Société

Le port du voile anéantit « plus de 80 % » des chances d'accès à l'apprentissage, ce que dit une étude inédite

Rédigé par | Jeudi 12 Décembre 2024 à 13:25

Une nouvelle étude de Observatoire national des discriminations et de l’égalité dans le Supérieur (Ondes) révèle que le port du voile « diminue de plus de 80 % les chances d’obtenir une réponse positive à une candidature spontanée pour un contrat d’apprentissage ».



L’Observatoire national des discriminations et de l’égalité dans le Supérieur (Ondes), un lieu de recherche porté par l’Université Gustave Eiffel, en région parisienne, a rendu public lundi 9 décembre une étude inédite prenant « la mesure des pénalités associées au port d’un voile musulman sur le marché du travail français ».

Cette étude, sur la base du « test par correspondance » consistant à proposer aux recruteurs deux candidatures fictives semblables en tous points à l’exception d’une caractéristique dont on veut mesurer l’effet, a été lancée en mars 2024. Des paires de candidates fictives, aléatoirement voilées et non voilées sur la photographie d’identité figurant sur leur CV, ont ainsi candidaté à des postes d’apprentie comptable auprès d’un échantillon aléatoire de 2 000 PME parisiennes de tous secteurs d’activité. « Deux candidates signalent une origine française par la consonance de leur prénom et de leur nom de famille tandis que deux autres candidates signalent une origine maghrébine, ce qui permet d’observer une éventuelle différence dans l’effet du port du voile en fonction de l’origine », précisent les auteurs du rapport.

Dans ses conclusions, l’étude met en évidence « l’absence de discrimination selon l’origine pour des élèves de BTS en comptabilité et gestion recherchant un contrat d’apprentissage à Paris ». En revanche, le port du voile « augmente de 25 % la part des réponses négatives, diminue de plus de 30 % la part des réponses non négatives et abaisse de plus de 80 % les chances de recevoir une réponse positive » à une candidature spontanée pour un contrat d’apprentissage. Des « effets massifs » qui, selon les chercheurs, sont « cohérents avec les résultats des études réalisées dans d’autres pays européens qui ont utilisé la méthode du test par correspondance pour évaluer les effets d’un signal fort de religion tel que le port du voile musulman ».

Une pénalité du « même ordre de grandeur » pour des candidates voilées d’origine française ou maghrébine

La mesure ayant été faite à la fois pour des candidates d’origine maghrébine et d’origine française, « le résultat est que la pénalité associée au port du foulard est du même ordre de grandeur pour la candidate d’origine française et pour celle originaire d’Afrique du Nord, quel que soit l’indicateur considéré (taux de réponse négative, non négative et positive) », ce qui montre qu’« une pénalité associée à un signal fort de religion peut exister indépendamment de toute pénalité liée à l’origine et qu’elle peut affecter dans les mêmes termes les candidats à l’emploi, quelle que soit leur origine ».

« Il y a donc un intérêt spécifique à explorer l’état des discriminations dans l’accès à l’alternance » car l’apprentissage est « l’une des principales voies d’accès vers l’emploi pour les nouvelles générations de jeunes sortants du système éducatif », expliquent les chercheurs, qui présentent l’étude comme « originale par les critères de discrimination testés, l’origine, la religion et leurs croisements, et par le domaine considéré, celui de l’accès à un contrat d’apprentissage ».

De fait, il n’existe encore que de rares études académiques en Europe mesurant l’impact du port du voile pour les femmes musulmanes dans divers domaines dont l’accès au marché du travail ; un contraste « net entre ce faible nombre d’études et la forte présence du voile dans les débats publics et juridiques », signale le rapport Il appuie ainsi les observations faites depuis bien longtemps par les premières concernées sur leur manque certain d'inclusion socioprofessionnelle en France alors même que le port du voile n’est pas interdit dans le secteur privé, rappellent les chercheurs, « sauf lorsqu’un règlement intérieur stipule explicitement la nécessaire absence de signes extérieurs de convictions religieuses ».

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur