Église copte, en Égypte.
On s'inquiète aujourd'hui du sort des chrétiens du monde arabe. C'est même devenu un thème récurrent chaque fois qu'un attentat vise une église en Irak ou que les coptes égyptiens font l'objet de nouvelles brimades. Dernier en date, l'appel publié dans les principaux médias français par des intellectuels arabes au sujet de l’attentat sanglant visant des chrétiens irakiens.
Les médias ne cessent d'annoncer la disparition ou le départ généralisé des chrétiens d'Orient comme une perspective « imminente » ou « inéluctable ». Il est à la mode aussi d'expliquer les dangers qui pèsent sur les chrétiens par la montée du radicalisme islamiste. Les chrétiens sont confortés dans la position de victimes exemplaires qu'il faut sauver de l'hydre islamique.
Quant aux gouvernements arabes, ils sont dès lors libres de fuir leurs responsabilités, en instrumentalisant le champ religieux pour s'offrir une nouvelle légitimité aux moindres frais.
Certains faiseurs d'opinion ne mesurent pas la portée de leurs propos quand ils affirment par exemple que la fin du colonialisme aurait fait perdre aux chrétiens de précieux appuis, ou quand ils présentent ceux-ci comme les « occidentalisés » du monde arabe. C'est ignorer l'importance de l'apport idéologique des chrétiens aux sociétés du Moyen-Orient. C'est oublier que les élites chrétiennes ont conçu et porté au milieu du XXe siècle le beau projet de l'unité arabe.
La notion d'arabité, forgée en partie par des intellectuels chrétiens comme Michel Aflak, fondateur syrien du parti socialiste Baas, permettait de penser un corps social où les divisions claniques, tribales et communautaires seraient résorbées dans la nation, voire dans l'oumma arabe. L'arabité était la voie royale vers la construction d'un État panarabe ayant comme références la raison, le citoyen et la modernité.
Malgré des efforts vers un pluralisme, comme celui qui a été mené par les Nations unies qui ont déclaré « 1999 Année du dialogue des civilisations », la communauté internationale semble entrée en sommeil face aux enjeux réels de la diversité dans le monde. Célébrer n'est pas une réponse aux défis de la coexistence. Un dialogue des cultures sur le plan international n'a de chance de réussir que s'il s'accompagne d'un paradigme sur le plan national. Comment peut-on faire la promotion de la coexistence des cultures si, à l'intérieur des frontières, le culte de la majorité et de la religion dominante, voire du parti unique, reste en vigueur ? Les gouvernements des pays arabes devraient protéger leurs ressortissants de confession chrétienne et non pas traduire en justice des femmes et des hommes qui ont choisi une autre voie que celle de la majorité.
Les organisations multinationales peuvent aussi participer à cet effort. L'Organisation de la conférence islamique et l'ISESCO ne devraient pas seulement se poser en défenseurs des musulmans vivant en Occident, mais aussi dénoncer les exactions que subissent les chrétiens d'Orient.
Rares sont les voix comme celle du prince saoudien Talal Ibn Abdel Aziz, frère du roi Abdallah, pour affirmer que le départ des chrétiens mettrait en danger la démocratie et la modernité dans le monde arabe. Il en faudrait, pourtant, de ces voix, si l'on veut susciter un débat désormais indispensable. Le déficit démocratique, où les citoyens ne sont pas égaux devant la loi et où on ne demande pas des comptes aux dirigeants, est en grande partie responsable du gâchis actuel.
Dire aujourd'hui que la présence des chrétiens doit être « tolérée » dans le monde arabe est, au fond, profondément injuste. Les chrétiens ont toujours appartenu à la terre qui les a vus naître et grandir, la terre de leurs aïeux, les pays de la Bible. Ils ne sont pas une minorité religieuse venue d'ailleurs pour susciter de la compassion à son égard. Ils ne viennent pas d'ailleurs. Ils sont dans leur pays et doivent y rester.
Leur départ, c'est la fin de notre Histoire et le début de toutes les dérives. Le sort des chrétiens au Moyen-Orient est intimement lié au sort du monde arabe.
* Hasni Abidi est politologue et directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et Méditerranéen (CERMAM), à Genève.
Les médias ne cessent d'annoncer la disparition ou le départ généralisé des chrétiens d'Orient comme une perspective « imminente » ou « inéluctable ». Il est à la mode aussi d'expliquer les dangers qui pèsent sur les chrétiens par la montée du radicalisme islamiste. Les chrétiens sont confortés dans la position de victimes exemplaires qu'il faut sauver de l'hydre islamique.
Quant aux gouvernements arabes, ils sont dès lors libres de fuir leurs responsabilités, en instrumentalisant le champ religieux pour s'offrir une nouvelle légitimité aux moindres frais.
Certains faiseurs d'opinion ne mesurent pas la portée de leurs propos quand ils affirment par exemple que la fin du colonialisme aurait fait perdre aux chrétiens de précieux appuis, ou quand ils présentent ceux-ci comme les « occidentalisés » du monde arabe. C'est ignorer l'importance de l'apport idéologique des chrétiens aux sociétés du Moyen-Orient. C'est oublier que les élites chrétiennes ont conçu et porté au milieu du XXe siècle le beau projet de l'unité arabe.
La notion d'arabité, forgée en partie par des intellectuels chrétiens comme Michel Aflak, fondateur syrien du parti socialiste Baas, permettait de penser un corps social où les divisions claniques, tribales et communautaires seraient résorbées dans la nation, voire dans l'oumma arabe. L'arabité était la voie royale vers la construction d'un État panarabe ayant comme références la raison, le citoyen et la modernité.
Malgré des efforts vers un pluralisme, comme celui qui a été mené par les Nations unies qui ont déclaré « 1999 Année du dialogue des civilisations », la communauté internationale semble entrée en sommeil face aux enjeux réels de la diversité dans le monde. Célébrer n'est pas une réponse aux défis de la coexistence. Un dialogue des cultures sur le plan international n'a de chance de réussir que s'il s'accompagne d'un paradigme sur le plan national. Comment peut-on faire la promotion de la coexistence des cultures si, à l'intérieur des frontières, le culte de la majorité et de la religion dominante, voire du parti unique, reste en vigueur ? Les gouvernements des pays arabes devraient protéger leurs ressortissants de confession chrétienne et non pas traduire en justice des femmes et des hommes qui ont choisi une autre voie que celle de la majorité.
Les organisations multinationales peuvent aussi participer à cet effort. L'Organisation de la conférence islamique et l'ISESCO ne devraient pas seulement se poser en défenseurs des musulmans vivant en Occident, mais aussi dénoncer les exactions que subissent les chrétiens d'Orient.
Rares sont les voix comme celle du prince saoudien Talal Ibn Abdel Aziz, frère du roi Abdallah, pour affirmer que le départ des chrétiens mettrait en danger la démocratie et la modernité dans le monde arabe. Il en faudrait, pourtant, de ces voix, si l'on veut susciter un débat désormais indispensable. Le déficit démocratique, où les citoyens ne sont pas égaux devant la loi et où on ne demande pas des comptes aux dirigeants, est en grande partie responsable du gâchis actuel.
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