Mustapha Chérif est un penseur algérien, auteur notamment de Islam, tolérant ou intolérant ? aux éditions Odile Jacob, Paris.
Les mauvaises nouvelles n’en finissent pas. La faillite de l’action arabe commune est à ciel ouvert. La pérennité de l’autoritarisme des régimes arabes, la plupart répressifs, fermés et incapables même de répondre aux besoins vitaux des populations, devient indécente. Dans ce contexte, les sociétés arabes, malgré une prise de conscience des citoyens, subissent la généralisation galopante de la violence sociale, des archaïsmes et des comportements passéistes et obscurantistes, accompagnés par une inquiétante dégradation des moeurs. Tout cela se développe comme réaction, de par l’absence de libertés, l’ignorance et la manipulation. De plus, on constate une fuite accélérée des élites. Sur le plan des agressions et des conflits, la guerre civile s’exacerbe en Irak, sous une occupation brutale et traumatisante qui risque de s’éterniser. Dans la Corne arabe de l’Afrique, la situation est préhistorique et sauvage, en Somalie et au Darfour.
Dans le golfe arabo-persique, il y a un risque de nouvelles guerres et des mesures de la première puissance pointent à l’horizon encore plus hégémoniques et arrogantes au détriment du monde arabe pris comme nouvel ennemi et épouvantail. Dans les territoires occupés on assiste impuissants à l’aggravation tragique des conditions de vie précaires des Palestiniens, sans aucune perspective. En Occident, malgré l’attachement à l’art et à la science, la spirale de l’accentuation de la marchandisation de la vie et du culte du veau d’or est effrayante, car elle se mondialise. De plus, les multiplications des actes xénophobes et islamophobes et les provocations théâtrales contre les musulmans risquent de déboucher sur l’innommable. Les quiproquos et les dialogues de sourds sont de plus en plus pathétiques entre les deux rives de la Méditerranée, au point où l’idée d’une Union parait illusoire et utopique. La gestion de dossiers pourtant sensibles comme celui de la présence musulmane en Occident et chrétienne en terre musulmane, que chacun enferme dans la victimisation instrumentalisée, est inefficiente. On pourrait continuer à énumérer la liste des échecs, des drames et des impasses du monde et de nos sociétés. Notre époque malgré ses acquis et progrès apparaît comme sombre, insaisissable et énigmatique, la désorientation est totale. L’Occident n’est pourtant pas une civilisation foncièrement mortifère. Et des potentialités, des ressources notamment humaines et des références fondatrices incomparables, existent dans le monde arabe pour faire face à tous les défis, menaces et provocations. Du rapport entre ces deux mondes qui sont imbriqués et liés, dépend l’avenir.
Cependant, le citoyen de la rive Sud est comme perdu face à la complexité de la situation et aux provocations de toutes sortes. Il faut savoir que l’ordre dominant mondial, tout comme les systèmes internes, sont malades; tout sociologue ou philosophe, ou même le bon sens, peut le constater; un jour, ils finiront par s’effondrer.
La crise et le malaise sont profonds. Cependant, à quel prix? Le changement, la paix, la justice ne tomberont pas du ciel.
Dans le golfe arabo-persique, il y a un risque de nouvelles guerres et des mesures de la première puissance pointent à l’horizon encore plus hégémoniques et arrogantes au détriment du monde arabe pris comme nouvel ennemi et épouvantail. Dans les territoires occupés on assiste impuissants à l’aggravation tragique des conditions de vie précaires des Palestiniens, sans aucune perspective. En Occident, malgré l’attachement à l’art et à la science, la spirale de l’accentuation de la marchandisation de la vie et du culte du veau d’or est effrayante, car elle se mondialise. De plus, les multiplications des actes xénophobes et islamophobes et les provocations théâtrales contre les musulmans risquent de déboucher sur l’innommable. Les quiproquos et les dialogues de sourds sont de plus en plus pathétiques entre les deux rives de la Méditerranée, au point où l’idée d’une Union parait illusoire et utopique. La gestion de dossiers pourtant sensibles comme celui de la présence musulmane en Occident et chrétienne en terre musulmane, que chacun enferme dans la victimisation instrumentalisée, est inefficiente. On pourrait continuer à énumérer la liste des échecs, des drames et des impasses du monde et de nos sociétés. Notre époque malgré ses acquis et progrès apparaît comme sombre, insaisissable et énigmatique, la désorientation est totale. L’Occident n’est pourtant pas une civilisation foncièrement mortifère. Et des potentialités, des ressources notamment humaines et des références fondatrices incomparables, existent dans le monde arabe pour faire face à tous les défis, menaces et provocations. Du rapport entre ces deux mondes qui sont imbriqués et liés, dépend l’avenir.
