Saphirnews : Quel est votre parcours ?
Mabrouck Rachedi : Issu d’un milieu modeste, je viens d’une famille nombreuse de onze enfants. J’écris depuis que je suis adolescent mais j’ai commencé à écrire mon premier roman il y a environ cinq six ans. Avant, j’étais analyste financier dans une société de bourse où j’ai couru après ce qui m’avait manqué durant ma jeunesse, la richesse matérielle. Mais une fois sur son chemin, je me suis dit que la passion en moi depuis mon adolescence c’était l’écriture. J’ai préféré poursuivre ce rêve là, plutôt que d’être dans les rails du « succès social ». J’ai toujours vécu, et je vis toujours en banlieue parisienne. Mon parcours est riche de plein de belles rencontres humaines et pleins d’évènements que je n’aurai pas vécu si j’étais resté analyste financier.
Pouvez-vous nous présenter « Le petit Malik » ?
Mabrouck Rachedi : C’est la chronique de la vie ordinaire d’un jeune homme de cinq à vingt six ans. Il n’y a rien de spectaculaire, je ne voulais pas faire le énième livre sur la violence en banlieue ou sur la misère bien que ce livre contienne un côté « âpre ». Il y a cet aspect quotidien, que moi-même je peux vivre dans ma banlieue. Malik est dans sa bande de copains, avec Salomon qui fait tout pour s’en sortir, et Abdou qui s’enfonce dans l’apathie. Entre les deux, il y a Malik qui zigzague. Chaque chapitre représente une année de sa vie, avec une illustration d'Eldiablo à chaque fois. Il y a des passages tantôt anecdotiques, tantôt drôles, toujours un peu tendres, et toujours chargés de sens. Il apprend toujours au cours des années. A la fin, plutôt que d’avoir toutes les réponses à toutes ses questions, il se pose enfin les bonnes questions. Cette fin du Petit Malik, c’est aussi un début. Je n’ai pas voulu donner un livre avec mes réponses clés en main. Je ne suis pas un diseur de vérités mais un passeur d’émotions.
Comment l’histoire a-t-elle germée dans votre esprit ?
Mabrouck Rachedi : J’avais écrit un premier roman, Le poids d’une âme chez Lattès. Je l’avais écrit avant les émeutes de 2005 en banlieue et dans ce roman je décrivais l’escalade précédant celles-ci. Ce roman est paru après, en 2006. J’étais assez content de ce roman mais je voudrais montrer l’autre versant. Il y a un mécanisme de violence qui existe mais cette fois je voulais m’intéresser plus aux personnages qu’à la trame narrative. Cette idée de petit Malik est peut-être née « en réaction » au premier roman. Il s'agissait de faire un livre différent sur le même milieu pour montrer aussi qu’il existe ces parcours ordinaires. Pour avoir de la matière à écrire, on s’inspire de la réalité. Ma vie en banlieue m’inspire tous les jours et m’a inspiré pour ce livre là.
Les histoires de vos deux romans se situent en banlieue, pourquoi ?
Couverture du livre (Dessinateur : Eldiablo)
Mabrouck Rachedi : Les deux sont complémentaires. Tout d’abord, parce que j’y vis. C’est peut-être la solution de facilité. Ce sont mes deux premiers romans, je me suis peut-être raccroché à ce que je connaissais le mieux. A l’époque du Poids d’une âme, on ne parlait quasiment plus de cet univers urbain. C’était quelque part un espèce de cri pour dire que ça existe : on est là. Et pour le petit Malik : on est là, mais on n’est pas ces caricatures montrées parfois dans les médias qui nous présentent comme des brutes ou encore comme des barbares. On a notre quotidien, regardez-le et moi, je vais vous montrer que des histoires ne se terminant pas forcément par des voitures qui flambent existent.
Aujourd’hui, on parle souvent de la banlieue que dans le côté spectaculaire. Il existe une autre face beaucoup plus humaine, beaucoup plus tendre de cet environnement urbain. Et aussi parce que j’avais une histoire que je trouvais intéressante.
