« Je suis un homme de paix et de réconciliation », avait déclaré le P. Maurice Borrmans, au cours d’une interview accordée à Saphirnews en mai 2016. L’islamologue, professeur émérite au PISAI (Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie) et ancien consulteur auprès du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux à Rome, est décédé le 26 décembre 2017.
Il est des belles personnes, à la richesse intérieure incroyable, que l’on ne rencontre qu’une seule fois et que l’on regrette de ne les avoir pas connues plus tôt et de façon plus rapprochée. Le père Maurice Borrmans, l’une des plus grandes figures françaises du dialogue islamo-chrétien, s’est éteint à l’âge de 92 ans, le 26 décembre 2017, à midi, à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne).
Nous l’avions rencontré en 2016, à l’occasion d’un colloque sur le dialogue intramusulman, le dialogue interreligieux et le dialogue social organisé par la Grande Mosquée de Lyon et l’Institut français de civilisation musulmane et au cours duquel Saphirnews animait une table ronde.
Au moment de la pause de midi, alors que la salle se vidait de ses conférenciers et de son public, un vieil homme à la silhouette longiligne se promenait entre les rangs des chaises, les yeux levés vers les mosaïques du lieu de culte, attendant sagement que le colloque reprenne l’après-midi. Nous savions que le père Maurice Borrmans avait pris sa retraite à Lyon mais n’avions pas ses coordonnées pour le contacter. Nous l’avons immédiatement reconnu car, durant l’année 2008 qui célébrait le centenaire du Pr Muhammad Hamidullah il avait honoré de sa présence un colloque sur le dialogue interreligieux organisé par le collectif Hamidullah.
Nous avons papoté et ri ensemble comme deux amis qui se retrouvaient sans nous être pourtant jamais vus auparavant, il nous a accordé une interview vidéo prise sur le vif, qui fait peut-être partie des rares images récentes qui nous restent de lui.
Nous l’avions rencontré en 2016, à l’occasion d’un colloque sur le dialogue intramusulman, le dialogue interreligieux et le dialogue social organisé par la Grande Mosquée de Lyon et l’Institut français de civilisation musulmane et au cours duquel Saphirnews animait une table ronde.
Au moment de la pause de midi, alors que la salle se vidait de ses conférenciers et de son public, un vieil homme à la silhouette longiligne se promenait entre les rangs des chaises, les yeux levés vers les mosaïques du lieu de culte, attendant sagement que le colloque reprenne l’après-midi. Nous savions que le père Maurice Borrmans avait pris sa retraite à Lyon mais n’avions pas ses coordonnées pour le contacter. Nous l’avons immédiatement reconnu car, durant l’année 2008 qui célébrait le centenaire du Pr Muhammad Hamidullah il avait honoré de sa présence un colloque sur le dialogue interreligieux organisé par le collectif Hamidullah.
Nous avons papoté et ri ensemble comme deux amis qui se retrouvaient sans nous être pourtant jamais vus auparavant, il nous a accordé une interview vidéo prise sur le vif, qui fait peut-être partie des rares images récentes qui nous restent de lui.
« Je suis un homme de paix et de réconciliation »
Né le 22 octobre 1925 à Lille, Maurice Borrmans étudie la théologie à Lille, puis en Algérie et en Tunisie, intégrant la congrégation des missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) en 1945. Le 1er février 1949, il est ordonné prêtre en Tunisie.
Le P. Maurice Borrmans, lors de sa conférence « Al-Ghazâlî est-il un maitre spirituel ? Et pour qui ? », qu’il donne le 4 mai 2017, à la Grande Mosquée de Lyon. (photo © GML)
« Après des études d’arabe à Tunis puis des études de philosophie et de civilisations à Alger, je suis devenu professeur. J’ai fait une thèse de doctorat à La Sorbonne, à Paris, sur le statut personnel musulman de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc », raconte-t-il au cours de l’interview accordée à Saphirnews. En octobre 1954, il enseigne à à l’Institut des belles-lettres arabes (IBLA) de Tunis ; celui-ci est transféré à Rome sous le nom de PISAI (Pontificio Istituto di Studi Arabi e d’Islamistica, Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie).
