« Le discours de monsieur le président de la république a été plus nocif pour les musulmans que le post 11 septembre. » Phrases de Yamin Makri, du Collectif des Musulmans de France, qui sonnent comme un coup de poing, révélateur de la tension extrême qui existe en France et qui se cristallise autour de la question du voile. Ce 17 janvier, pendant que les uns manifestaient, quatre fédérations d’associations musulmanes, Jeunes Musulmans de France, Participation et Spiritualité Musulmane, le Collectif Des Musulmans de France et les Etudiants Musulmans de France se réunissaient à St Denis pour une journée qui se voulaient êtres les assises des libertés.
Vers l’union
Cette journée peut-être qualifiée d’historique au regard du symbole de l’union qu’elle a pu véhiculer. Unité et cohésion sont les maîtres-mots de cette rencontre.
Union des musulmans puisque pour la première fois ces quatre grandes associations se réunissent pour une même cause. Et union de ces associations musulmanes aux organisations laïques qui défendent les libertés.
Promotion d’un dialogue avec les partenaires laïques qui soutiennent les jeunes filles voilées qui se verraient exclure de l’école à cause de leur voile et plus généralement luttent contre les entorses faîtes à la Liberté. Se sont exprimés à la tribune lors de la plénière : Mouloud Aounit, président du MRAP, mouvement pour l’amitié entre les peuples, Alain Gresh, membre de la commission de travail « Islam et Laïcité » et rédacteur en chef du monde diplomatique, Hamida Bensadia du collectif féministe la Cedetim et Pierre Tevanian, professeur de philosophie au lycée de Drancy et initiateur du collectif les mots sont importants…
Autant d’acteurs de la société civile qui se sont exprimés contre le vote d’une loi qui irait à l’encontre des libertés fondamentales. Ils ont initié des actions telles que des pétitions : « oui à la laïcité, non à l’exclusion », « un voile sur les discriminations ». Le message fort était de relire cette loi au regard du contexte qui n’est autre qu’une crispation sécuritaire de la société française promue par le gouvernement et un silence sur les discriminations que peuvent subir les Français musulmans. Ces organisations ont aussi lancé un appel à ces associations musulmanes : « les musulmans doivent être membre des organisations laïques et ne doivent pas seulement avoir une vision extérieure » explique Alain Gresh.
Et Dounia Bouzar, co-auteur avec Saida Kada de « l’une voilée, l’autre pas », renchérit en rappelant la récupération culturelle qui avait été faîtes dans les années 80 de la marche pour l’égalité, qui était devenue la marche des beurs. «A l’époque on a promu le culturel et aujourd’hui le risque est de promouvoir le religieux au lieu de placer le débat sur le terrain des revendications sociales et politiques. Il faut mettre l’accent sur les discriminations, 'transversaliser' l’action. Nous sommes présents ici aujourd’hui en tant que citoyens. »
Hamza Riccardo, éditeur, apporta une touche européenne en rappelant le soutien des musulmans italiens aux musulmans de France. Des manifestations ont été organisées en Italie devant l’ambassade de France afin d’exprimer leur désaccord vis-à-vis de cette loi qui se prépare.
Manifester derrière le PMF ou pas
La polémique à propos de la manifestation n’a pas été occultée du débat. En effet, un certain nombre de participants ne comprenaient pas la date choisie qui coïncidait avec la manifestation organisée par le Parti des Musulmans de France. La réponse est claire et sans appel. La date même de la rencontre est une prise de position à l’encontre de la manifestation. « Nous nous opposons sur le fond et sur la forme. Car ce n’est pas une seule organisation musulmane qui peut appeler à une manifestation. Lorsque l’on a une ambition électoraliste, le temps c’est un problème, il faut faire vite. Nous, nous n’avons pas de problème de temps donc nous préférons le temps de la réflexion… La manifestation du PMF va dans le sens du discours de Chirac. Nous, nous avons une autre démarche. Mais bien sûr, nous faisons une différence entre le PMF et les manifestants qui venaient manifester contre la loi » explique Yamin Makri du collectif des musulmans de France.
Pour une mobilisation unitaire
Cette journée fut l’occasion de mobiliser une action unitaire des musulmans avec les organisations laïques qui se retrouvent au travers du collectif « école pour tous » qui comprend la ligue de l’enseignement, les féministes de la Cedetim, le Collectif des Musulmans de France, le MIB, mouvement immigration banlieue…
Un rassemblement est prévu le 4 février devant l’assemblée nationale au moment où les députés vont débattre du projet de loi. Un meeting national doit être organisé le 6 février. Et une manifestation nationale est envisagée le 14 février sans réelle connaissance de ses modalités pratiques.
En perspective, les associations musulmanes ont souscrit à la proposition d’Alain Gresh de créer un observatoire de l’islamophobie qui recenserait les discriminations à l’encontre des musulmans et ce que subissent particulièrement les femmes voilées. Observatoire qui serait couplé d’une instance juridique d’aide aux victimes.
Pour un véritable ancrage local
D’autre part, ce type de rencontre devrait se renouveler deux fois par an. Rencontre qui permettrait aux associations musulmanes de se retrouver afin de centraliser au niveau national les actions locales. En effet, la dimension locale était à l’honneur. Plus de 150 associations réunies, en provenance de toute la France : Lyon, Montpellier, Rouen, Limoges, Bordeaux, Lille…voire même d’Europe : Italie, Allemagne…
Cette rencontre fut l’occasion d’échanger les expèriences de chacun ainsi que ces contacts pour des partenariats à venir.