Aujourd’hui, on parle souvent de la banlieue que dans le côté spectaculaire. Il existe une autre face beaucoup plus humaine, beaucoup plus tendre de cet environnement urbain. Et aussi parce que j’avais une histoire que je trouvais intéressante.
Cet ouvrage a-t-il un rôle sociologique à jouer ?
Mabrouck Rachedi : Non. Si je voulais vraiment faire un traité sociologique, j’aurai écrit un essai. C’est vraiment un roman. Je laisse la sociologie aux sociologues. Les plus beaux compliments que l’on me fait sur Le Petit Malik et sur les autres livres viennent de gens de tous les horizons qui me disent qu’ils ont été touchés par les personnages. On peut facilement s’identifier à la réaction de tel ou tel personnage. J’ai aussi reçu des messages de lecteurs habitant Neuilly, milieu pas forcément très défavorisé, me disant que ce livre les avait touchés. Cet éventail de réactions, de tous les milieux, de tous les âges, c’est quelque chose qui touche à l’universalisme de la littérature. Je ne m’adresse pas à un public en particulier, j’essaie de toucher tout le monde.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le prix littéraire des lecteurs de banlieue ?
Mabrouck Rachedi : C’est encore au stade de projet. L’idée est de proposer dix livres - présélectionnés par des libraires indépendants et implantés dans des quartiers populaires- dans trente banlieues populaires dans toute la France. Ces dix livres circuleraient dans des comités de lecture, situés dans des bibliothèques municipales, dans des librairies, dans des écoles, des maisons de quartier… Tout ça pour que, pendant six mois, les livres circulent, qu’ils y aient des échanges autour, entre les quartiers, entre les générations. A la fin, un prix sanctionnera le vote des gens des comités de lecture et des gens des quartiers populaires. Il y aura un lauréat du prix littéraire des lecteurs de banlieue. Toutes les générations seront concernées.
Je souhaite que les gens se rencontrent et parlent autour du livre, que celui-ci puisse être un enrichissement en soi et aussi un vecteur de lien social. L’idée n’est pas de faire un prix de littérature de banlieue pour les gens qui habitent en banlieue, ce serait vraiment ghettoïsant. C’est un prix de littérature général. Le premier livre qui m’ait vraiment donné envie d’écrire, c’est Le Père Goriot de Balzac, qui n’avait rien à voir, ni dans le temps, ni dans le lieu, avec ce que je vivais. C’est là où pour moi le livre prend toute sa dimension universelle. Et je ne voudrais pas reproduire pour les autres l’exact inverse de ce que j’imagine être la littérature. Le lancement devrait se faire, je l’espère, à l’automne prochain.
*Mabrouck Rachedi est également titulaire d'un DEA Analyse économique, modélisation et méthodes quantitatives.
Le petit Malik Editions Jean-Claude Lattès, 16 €.
Je souhaite que les gens se rencontrent et parlent autour du livre, que celui-ci puisse être un enrichissement en soi et aussi un vecteur de lien social. L’idée n’est pas de faire un prix de littérature de banlieue pour les gens qui habitent en banlieue, ce serait vraiment ghettoïsant. C’est un prix de littérature général. Le premier livre qui m’ait vraiment donné envie d’écrire, c’est Le Père Goriot de Balzac, qui n’avait rien à voir, ni dans le temps, ni dans le lieu, avec ce que je vivais. C’est là où pour moi le livre prend toute sa dimension universelle. Et je ne voudrais pas reproduire pour les autres l’exact inverse de ce que j’imagine être la littérature. Le lancement devrait se faire, je l’espère, à l’automne prochain.
*Mabrouck Rachedi est également titulaire d'un DEA Analyse économique, modélisation et méthodes quantitatives.
Le petit Malik Editions Jean-Claude Lattès, 16 €.