C’est en 1971 qu’il obtient un doctorat en lettres, à l’université Paris-Sorbonne, avec la publication de deux thèses : Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 à nos jours (Paris, Mouton, 1977) et Documents sur la famille au Maghreb de 1940 à nos jours (Rome, Institut pontifical oriental, 1979), qui analysent le devenir du droit familial avant, pendant et après les indépendances.
« Pendant 40 ans, j’ai enseigné à Rome à des chrétiens, à des prêtres religieux et à des laïcs la langue arabe, l’islamologie et l’histoire des rapports entre chrétiens et musulmans dans le monde », nous raconte le professeur du PISAI.
« Je suis un homme de paix et de réconciliation ! », s’exclame-t-il. « J’ai été consulteur, c’est-à-dire conseiller auprès du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux pendant une quinzaine d’années. » C’est ainsi que « j’ai été traducteur pour le pape Jean Paul II quand il a accueilli l’un de ses visiteurs : le grand mufti du Yémen », nous confie-t-il.
Au cours de sa carrière « très souvent invité à des colloques islamo-chrétiens » à travers le monde (Tripoli, Beyrouth, Amman, Cordoue, Istanbul, Alger, Athène, Rome, Paris…), il continuera à intervenir régulièrement après sa retraite prise en 2004. Le 4 mai 2017, il donnait encore une conférence intitulée « Al-Ghazâlî est-il un maitre spirituel ? Et pour qui ? » à la Grande Mosquée de Lyon.
C’est en 1971 qu’il obtient un doctorat en lettres, à l’université Paris-Sorbonne, avec la publication de deux thèses : Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 à nos jours (Paris, Mouton, 1977) et Documents sur la famille au Maghreb de 1940 à nos jours (Rome, Institut pontifical oriental, 1979), qui analysent le devenir du droit familial avant, pendant et après les indépendances.
« Pendant 40 ans, j’ai enseigné à Rome à des chrétiens, à des prêtres religieux et à des laïcs la langue arabe, l’islamologie et l’histoire des rapports entre chrétiens et musulmans dans le monde », nous raconte le professeur du PISAI.
« Je suis un homme de paix et de réconciliation ! », s’exclame-t-il. « J’ai été consulteur, c’est-à-dire conseiller auprès du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux pendant une quinzaine d’années. » C’est ainsi que « j’ai été traducteur pour le pape Jean Paul II quand il a accueilli l’un de ses visiteurs : le grand mufti du Yémen », nous confie-t-il.
Au cours de sa carrière « très souvent invité à des colloques islamo-chrétiens » à travers le monde (Tripoli, Beyrouth, Amman, Cordoue, Istanbul, Alger, Athène, Rome, Paris…), il continuera à intervenir régulièrement après sa retraite prise en 2004. Le 4 mai 2017, il donnait encore une conférence intitulée « Al-Ghazâlî est-il un maitre spirituel ? Et pour qui ? » à la Grande Mosquée de Lyon.
Un islamologue en retraite très active
En 1975, il crée la revue scientifique annuelle Islamochristiana, publiée en trois langues (français, anglais, arabe), qu’il dirige jusqu’en 2004. Il continuera de publier dans la revue jusqu’en 2016.
En 2009, dans son article consacré à « Louis Massignon, Muhammad Hamidullah et sa traduction française du Coran », il publie la correspondance que l’islamologue Louis Massignon et le Pr Hamidullah ont entretenue pendant une trentaine d’années.
En 2009, dans son article consacré à « Louis Massignon, Muhammad Hamidullah et sa traduction française du Coran », il publie la correspondance que l’islamologue Louis Massignon et le Pr Hamidullah ont entretenue pendant une trentaine d’années.
