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Le droit positif face au droit de croire

Rédigé par Propos recueillis par Cheïkh TOURE | Mardi 19 Juillet 2005 à 00:50

Maître Chems-eddine Hafiz : "Notre idée première était de faire un livre plaidoyer contre l’islamophobie qui nous avait semblé préoccupante lors de l’affaire Houellebecq. J’avais écrit une cinquantaine de pages, et de son côté, mon confrère et ami, Gilles Devers, avait plus avancé sur le sujet. A la réflexion, il nous a semblé plus pertinent de concentrer notre effort sur le premier des droits fondamentaux : le droit de croire."



SaphirNet.info : Pourquoi un livre traitant du droit dans son rapport à la religion musulmane dans une république qui se veut laïque ?

Notre idée première était de faire un livre plaidoyer contre l’islamophobie qui nous avait semblé préoccupante lors de l’affaire Houellebecq. J’avais écrit une cinquantaine de pages, et de son côté, mon confrère et ami, Gilles Devers, avait plus avancé sur le sujet. A la réflexion, il nous a semblé plus pertinent de concentrer notre effort sur le premier des droits fondamentaux : le droit de croire. Pour rester dans cette problématique, nous avons voulu évoquer les questions touchant à la pratique musulmane en France et démontrer la complémentarité de l’Islam et la République de droit.

Le principe fondamental du droit de croire exige-t-il une telle démonstration ? Autrement dit, ne faut-il pas s’interroger sur l’accès du musulman à un tel droit ?

Ce livre n’est pas un cheminement d’intellectuel. Pour moi, il est nécessaire que les musulmans sachent leurs droits et obligations, et je voulais également que les non musulmans connaissent les devoirs et obligations des musulmans. Le musulman est ici, en France, en tant que fidèle musulman : quel est le droit applicable pour qu’il puisse pratiquer sa religion dans le cadre des lois républicaines ? Ce cadre concerne autant son lieu de culte, sa naissance, sa circoncision que sa scolarité, sa pratique dans la mosquée, son alimentation, son mariage, son enterrement, son carré musulman, son incarcération, son service militaire, son aumônerie…

Comment avez-vous abordé un tel chantier juridique qui tend à embrasser tous les recoins de la vie quotidienne du musulman de France ?

Il faut d’abord signaler l’absence navrante d’outils juridiques permettant d’aplanir les obstacles liés à cette entreprise. Il nous a fallu deux ans et demi de recherches, et pour l’écriture elle-même, bien des nuits blanches. Car il s’agit là d’une question très sensible qui exige beaucoup de recherches, et c’est la première fois que des juristes matérialisent les relations entre le droit positif et la religion musulmane. Qu’il s’agisse de la sphère privée ou publique, il y a des règles très précises qui régissent les rapports dans une cité que ne traitent pas toujours des travaux qui non seulement datent, mais aussi restent de portée plus générale : par exemple, le « Traité de droit français des religions ».

Concrètement, qu’attendez-vous de ce livre au regard de l’étendue des malentendus engendrés par la question islamique en France ?

Qu’une maison prestigieuse telle que Dalloz, la référence dans le monde juridique, ait voulu nous publier, c’est déjà un immense honneur pour de simples praticiens du droit comme nous. Cela nous a confortés dans la validité de notre projet. Sans fausse modestie aucune, c’est quand même une consécration pour nous. D’ailleurs, dès la présentation du livre à la presse, le 2 juin dernier, la direction de Dalloz avait annoncé un second tirage.

Tout cela ne répond pas à cette question : comment un juriste, soucieux d’établir la compatibilité entre l’islam et la république, peut-il justifier la création d’un scrutin cultuel et l’organisation d’une religion par un état laïque ?

Juridiquement, le CFCM est une association, régie par la loi 1901, qui est là pour représenter le culte musulman, et seulement le culte musulman. Il ne doit pas déborder de son cadre naturel : mettre à la disposition des pratiquants un lieu digne, propre, sécurisé pour que la mosquée soit un lieu de rencontre, organiser le pèlerinage, les cimetières…Le principe de la laïcité de l’Etat n’est pas en jeu ni compromis. Car l’Etat, par l’intermédiaire de son ministère chargé des cultes, a une très grande expérience des autres cultes : le Consistoire, la Fédération protestante. Dans cette organisation du culte musulman, il a été un témoin de bonne foi, certes vigilent mais surtout facilitateur.