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Le pape François aux Emirats : la révolution islamo-chrétienne

Rédigé par | Mercredi 6 Février 2019 à 09:00



Au cours de son voyage aux Emirats arabes unis, le pape François a signé, avec le grand imam d'Al-Azhar Ahmed Al-Tayyeb, une déclaration sur la fraternité humaine lundi 4 février. © CNS
Deux énormes troncs du vieux monde viennent de croiser leurs branches en leurs sommets. Oui, les deux plus hautes autorités spirituelles et religieuses de l’islam et du christianisme - dont les fidèles représentent ensemble plus d’un être humain sur deux - ont convergé autour d’un texte pointu, enthousiaste, visionnaire et un soupçon idéaliste.

La Déclaration universelle des droits humains était en 30 articles ; ce texte du Saint-Siège et de l’Université d’Al-Azhar, est en 33 alinéas, répartis en trois grandes parties regroupant 10 à 12 idées chacune. Un texte concis donc.

La première partie est une anaphore en « Au nom de… » énumérant les valeurs et les personnes au nom desquels les deux autorités s’expriment.

La deuxième partie est une autre anaphore en « Nous … » décrivant les postures et les convictions de chacun.

Enfin, la troisième partie est une liste de recommandations et de certifications, légèrement répétitives, instituant un agenda des priorités communes à accomplir à l’initiative de chrétiens et musulmans mais avec tous !

Le texte est véritablement une sorte de version spirituelle des 17 Objectifs du développement durable de l’ONU, les 17 ODD.

Une quantité absolument inédite de convergences et de priorités partagées

On imagine bien les plumes du pape et de l’imam d'Al-Azhar, discuter ensemble en arabe et en latin du choix de chacun des termes pour ne blesser personne et représenter fidèlement deux théologies enracinées respectivement sur 20 et 14 siècles d’études et de persévérance.

Ont-ils communiqué en anglais ou en français ? Seul l’histoire nous le dira. L’histoire, qui d’ailleurs nous rappelle que c’est il y a exactement 800 ans que le Sultan du Caire avait reçu Saint François d’Assise pour un échange dont les commentateurs de l’époque, disent qu’ils s’est soldé sur une sincère amitié spirituelle teintée d’un goût d’échec pour les velléités prosélytes de l’un et de l’autre. L’histoire nous rappelle aussi que le Vatican et Al-Azhar sortait d’une très longue période de défiance réciproque après un très grave faux pas du Pape Benoit XVI.

Ce texte est donc à beaucoup d’égard une parfaite révolution pastorale, religieuse, politique et géopolitique ! Au-delà de certaines punchlines comme la condamnation du – je cite - « danger des politiques de l’avidité effrénée basée sur la loi de la force et non la force de la loi », le texte ouvre la porte à quelques surprises et quelques critiques prévisibles.

Du côté de l’inattendu il consacre un alinéa aux droits des femmes, sans pour autant prononcer le mot égalité, évoquer de manière générale pour parler du genre humain. De manière plus tendue, les deux leaders convergent sur la condamnation de l’avortement dans une liste incluant le terrorisme, les génocides et le trafic d’organes. La phrase risque de faire mal à certaines.

Retenons quand même la très grande accumulation des condamnations totales, radicales et sans nuances de toutes les formes de violences, de terrorisme, et d’atteintes portées aux libertés individuelles et à la sécurité.

Le temps nous est compté mais ce texte est surtout un texte à lire tant il énumère une quantité absolument inédite de convergences et de priorités partagées entre l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud, l’islam et le christianisme.

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Samuel Grzybowski est entrepreneur social et militant associatif. Il est fondateur de Coexister… En savoir plus sur cet auteur