au Fatah, machiavélique machination.

Les Européens peuvent, s’ils le souhaitent, jouer un rôle modérateur avec le Hamas. Poutine invite quelques leaders islamistes, l’Egypte aussi, alors les cartes se brouillent et les chancelleries s’activent officiellement ou en sous-main. Le Hamas peut en tirer profit avec intelligence. Une prise de pouvoir démocratique, çà s’apprend et surtout çà se fait savoir avec tact et souplesse. Et Ismaïl Haniyeh n’en manque pas. Il faut se hâter lentement et après les premières escarmouches visant à affirmer les positions de chacun il va falloir composer, alors autant que la barre soit placée très haut afin qu’en cas de recul on en lâche le moins possible, classique.

La Chambre des Représentants américains a depuis décembre dernier donné la note par 397 voix contre 17 en conditionnant l’aide de 350 millions de dollars à l’éviction du Hamas, rien de moins. Et pour en remettre une couche, Daniel Pipes, directeur du groupe de pression Middle East Forum, écrit « Comme al-Qaida, le Hamas doit être détruit », on ne peut pas être plus clair. Anéantir une élection démocratique, pas mal non !

Mais tout est plus sournois et complexe. Ce qui se dit officiellement n’est pas toujours ce qui se fait dans l’ombre des cabinets politiques. L’USAID par exemple à travers les fonds de son agence de développement à envoyé au Fatah 2 millions de dollars pour sa campagne. Où est cet argent ? Dans quelles poches et sur quels comptes suisses ou luxembourgeois ? L’isolement international se met en place, l’étouffoir va garrotter le petit peuple qui a poussé « son » Hamas vers les cimes du pouvoir. Les semaines à venir vont être capitales, suivons bien tout ce qui va se passer.

Intransigeance de façade / Marchandage en coulisse

Le quartet force la note et menace tant et plus. Aides restreintes, humanitaire soumis à acceptation de diktats humiliants, enfin toute une panoplie de mesures plus impopulaires les unes que les autres. On marque son territoire avec force des deux côtés en attente de négociations. Le monde finalement ne laissera pas suffoquer ce petit pays exsangue qui dans le cœur des gens a gagné par le sang versé ses titres de noblesse et son droit d’exister.

Derrière chaque déclaration des leaders pointe le recours à arrangement, rien ne se ferme vraiment. C’est çà aussi la diplomatie ! En « option » seulement le recours aux armes, on ne baisse pas les bras mais on conditionne tout à l’exégèse des termes employés. Israël et OLP n’ont pas rompu le dialogue, même si le Hamas se durcit et raide dans ses bottes interpelle les médias sur son refus d’accorder la, moindre parcelle de légitimité à l’Etat hébreu en rejetant systématiquement toute collaboration. Seul l’Etat souverain compte et les échecs diplomatiques du Fatah ne sont pas faits pour arranger les choses.

Le Hamas pour conforter ses positions ne lâche rien avant d’obtenir des garanties sur son espace politique, il doit s’affirmer. La stabilité d’une région entière est à ce prix et les responsables islamistes l’ont parfaitement compris. Tous les observateurs un peu avertis des comportements et habitudes du Hamas ont bien capté que leurs dirigeants vont largement tout écouter et que, même s’ils ne sont pas faciles à influencer, ils sauront faire la part des choses à condition qu’on les respecte. Alors tout n’est pas si fermé, au contraire, l’histoire s’écrit avec une nouvelle donne, celle d’un peuple avide de Paix et de stabilité. Les familles, les femmes et les enfants de Palestine veulent eux aussi vivre comme ceux d’en face, avec un minimum de confort de vie.

Et Israël dans tout çà ?

Le face à face a commencé. Pour Israël, l’Autorité palestinienne est devenue une Autorité « terroriste ». Les sanctions économiques, premières mesures de rétorsion, vont vite tomber pour étouffer les actions du futur gouvernement. A commencer par les Droits de douanes de 50 millions de dollars perçus par l’Etat hébreu au nom de l’Autorité palestinienne (on se demande pourquoi), affectés aux salaires des 150.000 fonctionnaires, ce qui fait vivre un million de personnes. Sans bloquer tout à fait  l’aide humanitaire attribuée directement à la population, ils ont décidé de renforcer les contrôles des mouvements de travailleurs et ralentir la mise en route du Hamas.

