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Le Sénat interdit l'entrée de son hémicycle à une étudiante voilée

Rédigé par Kada Tarik | Dimanche 15 Juin 2003 à 00:00

           

Le samedi 14 juin 2003, le Sénat organise une journée de débat portant principalement sur l’islam et la laïcité.
Présents depuis la matinée à cette journée portes-ouvertes sur le thème « Islams et occidents », nous ne savions pas que l'ambiance était islamophobe et qu'en fin de journée, nous aurions à payer si chèrement notre présence « arrogante ».



Le samedi 14 juin 2003, le Sénat organise une journée de débat portant principalement sur l’islam et la laïcité.

Présents depuis la matinée à cette journée portes-ouvertes sur le thème « Islams et occidents », nous ne savions pas que l'ambiance était islamophobe et qu'en fin de journée, nous aurions à payer si chèrement notre présence « arrogante ».

 

En effet, accompagné d'une étudiante, Maria, portant un foulard, nous décidons de participer au dernier débat sur le thème « Les intellectuels s’en mêlent ». Or, ce dernier débat se trouve dans l'hémicycle du Sénat.

 

Nous nous contentons, au début, de rester devant le grand écran qui devait diffuser le débat, lorsqu'une responsable nous apprend qu'il y a encore de la place dans l'hémicycle et nous invite à y entrer. Nous nous dirigeons donc, avec une vingtaine de personnes, vers le fameux hémicycle. A la porte, un vigile nous glisse doucement : « Vous ne pouvez pas entrer, le voile est interdit dans l'hémicycle ». Pensant que c'était là une blague, nous lui demandons de répéter en feignant ne pas avoir entendu, il nous répète sa scandaleuse affirmation d'une manière très ferme. Comprenant que celui-ci était très sérieux, nous essayons de discuter en demandant des explications mais sans aucun succès. Ne sachant que faire, nous crions au scandale, en interpelant la foule sur la gravité de la mesure que nous subissions : « Quel est le problème, elle est française et c’est une journée portes ouvertes, alors pourquoi lui interdire l'entrée ? C'est de la discrimination ! Elle veut assister au débat public et vous lui refusez l'entrée !! C’est ça la démocratie ?! Il aurait fallu écrire dans le programme que ce débat sur l'Islam était interdit aux musulmans !! » Ces phrases provoquent un tollé dans l’attroupement contre cette mesure d’exception discriminatoire.

 

Soudain une hôtesse d’origine maghrébine vient nous faire une grandiose proposition, sur la consigne d'un supérieur, elle nous explique qu'elle peut nous placer dans le balcon présidentiel. Nous refusons catégoriquement la chose en argumentant : « Pourquoi là bas ? Nous y sommes invisibles, c'est ça ? Vous avez honte de vos musulmans ?! Elle est française, elle montre de l'intérêt pour ce débat public et c'est comme ça que vous l’accueillez !! Et par dessus tout au Sénat !! »

 

Bientôt une foule se rassemble pour assister au scandale. La sécurité du Sénat est prévenue, et nous sommes surveillés de très près. Nous finissons par aller vers l'autre salle, dans laquelle nous apercevons le Président du Sénat qui s'exprimait devant les caméras. Nous accourons pour l'informer de cette discrimination, mais nous sommes devancés par le responsable de la sécurité qui avait vu venir la chose. Il nous devance donc et lui explique rapidement le problème alors que Maria est priée d'une manière musclée d'attendre plus loin.

 

Le Président du Sénat, Monsieur Christian Poncelet, se dirige alors vers nous et nous explique que l'hémicycle est un espace laïc. Maria lui explique que c'est une journée portes ouvertes et qu'elle veut participer au débat comme tout un chacun. Il lui répond qu'il est désolé mais que les signes religieux sont interdits, je lui rétorque alors que le foulard est un vêtement et non un signe. Il bafouille et s'énerve en prétendant que c'est faux, il nous lance : « De toute façon, c'est un débat sur la laïcité », je lui réponds alors : « Justement, nous sommes d'autant plus concernés ». Dans des propos très confus, il dit à Maria : « Ecoutez, si je vais en Arabie Saoudite, je me conduirais... » Et là, je conteste vivement son argument en lui répondant que Maria est française, et que l'argument du « pays étranger » ne convient pas dans ce cas précis, et qu'elle doit avoir le droit dans son pays de participer à un débat public.

 

Les photographes et les caméras se déchaînent pendant notre discussion. Puis le Président s'énerve, et nous dit : « C'est comme ça ! » Il nous ajoute que c'est par provocation que nous sommes ici, et nous demande d'aller ailleurs. Chose que nous faisons en criant à l'exclusion.

Voila notre journée dans l'Antre de la démocratie !!!

 

Le débat portait sur la laïcité et notre présence n'était décidément pas souhaitable.

Combien de temps les musulmans vont-ils encore subir ces injustices et ces humiliations dans leur propre pays ? Pour beaucoup, ces injustices n'existaient pas dans les hautes institutions de la République, vu la proximité de la Constitution, de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et des engagements internationaux de la France, avec en particulier la ratification de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, l’article 9 de cette dernière ne précise t-il pas le droit pour les citoyens européens de manifester leur religion en public et en privé ? Tout ceci n’est pas anodin ! Mais que se passe t-il enfin depuis ce fameux 11 Septembre 2001 ?

 





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