« Chrétiens et musulmans : ressemblances et diversité » est un des derniers ouvrages que Maurice Borrmans a fait paraitre (Éd. Médiaspaul, 2015).
Dans « In memoriam Mohammed Arkoun », en 2010, il rend hommage à l’historien et islamologue disparu cette année-là, avec qui il avait coécrit, avec Mario Aroso également, l’ouvrage L’Islam, religion et société (Éd. Du Cerf, 1982).
En 2013, il publie « Morale musulmane, déontologie islamique, sharî‘a en situations. Ou quand la nécessité fait loi », dans lequel il analyse le processus de production d’avis juridiques et théologiques, notamment du Conseil Européen de la fatwâ et de la recherche, et s’interroge sur « les grandes lignes de l’argumentation des muftis les plus conservateurs et du raisonnement des plus libéraux d’entre eux dans l’élaboration de leurs fatwas ». L’enjeu, souligne le P. Borrmans, étant de construire « un vivre-ensemble harmonieux des communautés musulmanes avec les autres en des sociétés désormais pluralistes (surtout en Europe et en Amérique) ».
En excellent islamologue qui a bourlingué depuis plus de 60 ans dans le dialogue interreligieux et parfait arabophone, il établit une analyse de contenu de la « Lettre des 138 » intellectuels et dignitaires religieux musulmans adressée au pape Benoît XVI ainsi qu’aux chefs de différentes Églises chrétiennes. Pour Maurice Borrmans, « les signataires de la Lettre ont ainsi voulu relire les meilleurs textes du Coran et de la Sunna à la lumière du double commandement de l’amour de Dieu et du prochain qui est au cœur de la croyance juive et de la foi chrétienne ». Cette Lettre « aux accents inattendus » est, selon l’islamologue français, « comme l’aube d’une étape nouvelle dans le dialogue islamo-chrétien, qui permettrait aux partenaires de discuter enfin des problèmes les plus fondamentaux qui les distinguent, les divisent ou les opposent, en vue d’œuvrer ensemble pour l’application concrète de ces droits de l’homme, définis en 1948, qui correspondent tant aux exigences du droit naturel cher aux chrétiens qu’aux principes de la sharî‘a que privilégient les musulmans, même si leurs anthropologies et leurs théologies les justifient diversement ».
En 2013, il publie « Morale musulmane, déontologie islamique, sharî‘a en situations. Ou quand la nécessité fait loi », dans lequel il analyse le processus de production d’avis juridiques et théologiques, notamment du Conseil Européen de la fatwâ et de la recherche, et s’interroge sur « les grandes lignes de l’argumentation des muftis les plus conservateurs et du raisonnement des plus libéraux d’entre eux dans l’élaboration de leurs fatwas ». L’enjeu, souligne le P. Borrmans, étant de construire « un vivre-ensemble harmonieux des communautés musulmanes avec les autres en des sociétés désormais pluralistes (surtout en Europe et en Amérique) ».
En excellent islamologue qui a bourlingué depuis plus de 60 ans dans le dialogue interreligieux et parfait arabophone, il établit une analyse de contenu de la « Lettre des 138 » intellectuels et dignitaires religieux musulmans adressée au pape Benoît XVI ainsi qu’aux chefs de différentes Églises chrétiennes. Pour Maurice Borrmans, « les signataires de la Lettre ont ainsi voulu relire les meilleurs textes du Coran et de la Sunna à la lumière du double commandement de l’amour de Dieu et du prochain qui est au cœur de la croyance juive et de la foi chrétienne ». Cette Lettre « aux accents inattendus » est, selon l’islamologue français, « comme l’aube d’une étape nouvelle dans le dialogue islamo-chrétien, qui permettrait aux partenaires de discuter enfin des problèmes les plus fondamentaux qui les distinguent, les divisent ou les opposent, en vue d’œuvrer ensemble pour l’application concrète de ces droits de l’homme, définis en 1948, qui correspondent tant aux exigences du droit naturel cher aux chrétiens qu’aux principes de la sharî‘a que privilégient les musulmans, même si leurs anthropologies et leurs théologies les justifient diversement ».