La misère des habitants déjà considérable va s’alourdir et les chancelleries sont harcelées par des envoyés israéliens qui, tout en ménageant les communautés internationales, veulent à tout prix déchirer la nouvelle carte politique. Un conseiller de ce gouvernement, Dov Weissglass, éructe même « C’est comme un rendez-vous avec un diététicien, les Palestiniens vont maigrir, mais pas mourir de faim ». On ne peut être plus explicite: on va affamer les foyers, dans les salles de thalasso du Tsahal. Cynique et impardonnable !

Nous n’oublierons pas votre mépris monsieur Weissglas, soyez-en persuadé. Mais d’autres voix s’élèvent, plus concensuelles et conscientes des erreurs passées. Par exemple le chef du parti Meretz, Yossi Beilin, concède avec pragmatisme et une certaine honnêteté qu’il faut maintenir le cap avec Abou Mazen contrairement à d’autres dirigeants israéliens qui, avant les élections, « ont commis l’erreur d’affaiblir l’Autorité palestinienne et Abou Mazen lui-même ».

L’arrivée du Hamas au pouvoir va influencer les prochaines élections israéliennes. Le Likoud peut revenir, même si dans les sondages il est pour le moment distancé par le tout nouveau Kadima, mais aussi par les travaillistes. De son côté, Khaled Mechaal chef politique du Hamas lance avec force, « La communauté internationale doit forcer Israël à prendre en compte les droits du peuple de Palestine et il n’est pas juste de demander à la victime de reconnaître son tueur. L’oppresseur, l’occupant et l’agresseur doivent nous rendre nos droits, cesser son agression et se retirer de nos terres », profession de foi légitime s’il en est une.

Certains sondages montrent que la moitié des Israéliens souffre aussi : des mères qui ont vu leurs enfants tués sur les frontières ou mutilés dans les villes par des affrontements inhumains, veulent espérer une discussion avec le Hamas. Cette moitié du peuple d'Israël sait et a compris qu’en face, le peuple s’est reconnu dans ce mouvement, que ces dirigeants sont des hommes de foi, propres et sachant écouter les douleurs. Un dialogue peut s’installer, souhaitons-le. Les hommes de gouvernement vont continuer leurs effets d’annonces et leurs actions de répressions mais lui, le petit peuple, comprend et sait parfaitement ce que l’autre petit peuple, là-bas derrière le mur, à quelques centaines de mètres, ressent pour le ressentir lui-même tous les jours.

Les chefs de partis israéliens se raccrochent à un Abou Mazen qui n’en peut plus et ménagent cette Autorité palestinienne qu’ils avaient piétinée il y a quelques mois. Le blocus sera plus perméable, même si les déclarations d’intention se font de plus en plus catégoriques. Il y a désormais deux discours chez eux, l’officiel et celui des coulisses. On avance à petits pas, ceux des diplomates. Même Shimon Pérès, numéro deux de Kadima, ne s’interdit pas de palabrer avec le Hamas et n’hésite pas à déclarer « Si le Hamas reconnaît Israël et accepte des concessions territoriales, notre Etat devra maintenir sa décision et permettre la création d’un Etat palestinien ». Croyons-le, en tout cas essayons d’y croire et oublions les prurits d’un Netanyahu qui tente de refaire son handicap en diabolisant comme d’habitude les « islamistes du Hamas ». Depuis le retrait forcé de son leader, l’Etat hébreu se trouve devant des choix délicats. Négocier avec les Palestiniens ou rester dans l’unilatéralisme de Sharon. Que va-t-il se passer lorsque le mur sera achevé, Gaza mis sous cloche et la colonisation de la Cisjordanie renforcée ?
Tout n’est pas si noir pourtant. Il reste l’espoir que le Hamas choisisse dans ses troupes des hommes de dialogue et de compromis pour calmer le jeu. Espérons-le.

