SaphirNews : La Journée-Hommage du Collectif Hamidullah est devenue un rendez-vous annuel; il s'étend désormais à d’autres personnalités connues.
Pariza Mat : Cela n’est pas vraiment une nouveauté dans notre démarche. Mais je comprends votre question parce qu’on peut croire que le Collectif Hamidullah ne s’intéresse qu’à l’œuvre du Pr Hamidullah. La réalité est que notre action est plus large. Car nous essayons d’attirer l’attention sur la nécessité de préserver ce qui relève du patrimoine de l’islam en Europe, d’une manière générale. Pour nous, Français, et pour les musulmans francophones, le Pr Hamidullah a beaucoup contribué à ce patrimoine intellectuel. Ce qui le place au cœur de notre centre d’intérêt. Mais nous ne pouvons limiter notre travail à la seule personnalité de Hamidullah, ce serait contraire à son exemple.
En fait, je voulais aussi souligner votre persistance dans cette activité...
Et vous avez raison. Je dirais que cela fait partie des enseignements que nous tirons de l’exemple de Hamidullah. Il a vécu en France pendant cinquante ans, seul, loin de sa famille. Et pendant tout ce temps, il a travaillé sans relâche à expliquer l’islam. Ses travaux, ses recherches, ses livres, sa traduction du Coran, les deux tomes de La Vie du Prophète et bien d’autres livres qu’il nous a laissés sont toujours d’actualité. Alors qu’il n’avait pas le soutien d’un éditeur, il n’avait même pas d’association capable de le soutenir dans ses actions... il faut dire aussi qu’il n’en voulait pas. Hamidullah est l’exemple même de la volonté et de la persistance dans une direction constructive. Cela dit, nous avons choisi le nom de Collectif Hamidullah comme un clin d’œil à une personne qui a consacré sa vie à expliquer l’islam dans notre pays. Mais j’insiste pour dire que nous nous intéressons à tout ce qui relève du patrimoine musulman en général.
Pour cette 5e édition de la Journée-Hommage, vous programmez Al-Afghani, Eberhardt, cheikh Abbas et Hamidullah... C’est plutôt éclectique !
C’est éclectique, comme vous dites, et c’est assez normal. C’est à l’image du patrimoine des musulmans d’Europe. Al-Afghânî et Hamidullah sont assez connus de ceux qui s’intéressent à la présence musulmane en Occident. Isabelle Eberhardt l’est un peu moins, pourtant elle est un exemple intéressant. Par contre si vous interrogez les musulmans de France sur cheikh Abbas Bencheikh, peu de gens pourront vous parler de lui. Or chacune de ces personnalités a contribué à poser les pierres de la relation Islam-Occident. Chacun à sa manière, bien sûr. Ils sont nombreux et nous n’avons pas à les discriminer. Chaque année, nous rappelons quelques-uns d’entre eux à notre souvenir, sans arrière-pensée autre que notre curiosité et notre responsabilité par rapport à un patrimoine commun qui est menacé par l’oubli.
La liste de vos intervenants ne manque pas d’intérêt non plus. Qu'est ce qui la motive ?
C’est un choix que nous avons fait dans l’esprit de la Journée. Il ne s’agit pas vraiment d’une rencontre scientifique conviant des chercheurs à venir exposer leurs thèses. Nous prévoyons une telle rencontre sous forme d’un colloque scientifique au printemps 2008, insha Allah. Mais le 15 décembre, il s’agit de rendre hommage et d’écouter des témoignages. Nous invitons des personnes qui peuvent témoigner ou qui peuvent nous faire méditer sur les personnes qui sont à l’honneur. Certains sont des parents, d’autres sont des disciples. Et quand cela n’est pas possible, nous invitons des personnes qui ont produit des travaux.
Sur un personnage comme Al-Afghâni...
Justement... il y a peu d’écrits en français sur Al-Afghânî. Tariq Ramadan est l’un des rares intellectuels francophones à s’être intéressé à lui. Nous l’avons invité à ce titre pour en parler. Nous aurons le plaisir d’accueillir également Mohamed Tahar Bensaada, qui a produit de nombreux écrits sur la pensée d’Al-Afghânî, mais aussi sur celles de Muhammad Abduh ou de Malek Bennabi – à qui le Collectif a d’ailleurs rendu hommage en 2005, en présence de sa fille, Rahma Bennabi.Quant à Isabelle Eberhardt, elle nous sera présentée par deux admirateurs et spécialistes. Ils sont auteurs de plusieurs ouvrages sur sa vie et son œuvre, ayant élaboré un minutieux travail de recherche et d’écriture. Il s’agit de Marie-Odile Delacour et de son époux Jean-René Huleu.