Cependant, le citoyen de la rive Sud est comme perdu face à la complexité de la situation et aux provocations de toutes sortes. Il faut savoir que l’ordre dominant mondial, tout comme les systèmes internes, sont malades; tout sociologue ou philosophe, ou même le bon sens, peut le constater; un jour, ils finiront par s’effondrer.
La crise et le malaise sont profonds. Cependant, à quel prix? Le changement, la paix, la justice ne tomberont pas du ciel.
Que faut-il faire ?
Que faut-il faire? Le mode d’emploi passe par le discernement et la prise de parole réfléchie. D’un côté, on donne absolument et entièrement raison à ceux qui, comme la plupart d’entre nous, essayent de dénoncer, de manière raisonnable, les agressions et les provocations externes et les contradictions internes, voire le choc des barbaries. Il y a de la provocation raciste, vulgaire, stupide et minable par exemple dans les caricatures du Prophète (Qsssl), le documentaire grossier, infantile et informe, hollandais, sur l’Islam et tous les discours néo-conservateurs ou néo-coloniaux qui pratiquent l’islamophobie et l’amalgame entre la religion et l’extrémisme. Expliquer à l’opinion publique internationale la nature et les visées des offenses subies, de manière raisonnée, est vital, car les réactions passionnées, violentes, aveugles et nihilistes ruinent la cause juste et donnent de l’eau au moulin des xénophobes. A un autre niveau, il y a des faits où on doit interpeller, avec mesure et justesse, comme au sujet, si décevant, sous prétexte de soutenir la liberté de conscience, du baptême solennel par Sa Sainteté le pape Benoît XVI lui-même, d’un musulman converti au christianisme, journaliste italien d’origine égyptienne, connu pour sa haine féroce et aveugle contre l’Islam.
D’un autre côté, la mécanique de l’ordre dominant mondial, tout en mettant en avant la sempiternelle liberté sans bornes ni limites, uniquement lorsqu’il s’agit de l’Islam, se met en place et se moque de savoir qui a tort et qui a raison, parce qu’elle ne s’intéresse nullement au fond des choses et à nos étonnements ou protestations légitimes et pacifiques.
La mécanique du désordre dominant, pour chaque cas, va orchestrer et exploiter la pièce habituelle: provocation, probable, réaction violente de milieux extrémistes, tentative de médiation et d’apaisement. Le tout, à ses yeux, forme un spectacle qui vise à diviser pour régner et à faire tomber dans le piège. C’est cela qui lui importe. Cela signifie qu’il faut énoncer de nouvelles idées, pratiquer l’autocritique et s’occuper de l’essentiel:
l’état décadent de nos sociétés et riposter, ou du moins préparer les futurs rapports de force en travaillant à responsabiliser, à changer la nature des régimes arabes, à éduquer les citoyens, à s’instruire et faire reculer les ignorances et les archaïsmes. En même temps renforcer et élargir les liens avec ceux de nos alliés occidentaux qui résistent aussi, à leur façon, aux injustices et aux dérives du désordre dominant.
Car, supposons qu’une compagnie théâtrale se voit soudain privée d’un des personnages principaux de la pièce qu’elle veut interpréter. Tout tombe à l’eau. On doit, de même, refuser d’être des acteurs marionnettes d’une pièce qui nous distribue le principal et mauvais rôle. En s’abstenant, on fait chuter le plan de la mécanique qui pratique l’amalgame et cherche à ridiculiser et humilier les peuples musulmans. On doit absolument discerner entre les actes qui interpellent et les provocations; et par là, ne pas contribuer à faire diversion aux vrais et grands problèmes politiques et éthiques. La démarche de l’abstention et du mépris est paradoxale, mais c’est la seule qui vaille, surtout que nombre d’actes islamophobes sont d’une nullité totale comme le documentaire du sinistre et néofasciste hollandais. Répondre par le silence, le mépris, le non-agir est, dans ces cas, la seule bonne réponse. La mécanique spectaculaire sur laquelle comptent les agressions de tous les bords s’en trouverait cassée. Par le passé, où il y a cinquante ans encore, la polémique signifiait quelque chose parce quelle était échange d’idées, même dure.