Un auteur prolifique, jusque dans ses dernières années de sa vie
Décoré de l’Ordre national du mérite le 16 novembre 1990, le P. Maurice Borrmans reçoit le titre de docteur honoris causa de l’Université pontificale urbanienne de Rome le 27 octobre 2015.
On compte à son actif plus d’une douzaine d’ouvrages, parmi lesquels Jésus-Christ et les musulmans d’aujourd’hui (1996, rééd. Desclée 2005) ; Prophètes du dialogue islamo-chrétien, Louis Massignon, Jean-Mohammed Abd-el-Jalil, Louis Gardet, Georges C. Anawati (Éd. Du Cerf, 2009) ; Dialoguer avec les musulmans. Une cause perdue ou une cause à gagner ? (Éd. Pierre Téqui, 2011).
On compte à son actif plus d’une douzaine d’ouvrages, parmi lesquels Jésus-Christ et les musulmans d’aujourd’hui (1996, rééd. Desclée 2005) ; Prophètes du dialogue islamo-chrétien, Louis Massignon, Jean-Mohammed Abd-el-Jalil, Louis Gardet, Georges C. Anawati (Éd. Du Cerf, 2009) ; Dialoguer avec les musulmans. Une cause perdue ou une cause à gagner ? (Éd. Pierre Téqui, 2011).
Le texte « Prier 15 jours avec Louis Massignon, islamologue » du P. Maurice Borrmans est paru en mai 2016.
S’inscrivant dans la pensée de l’islamologue catholique Louis Massignon (1883-1962), il a consacré ses derniers écrits à cet orientaliste spécialiste du soufisme, avec, notamment, l’ouvrage Louis Massignon et le comité chrétien d’entente France-Islam (coécrit avec André de Peretti, Éd. Karthala, 2014) et le numéro spécial Prier 15 jours avec Louis Massignon, islamologue (Nouvelle cité, n° 187, mai 2016).
À 92 ans, il avait encore « deux projets d’édition que nous avions en commun », témoigne Jean-Marc Aveline, évêque auxiliaire de Marseille et président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux au sein de la Conférence des évêques de France. « Ce missionnaire dans l’âme, aussi à l’aise en français qu’en arabe, était passionné de rencontres et de dialogues », écrit Jean-Marc Aveline dans son communiqué faisant part du décès de son ami. « Son œuvre immense nous laisse un précieux héritage qu’il importe à mes yeux de recueillir non seulement pour mieux comprendre l’islam et entrer en dialogue avec les musulmans, mais aussi pour mieux exprimer l’originalité de la foi chrétienne à l’aide de ses deux poumons d’Orient et d’Occident ».
Les obsèques du P. Maurice Borrmans auront lieu en l’église paroissiale de Bry-sur-Marne, mardi 2 janvier 2018, à 14 h 30.
À 92 ans, il avait encore « deux projets d’édition que nous avions en commun », témoigne Jean-Marc Aveline, évêque auxiliaire de Marseille et président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux au sein de la Conférence des évêques de France. « Ce missionnaire dans l’âme, aussi à l’aise en français qu’en arabe, était passionné de rencontres et de dialogues », écrit Jean-Marc Aveline dans son communiqué faisant part du décès de son ami. « Son œuvre immense nous laisse un précieux héritage qu’il importe à mes yeux de recueillir non seulement pour mieux comprendre l’islam et entrer en dialogue avec les musulmans, mais aussi pour mieux exprimer l’originalité de la foi chrétienne à l’aide de ses deux poumons d’Orient et d’Occident ».
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