Vous avez aussi invité Ghaleb Bencheikh, Rachid Benaïssa.
Les registres sont différents. Nous rendons hommage au cheikh Abbas. Personnellement, j’ai découvert le nom de cheikh Abbas par un concours de circonstance. Cheikh Abbas fut recteur de la Grande Mosquée de Paris. Alors que j’avais 15 ans, je me promenais, avec mes parents et mes sœurs, au jardin des Plantes quand mon père nous emmena visiter la Grande Mosquée de Paris et y prier. À l’heure de ‘asr, on fit appel aux fidèles pour prier sur le Cheikh qui venait de décéder la veille. C’était en 1989. C’est une chance de pouvoir écouter Ghaleb Bencheikh parler de son père. Nous attendons beaucoup de cette rencontre. Il faut dire que l’an dernier nous avons invité Hani Ramadan pour parler de son père, Saïd Ramadan. Le résultat fut vraiment édifiant...
Hamidullah aussi était déjà à l'honneur l'an dernier.
Oui, mais nous sommes loin d'en avoir fait le tour. Nous avons la chance de compter sur Malika Dif, une élève de Hamidullah, mais qui a aussi été très active à la Grande Mosquée à l'époque du rectorat de cheikh Abbas. Quant à Rachid Benaïssa, il fait partie des intellectuels capables d’apporter un témoignage de première main sur le Pr Hamidullah. C’est une chance dont nous voulons faire profiter le public. Il est à la retraite mais il poursuit ses recherches actuellement en Asie ; nous espérons malgré tout pouvoir compter sur sa présence. De même nous comptons sur la présence du Pr Ihsan Süreyya Sirma qui est turc et francophone. Il fut un élève, un ami, un collègue de Hamidullah. L’an dernier, il a publié une partie de leur correspondance sous forme d’un livre très touchant comprenant 133 lettres originales et quelques télégrammes ! On y découvre un Hamidullah que nous ne connaissons pas en France. Le Collectif est vraiment fier de pouvoir accueillir le Pr Sirma à Paris pour témoigner sur Hamidullah.
Quel sera le thème de votre colloque scientifique au printemps prochain ?
Là, je vais vous décevoir parce qu’il est un peu trop tôt pour en parler. Nous travaillons à ce projet depuis plus de deux ans. Le concept est au point, il nous manque le financement. D’une part, il nous semble important de réunir des chercheurs en colloque autour de la question du patrimoine musulman de France, voire d’Europe. D’autre part, nous avons si peu de moyens propres que nous ne pouvons pas mener ce travail sans partenaires financiers. Et depuis deux ans, ce projet avance lentement, trop lentement. Il nous suffit aussi de quelques partenariats pour organiser le Centenaire de Hamidullah tout au long de l’année 2008 dans plusieurs pays du monde (NDR : Hamidullah est né le 19 février 1908). Nos démarches sont en cours. Quand le moment viendra, nous pourrons en parler. C’est promis.
Donc, rendez-vous en 2008, au Centenaire de Hamidullah ?
Oui, nous décrétons « 2008, année Hamidullah », insha Allah ! Pour l’heure, nous invitons le public à venir nombreux le samedi 15 décembre pour rendre hommage non seulement au Pr Hamidullah mais aussi à Isabelle Eberhardt, à cheikh Abbas Bencheikh et à Jamal ad-Dîn al-Afghânî. Cela se passera à Paris, au théâtre Adyar, dans le 7e arrondissement. Ces occasions sont aujourd’hui très importantes parce qu’elles sont rares. Le patrimoine des musulmans d’Occident est un chantier à l’abandon. C’est à un point tel que les jeunes pensent que les seuls exemples de musulmans célèbres sont des musulmans de jadis ou d’ailleurs. Pourtant, le monde occidental produit des personnalités musulmanes de poids et de renommée internationale. Il suffit de prendre le temps de méditer leurs exemples. C’est ce à quoi le Collectif Hamidullah participe.