Maintenant, elle est diversion et folklore: tout en est changé.
On doit donc discerner. Par attachement à l’amitié et au vivre-ensemble, il y a des actes symboliques qui méritent des interrogations, des questions de confiance et des mises au point, tout en respectant le droit à la différence. Par exemple, comme on l’a signalé, l’absence de la Palestine comme invité d’honneur à l’instar d’Israël au Salon du livre de Paris, ou certains actes ou dires du pape, qui n’est pas un caricaturiste en mal de commercialité vulgaire ou un simple député xénophobe, il est le souverain pontife et ses actes ne sont pas anodins. Il contribue à la paix ou à la guerre dans le monde.
De plus, l’enjeu du dialogue interreligieux qui est majeur dans les relations internationales, on doit l’empêcher de s’enliser.
Le dialogue est fondé sur le bon sens pour être à la hauteur de ce que nos sources de vie exigent. Pour de nombreux croyants, chrétiens et musulmans, au vu de pratiques contradictoires qu’ils subissent, se pose la question de confiance: ne conçoit-on les relations qu’en termes, au mieux, de compétition et au pire, en termes de peur et d’affrontements? Ou bien veut-on vraiment, non pas favoriser les barrières, la polémique stérile, la confrontation, la fuite en avant, mais se placer sur le terrain des échanges, du dialogue franc et respectueux, voire la saine altercation pour assumer les difficultés, avec discernement et vigilance, faire reculer les discriminations, les préjugés et les violences visibles sous des formes flagrantes ou insidieuses au Nord comme au Sud et partant, contribuer à apprendre à tous à relever les défis de la confiance et du vivre-ensemble?
D’un autre côté, la mécanique de l’ordre dominant mondial, tout en mettant en avant la sempiternelle liberté sans bornes ni limites, uniquement lorsqu’il s’agit de l’Islam, se met en place et se moque de savoir qui a tort et qui a raison, parce qu’elle ne s’intéresse nullement au fond des choses et à nos étonnements ou protestations légitimes et pacifiques.
La mécanique du désordre dominant, pour chaque cas, va orchestrer et exploiter la pièce habituelle: provocation, probable, réaction violente de milieux extrémistes, tentative de médiation et d’apaisement. Le tout, à ses yeux, forme un spectacle qui vise à diviser pour régner et à faire tomber dans le piège. C’est cela qui lui importe. Cela signifie qu’il faut énoncer de nouvelles idées, pratiquer l’autocritique et s’occuper de l’essentiel:
l’état décadent de nos sociétés et riposter, ou du moins préparer les futurs rapports de force en travaillant à responsabiliser, à changer la nature des régimes arabes, à éduquer les citoyens, à s’instruire et faire reculer les ignorances et les archaïsmes. En même temps renforcer et élargir les liens avec ceux de nos alliés occidentaux qui résistent aussi, à leur façon, aux injustices et aux dérives du désordre dominant.
Car, supposons qu’une compagnie théâtrale se voit soudain privée d’un des personnages principaux de la pièce qu’elle veut interpréter. Tout tombe à l’eau. On doit, de même, refuser d’être des acteurs marionnettes d’une pièce qui nous distribue le principal et mauvais rôle. En s’abstenant, on fait chuter le plan de la mécanique qui pratique l’amalgame et cherche à ridiculiser et humilier les peuples musulmans. On doit absolument discerner entre les actes qui interpellent et les provocations; et par là, ne pas contribuer à faire diversion aux vrais et grands problèmes politiques et éthiques. La démarche de l’abstention et du mépris est paradoxale, mais c’est la seule qui vaille, surtout que nombre d’actes islamophobes sont d’une nullité totale comme le documentaire du sinistre et néofasciste hollandais. Répondre par le silence, le mépris, le non-agir est, dans ces cas, la seule bonne réponse. La mécanique spectaculaire sur laquelle comptent les agressions de tous les bords s’en trouverait cassée. Par le passé, où il y a cinquante ans encore, la polémique signifiait quelque chose parce quelle était échange d’idées, même dure.