Quo Vadis Hamastan

Les « islamistes » ont le succès modeste. Le pouvoir n’est pas issu d’un coup d’Etat, bien au contraire et ils tiennent à le partager, ne serait-ce que pour ne pas assumer seuls l’éventualité d’un échec. Une cohabitation à la française se profile. Le Hamas restant plus ou moins sur ses positions et laissant au Fatah d’Abou Mazen la tâche de discuter avec l’ennemi. Une solution souple !
C’est tout de même un séisme, une déferlante pour la politique palestinienne, après une main mise absolue du Fatah pendant un demi siècle. « Le parti est dévasté, gangrené par les voleurs et les bandits il avait fini par faire passer au second plan les intérêts du peuple palestinien » reconnaît avec lassitude Abdoul Hamyel, candidat battu à Ramallah. Les vengeances vont certainement se multiplier. Par exemple, comment les membres des forces de sécurité du Fatah vont-ils accepter de passer brutalement sous le contrôle d’un Hamas dont ils ont souvent emprisonné les sympathisants ? Les lendemains ne chanteront guère pour eux.

Le Hamas a une obligation de résultat. Tous les espoirs sont tournés vers lui, la pression est considérable. Au centre du jeu politique palestinien Abou Mazen reste inévitable au moins pour les trois années qui courent jusqu’à la fin de son mandat. Mais le Fatah doit évoluer et assumer sa défaite. Les anciens d’Arafat ou de Barghouti ont fait leur temps et doivent s’effacer devant un nouveau Fatah plus consensuel, obligé de composer avec le Hamas afin d’offrir un front uni dans les délicates négociations à venir et conserver quelques postes de décisions.

Abbas sait les appétits d’une jeune garde menée par un Dahlan qui veut en découdre et faire main basse sur un parti exsangue, au plus bas de son image. Les tensions se multiplient au sein du mouvement lui-même. Les brigades des martyrs d’Al-Aksa ont été jusqu’à « menacer de tuer tout dirigeant qui serait tenté de participer à un gouvernement avec le Hamas ». Des manifestations dans la bande de Gaza dénoncent les anciens du Fatah, les accusant de toutes les corruptions mais surtout les rendant responsables de la défaite du parti. Les marges de manœuvre sont de plus en plus en plus serrées et le Hamas se garde bien d‘attiser ressentiments et déceptions. Il cherche plutôt de nouveaux partenaires de cohabitation qui lui permettraient, dans un vrai gouvernement d’union nationale regroupant toutes les factions palestiniennes, d’envisager un avenir moins plombé avec les Israéliens.

Malgré la défaite cinglante de son parti Abou Mazen toujours président, conserve une position stratégique qui arrachera des concessions aux islamistes. L’histoire ne s’écrit pas facilement. On sait qu’il y aura coopération et pourquoi pas avec Israël, là où des intérêts communs ou des besoins essentiels émergeront. Tout reste à faire. La vie des Palestiniens est liée à celle des Israéliens, ils le savent tous et si les uns et les autres se cachent derrière des déclarations de matamore, la réalité les rattrapera et les accords se feront. A moyen terme.

Chiites/Sunnites

Les lectures manichéennes du Moyen-Orient volent en éclat. L’opposition simpliste démocratie contre terrorisme chère aux Américains se heurte de plein fouet à la finesse de pensée des mondes arabes qui eux, ont parfaitement assimilés les politiques et surtout les visées d’ingérences et d’hégémonies énergétiques des Etats-Unis en particulier. Ce reproche habituel va vite disparaître et la montée des mouvements islamiques est inévitable, que ce soient les Frères Musulmans, le Hamas, le Hezbollah libanais, les chiites irakiens. Ils en deviennent les symboles nationalistes soutenus par des peuples écrasés et humiliés, terreau de toutes les dérives mais aussi soutien indéfectible des nouveaux leaders démocratiques.

Nous sommes face à une réislamisation des sociétés arabes depuis une trentaine d’années. Avec des bases qui veulent s’intégrer à la vie politique, avec des politiques réfléchies, des alliances et une stratégie à long terme. Les Frères Musulmans égyptiens en sont un exemple concret: ils auraient pu obtenir plus de députés mais ils ont choisi de montrer leur force sans trop en ajouter, trop tôt. Même cas de figure au Maroc avec le Cheikh Yassine ou encore en Syrie. On voit bien qu’il n’y a pas d’Islam monolithique, mais tous se reconnaissent néanmoins dans un nouvel Islam revu et corrigé, presque réinventé. Et pas du tout comme l’imaginent l’Occident avec des mollahs simplistes qui veulent revenir à des origines qu’ils détournent et dégradent pour servir des intérêts douteux.

