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Le Québec en route vers l’interdiction du port des signes religieux, Justin Trudeau monte au créneau

Rédigé par Lina Farelli | Mercredi 3 Avril 2019 à 11:50

Le gouvernement de Québec veut interdire le port des signes religieux pour certains fonctionnaires. Un projet de loi qui suscite de vives réactions d'indignation, parmi lesquelles celles du Premier ministre Justin Trudeau qui dénonce une « discrimination ».



Voulant concrétiser sa promesse de campagne, le Premier ministre de Québec François Legault s’est engagé, avec la Coalition avenir Québec (CAQ), son parti nationaliste, majoritaire dans la province de Québec, à faire adopter d’ici le mois de juin une loi sur la laïcité portant sur l’interdiction du port de signes religieux pour les fonctionnaires en position d’autorité comme les policiers, les gardiens de prison, les juges ou les enseignants et l'obligation pour les employés de l'État en contact avec le public d'apparaitre « à visage découvert ».

François Legault soutient ainsi vouloir mettre fin à un débat sur la laïcité qui a duré depuis 10 ans. Mais son annonce n’est pas du tout pour plaire au Premier ministre canadien Justin Trudeau, qui a dénoncé une atteinte à la liberté d’expression. « Pour moi, il est impensable que, dans une société libre, nous légitimions la discrimination contre des citoyens en raison de leur religion », a déploré le chef du gouvernement ces derniers jours.

François Legault estime, pour sa part, que « la laïcité ne va pas à l’encontre de la liberté de religion. Chacun va rester libre de pratiquer la religion de son choix, mais il faut fixer des règles ». La seule concession qu’il a accordée, c’est l’adoption de la « clause de lois acquises pour les employés qui sont déjà en fonction » qui leur permettrait de se soustraire à l’interdiction du port des signes religieux.

Le Québec prêt à s'asseoir sur la Charte canadienne des droits et libertés

Justin Trudeau, pour qui « le Canada est un pays laïque qui respecte profondément les libertés individuelles, y compris la liberté d’expression, de conscience et de religion », tout comme le Québec, entend défendre avec vigueur l’application et le maintien de la Charte canadienne des droits et libertés.

François Legault a toutefois pris les devants en déclarant qu’il appliquerait « la clause dérogatoire dès l’adoption de ce projet de loi », pour « éviter de longues batailles juridiques ». Cette clause constitutionnelle permettra de soustraire sa loi pendant cinq ans de l’application de la Charte canadienne des droits et libertés.

« C’est une approche qui respecte notre histoire, nos valeurs et c’est une approche qui respecte ce que souhaite une grande majorité des Québécois », a plaidé François Legault, accusé de racisme par des organismes de défense des droits de l’homme. Implacable, il a réitéré qu’« au Québec, c’est comme ça qu’on vit » et que ce projet de loi est « modéré comme le sont les Québécois ».

Des organisations musulmanes dénoncent

Le parti Québec Solidaire s'est engagé, de son côté, à lutter contre l'interdiction du port des signes religieux. Plusieurs organisations et associations antiracistes ont également vivement critiquer un projet de loi qu'elles estiment discriminatoire.

Pour le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC), la loi, si elle est adoptée, « rendra les musulmans du Québec et autres communautés minoritaires, citoyens de seconde classe ». « C'est un projet qui est anti-laïc parce qu'il est contraire aux principes fondamentaux de la laïcité : la liberté de conscience, la neutralité de l'État », indique à La Presse Haroun Bouazzi, coprésident de l'Association des musulmans et des arabes pour la laïcité (AMAL). « Il est aussi antidémocratique parce qu'il instaure un précédent qui est que l'on va enlever des droits fondamentaux à des minorités et se protéger du seul contre-pouvoir contre la dictature de la majorité que sont les chartes des droits et libertés. »

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