Pour en savoir plus, voir le site du Collectif Hamidullah
Pariza Mat : Cela n’est pas vraiment une nouveauté dans notre démarche. Mais je comprends votre question parce qu’on peut croire que le Collectif Hamidullah ne s’intéresse qu’à l’œuvre du Pr Hamidullah. La réalité est que notre action est plus large. Car nous essayons d’attirer l’attention sur la nécessité de préserver ce qui relève du patrimoine de l’islam en Europe, d’une manière générale. Pour nous, Français, et pour les musulmans francophones, le Pr Hamidullah a beaucoup contribué à ce patrimoine intellectuel. Ce qui le place au cœur de notre centre d’intérêt. Mais nous ne pouvons limiter notre travail à la seule personnalité de Hamidullah, ce serait contraire à son exemple.
En fait, je voulais aussi souligner votre persistance dans cette activité...
Et vous avez raison. Je dirais que cela fait partie des enseignements que nous tirons de l’exemple de Hamidullah. Il a vécu en France pendant cinquante ans, seul, loin de sa famille. Et pendant tout ce temps, il a travaillé sans relâche à expliquer l’islam. Ses travaux, ses recherches, ses livres, sa traduction du Coran, les deux tomes de La Vie du Prophète et bien d’autres livres qu’il nous a laissés sont toujours d’actualité. Alors qu’il n’avait pas le soutien d’un éditeur, il n’avait même pas d’association capable de le soutenir dans ses actions... il faut dire aussi qu’il n’en voulait pas. Hamidullah est l’exemple même de la volonté et de la persistance dans une direction constructive. Cela dit, nous avons choisi le nom de Collectif Hamidullah comme un clin d’œil à une personne qui a consacré sa vie à expliquer l’islam dans notre pays. Mais j’insiste pour dire que nous nous intéressons à tout ce qui relève du patrimoine musulman en général.
Pour cette 5e édition de la Journée-Hommage, vous programmez Al-Afghani, Eberhardt, cheikh Abbas et Hamidullah... C’est plutôt éclectique !
C’est éclectique, comme vous dites, et c’est assez normal. C’est à l’image du patrimoine des musulmans d’Europe. Al-Afghânî et Hamidullah sont assez connus de ceux qui s’intéressent à la présence musulmane en Occident. Isabelle Eberhardt l’est un peu moins, pourtant elle est un exemple intéressant. Par contre si vous interrogez les musulmans de France sur cheikh Abbas Bencheikh, peu de gens pourront vous parler de lui. Or chacune de ces personnalités a contribué à poser les pierres de la relation Islam-Occident. Chacun à sa manière, bien sûr. Ils sont nombreux et nous n’avons pas à les discriminer. Chaque année, nous rappelons quelques-uns d’entre eux à notre souvenir, sans arrière-pensée autre que notre curiosité et notre responsabilité par rapport à un patrimoine commun qui est menacé par l’oubli.
La liste de vos intervenants ne manque pas d’intérêt non plus. Qu'est ce qui la motive ?
C’est un choix que nous avons fait dans l’esprit de la Journée. Il ne s’agit pas vraiment d’une rencontre scientifique conviant des chercheurs à venir exposer leurs thèses. Nous prévoyons une telle rencontre sous forme d’un colloque scientifique au printemps 2008, insha Allah. Mais le 15 décembre, il s’agit de rendre hommage et d’écouter des témoignages. Nous invitons des personnes qui peuvent témoigner ou qui peuvent nous faire méditer sur les personnes qui sont à l’honneur. Certains sont des parents, d’autres sont des disciples. Et quand cela n’est pas possible, nous invitons des personnes qui ont produit des travaux.
Sur un personnage comme Al-Afghâni...
Justement... il y a peu d’écrits en français sur Al-Afghânî. Tariq Ramadan est l’un des rares intellectuels francophones à s’être intéressé à lui. Nous l’avons invité à ce titre pour en parler. Nous aurons le plaisir d’accueillir également Mohamed Tahar Bensaada, qui a produit de nombreux écrits sur la pensée d’Al-Afghânî, mais aussi sur celles de Muhammad Abduh ou de Malek Bennabi – à qui le Collectif a d’ailleurs rendu hommage en 2005, en présence de sa fille, Rahma Bennabi.Quant à Isabelle Eberhardt, elle nous sera présentée par deux admirateurs et spécialistes. Ils sont auteurs de plusieurs ouvrages sur sa vie et son œuvre, ayant élaboré un minutieux travail de recherche et d’écriture. Il s’agit de Marie-Odile Delacour et de son époux Jean-René Huleu.
Vous avez aussi invité Ghaleb Bencheikh, Rachid Benaïssa.
Les registres sont différents. Nous rendons hommage au cheikh Abbas. Personnellement, j’ai découvert le nom de cheikh Abbas par un concours de circonstance. Cheikh Abbas fut recteur de la Grande Mosquée de Paris. Alors que j’avais 15 ans, je me promenais, avec mes parents et mes sœurs, au jardin des Plantes quand mon père nous emmena visiter la Grande Mosquée de Paris et y prier. À l’heure de ‘asr, on fit appel aux fidèles pour prier sur le Cheikh qui venait de décéder la veille. C’était en 1989. C’est une chance de pouvoir écouter Ghaleb Bencheikh parler de son père. Nous attendons beaucoup de cette rencontre. Il faut dire que l’an dernier nous avons invité Hani Ramadan pour parler de son père, Saïd Ramadan. Le résultat fut vraiment édifiant...
Hamidullah aussi était déjà à l'honneur l'an dernier.
Oui, mais nous sommes loin d'en avoir fait le tour. Nous avons la chance de compter sur Malika Dif, une élève de Hamidullah, mais qui a aussi été très active à la Grande Mosquée à l'époque du rectorat de cheikh Abbas. Quant à Rachid Benaïssa, il fait partie des intellectuels capables d’apporter un témoignage de première main sur le Pr Hamidullah. C’est une chance dont nous voulons faire profiter le public. Il est à la retraite mais il poursuit ses recherches actuellement en Asie ; nous espérons malgré tout pouvoir compter sur sa présence. De même nous comptons sur la présence du Pr Ihsan Süreyya Sirma qui est turc et francophone. Il fut un élève, un ami, un collègue de Hamidullah. L’an dernier, il a publié une partie de leur correspondance sous forme d’un livre très touchant comprenant 133 lettres originales et quelques télégrammes ! On y découvre un Hamidullah que nous ne connaissons pas en France. Le Collectif est vraiment fier de pouvoir accueillir le Pr Sirma à Paris pour témoigner sur Hamidullah.
Quel sera le thème de votre colloque scientifique au printemps prochain ?
Là, je vais vous décevoir parce qu’il est un peu trop tôt pour en parler. Nous travaillons à ce projet depuis plus de deux ans. Le concept est au point, il nous manque le financement. D’une part, il nous semble important de réunir des chercheurs en colloque autour de la question du patrimoine musulman de France, voire d’Europe. D’autre part, nous avons si peu de moyens propres que nous ne pouvons pas mener ce travail sans partenaires financiers. Et depuis deux ans, ce projet avance lentement, trop lentement. Il nous suffit aussi de quelques partenariats pour organiser le Centenaire de Hamidullah tout au long de l’année 2008 dans plusieurs pays du monde (NDR : Hamidullah est né le 19 février 1908). Nos démarches sont en cours. Quand le moment viendra, nous pourrons en parler. C’est promis.
Donc, rendez-vous en 2008, au Centenaire de Hamidullah ?
Oui, nous décrétons « 2008, année Hamidullah », insha Allah ! Pour l’heure, nous invitons le public à venir nombreux le samedi 15 décembre pour rendre hommage non seulement au Pr Hamidullah mais aussi à Isabelle Eberhardt, à cheikh Abbas Bencheikh et à Jamal ad-Dîn al-Afghânî. Cela se passera à Paris, au théâtre Adyar, dans le 7e arrondissement. Ces occasions sont aujourd’hui très importantes parce qu’elles sont rares. Le patrimoine des musulmans d’Occident est un chantier à l’abandon. C’est à un point tel que les jeunes pensent que les seuls exemples de musulmans célèbres sont des musulmans de jadis ou d’ailleurs. Pourtant, le monde occidental produit des personnalités musulmanes de poids et de renommée internationale. Il suffit de prendre le temps de méditer leurs exemples. C’est ce à quoi le Collectif Hamidullah participe.
Pour en savoir plus, voir le site du Collectif Hamidullah