Manœuvres et Stratégies

Des facteurs lourds ajoutent aux paralysies occidentales nourries de l’enlisement américain en Irak et d’éventuels boycotts pétroliers, la menace absolue. Et le Hamas va en jouer avec talent. Aucun Etat ne va l’aligner et les liens que le Quartet redoute entre Iran et nouvelle Palestine ne sont que factices et finalement tactiques. Le clivage sunnites-chiites va se durcir. On le constate tous les jours et les listes de sacrifiés sur cet autel de leurs différences s’allongent à chaque explosion. Les sunnites se tétanisent devant la montée en puissance des chiites.

Nombre de rumeurs circulent sur des arrangements plus ou moins secrets entre Américains et chiites, en Irak, Koweït, Arabie Saoudite. Téhéran s’engouffre dans ces brèches et tente par tous les moyens de stopper l’alliance traditionnelle entre baasistes et sunnites, avec toutes les résonances possibles en Palestine. La mèche est allumée dans ces régions, surveillons les combustions.

De nombreux pays arabes éreintés et discrédités par des décennies de corruption et de décadence ont tout intérêt à saper cette montée du Hamas qui va essaimer, dans leurs faubourgs misérables, l’exemple de la réussite d’un processus démocratique. Les islamistes ont désormais l’avantage, le peuple est séduit. Les fins de règne naissent dans les bidonvilles et les régimes chutent sous les butoirs des malheurs générés par des classes dirigeantes grasses et corrompues.

On assiste alors à l’élargissement du conflit israëlo-palestinien, avec toutes ses conséquences. Le monde arabe est pris en tenaille. D’un côté l’étau dur et répressif de l’axe israélo-américain et de l’autre le lâchage et la corruption par ses propres frères écrasés par des régimes despotiques. Mais le peuple espère toujours et les arrivées des toutes nouvelles démocraties lui redonnent force et fierté. L’attente populaire reste intacte, les responsables islamiques ont compris qu’il fallait adoucir leur image et envoient un peu partout dans le monde des femmes pour les représenter. C’est un signe évident de cette modernisation volontaire du message islamique qui va s’inscrire désormais dans le monde d’aujourd’hui, sans pour autant oublier les fondements même du pacte de Médine.

« Les responsabilités responsabilisent »

C’est une immense loi universelle, encore plus vraie en Palestine qu’ailleurs. Et les occasions de la vérifier ne vont pas manquer. Tout est à faire et les citoyens sont à l’affût de résultats. Les nouveaux élus doivent faire face et les issues ne sont pas évidentes. Il ne revient pas au Quartet de dicter quoique ce soit à la nouvelle majorité, il n’y aura pas de démilitarisation sans processus politique équilibré, négocier est incontournable. Une chance subsiste, faible, ténue, le Hamas le sait et ne laissera pas passer cette chance et elles sont rares dans cette région. Il est le seul capable de régler les problèmes sur lesquels l’OLP, ancien mouvement jugé « terroriste » lui aussi auparavant, a chuté. Autant de solutions à imaginer, comment ?

Avec détermination et Hamas est désormais le seul à se servir d’un langage qu’Israël peut entendre, force contre force, chacun respectant l’autre.

Le Quartet a donc tout intérêt à laisser « mûrir » une situation délicate pour le Hamas qui doit faire face aux salaires et à la reprise d’une pauvre économie sous perfusion, celle qu’aumône justement ce même Quartet, sans pour autant permettre à l’Iran ou la Russie, elle-même partie prenante, de se présenter en sauveur. Une formule « intelligente » apparaît, le Hamas prolongerait la trêve d’un an ou plus, il ne prendrait que des postes « sociaux », technocratiques. Les élections israéliennes vont-elles aussi jouer à plein dans tous ces montages. Les semaines qui viennent sont lourdes de significations et les écueils ne manquent pas. Alors avec Abba Eban, figure majeure de la diplomatie israélienne, espérons que,


« Les hommes adoptent la sagesse une fois épuisées toutes les autres alternatives »