Sur le vif

Le rôle d'un Arabe doit-il être tenu par un comédien arabe?

Rédigé par Laila Elmaaddi | Mercredi 30 Mai 2007 à 09:12



Le rôle d'un Arabe doit-il être tenu par un comédien arabe? Le débat a opposé mardi devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris la Comédie-Française au frère et ayant-droit de Bernard-Marie Koltès à propos de la distribution de la pièce "Le retour au désert".

L'oeuvre, qui marquait l'entrée du dramaturge mort en 1989 au répertoire du premier théâtre de France, a été jouée depuis février trente fois avant d'être retirée de l'affiche à la demande du frère de Bernard-Marie Koltès.

François Koltès reprochait au metteur en scène, Muriel Mayette, administrateur général de la Comédie-Française, de ne pas faire interpréter le rôle du personnage d'Aziz par un comédien arabe, contrairement à la volonté de son frère.

La Comédie-Française a assigné M. Koltès mardi devant la justice en demandant de pouvoir reprendre les représentations de la pièce la saison prochaine, comme cela était prévu. Elle a réclamé des dommages et intérêts d'un montant total de près de 200.000 euros pour "préjudice matériel et moral".

Son avocat, Me Christian Charrière-Bournazel, a dénoncé la "prétention tout à fait étonnante" de François Koltès "d'exiger que les acteurs soient choisis en fonction de la couleur de leur peau".

En présence de Mme Mayette et du sociétaire Michel Favory, qui interprète Aziz, l'avocat de la Maison de Molière a affirmé que Bernard-Marie Koltès "n'a jamais demandé qu'Aziz soit joué par un Arabe".

"Michel Favory n'est pas algérien, il serait indigne de jouer le rôle d'Aziz alors qu'il parle arabe!", s'est ému Me Charrière-Bournazel, qui a fustigé le "racisme à l'envers" de la partie adverse.

Au nom du frère de l'auteur, Me Christophe Pascal a rétorqué que "les intentions de Bernard-Marie Koltès étaient parfaitement claires", rappelant un de ses écrits: "on ne joue pas plus une race qu'un sexe".

Accumulant les citations, l'avocat a fait référence à une prise de position de Bernard-Marie Koltès à propos de la mise en scène de sa pièce à Hambourg (Allemagne), où il souhaitait que "les rôles d'Arabe soient joués soit par des Arabes, soit par des Turcs soit par des Pakistanais".

"Bernard-Marie Koltès voulait expressément confier le rôle d'Aziz à un Arabe sinon il n'y aurait pas eu une telle réaction de son frère", a plaidé Me Pascal. Il a ajouté que son client "pourrait laisser faire n'importe quoi et encaisser les droits d'auteur" mais a choisi au contraire d'être "le porte-parole de son frère décédé".

Le jeu de Michel Favory "n'est pas en cause. Il s'agit du respect des intentions de l'auteur", a insisté Me Pascal.

"Le retour au désert" met en scène au début des années 60, en pleine guerre d'Algérie dans une ville de province, les retrouvailles orageuses d'un frère et d'une soeur. Aziz est le domestique algérien de la famille.

La 3e chambre du TGI doit rendre son jugement le 20 juin.