Maintenant, elle est diversion et folklore: tout en est changé.
On doit donc discerner. Par attachement à l’amitié et au vivre-ensemble, il y a des actes symboliques qui méritent des interrogations, des questions de confiance et des mises au point, tout en respectant le droit à la différence. Par exemple, comme on l’a signalé, l’absence de la Palestine comme invité d’honneur à l’instar d’Israël au Salon du livre de Paris, ou certains actes ou dires du pape, qui n’est pas un caricaturiste en mal de commercialité vulgaire ou un simple député xénophobe, il est le souverain pontife et ses actes ne sont pas anodins. Il contribue à la paix ou à la guerre dans le monde.
De plus, l’enjeu du dialogue interreligieux qui est majeur dans les relations internationales, on doit l’empêcher de s’enliser.
Le dialogue est fondé sur le bon sens pour être à la hauteur de ce que nos sources de vie exigent. Pour de nombreux croyants, chrétiens et musulmans, au vu de pratiques contradictoires qu’ils subissent, se pose la question de confiance: ne conçoit-on les relations qu’en termes, au mieux, de compétition et au pire, en termes de peur et d’affrontements? Ou bien veut-on vraiment, non pas favoriser les barrières, la polémique stérile, la confrontation, la fuite en avant, mais se placer sur le terrain des échanges, du dialogue franc et respectueux, voire la saine altercation pour assumer les difficultés, avec discernement et vigilance, faire reculer les discriminations, les préjugés et les violences visibles sous des formes flagrantes ou insidieuses au Nord comme au Sud et partant, contribuer à apprendre à tous à relever les défis de la confiance et du vivre-ensemble?
La question de confiance
Des musulmans, des juifs, des chrétiens et des humanistes, la majorité silencieuse, savent qu’il n y a pas d’alternative à la démocratisation des relations internationales, à la coexistence; au commun qui nous précède et nous interpelle. Minée par la récession économique que certains cherchent à occulter, marquée par le recul du droit et des risques sans précédent de déshumanisation, notre époque est celle des réactions aveugles, instrumentalisées, réaction des dérives sectaires qui prolifèrent ainsi que de la folklorisation de la religion. Aucune communauté ne peut, à elle seule, rouvrir l’horizon et trouver le bon mode d’emploi pour juguler les agressions, les provocations et les diversions. Mais si nous savons être ensemble à l’écoute, il reste un avenir.
En conséquence: ne jamais tomber dans le piège de la provocation, par l’attitude réactionnelle précipitée. N’ayons pas peur de mépriser et ignorer les apprentis sorciers incultes qui provoquent.
Par contre, osons interpréter nos sources, selon la marche du temps, en continuant de dialoguer franchement avec nos partenaires incontournables, tous ceux qui assument des responsabilités morales, spirituelles, politiques ou scientifiques, et ont des points de vue différents des nôtres, en leur disant évidemment des vérités amères, en expliquant clairement et respectueusement pourquoi telle ou telle situation nous semble décevante, ambiguë ou inadmissible.
L’Emir Abdelkader, notre modèle, en 1832, disait que même si son propre frère fautait, il n’hésiterait pas à lui appliquer la loi de la transparence.
WWW.MUSTAPHA-CHERIF.COM
En conséquence: ne jamais tomber dans le piège de la provocation, par l’attitude réactionnelle précipitée. N’ayons pas peur de mépriser et ignorer les apprentis sorciers incultes qui provoquent.
Par contre, osons interpréter nos sources, selon la marche du temps, en continuant de dialoguer franchement avec nos partenaires incontournables, tous ceux qui assument des responsabilités morales, spirituelles, politiques ou scientifiques, et ont des points de vue différents des nôtres, en leur disant évidemment des vérités amères, en expliquant clairement et respectueusement pourquoi telle ou telle situation nous semble décevante, ambiguë ou inadmissible.
L’Emir Abdelkader, notre modèle, en 1832, disait que même si son propre frère fautait, il n’hésiterait pas à lui appliquer la loi de la transparence.
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