Le système de santé irakien était en pointe dans les années 1980 par rapport aux autres pays du Moyen Orient. Tous les indicateurs de l'état de santé de la population étaient satisfaisants. Mais le régime de Saddam Hussein a commencé à creuser des inégalités entre certaines régions. Dans les zones d'opposition comme le sud Chiite et le nord Kurde, les services sociaux et médicaux ont été complétement délaissés. Les 12 années d'embargo qui ont suivi la guerre du Golfe de 1991 ont eu un impact considérable sur les services médicaux en pénalisant très fortement les approvisionnements en médicaments. L'invasion du pays par les forces de la coalition en mars 2003 a constitué le coup de grâce avec la destruction de nombreuses infrastructures médicales. Le système de santé irakien connait donc aujourd'hui de nombreuses difficultés face aux nouvelles pathologies qui frappent la population en raison des conditions sanitaires déplorables. Les hopitaux sont saturés par le flot quotidien des blessés victimes des attentats. Les médecins expérimentés fuient le pays face à la crise actuelle alors que la formation de nouveaux personnels de santé n'est pas assurée de façon satisfaisante.
Pénurie de moyens
Les 12 années d'embargo et les trois guerres qu'a connues le pays en moins de 20 ans ont largement contribué à la dégradation du système de santé irakien. L'Irak a subi une pénurie prolongée en médicaments et en équipements sanitaires. Aujourd'hui, l'approvisionnement des pharmacies privées est redevenu relativement satisfaisant. Les organismes publics dépendent par contre d'une seule société pour leur approvisionnement. Cette situation entraine des lourdeurs administratives et des retards qui pénalisent tout le système.
Les soins et les médicaments sont gratuits dans les instituts publics. Face aux difficultés d'approvisionnement et au manque de moyens, les patients sont obligés de s'orienter vers les pharmacies privées mieux approvisionnées mais payantes. En raison de la situation économique désastreuse et du fort taux de chomage, de nombreux irakiens n'ont pas les moyens de se faire soigner convenablement. Dans les zones urbaines et à Bagdad, l'offre des soins est encore relativement satisfaisante. Les campagnes et les zones reculées du pays sont par contre plus défavorisées dans ce domaine.
Le manque de personnel qualifié et expérimenté devient également problématique. Les médecins les plus compétents quittent l'Irak car ils se sentent menacés. Les terroristes s'en prennent en effet aux médecins pour déstabiliser le pays. Cet exode s'est accentué aprés la chute du régime de Saddam et l'ouverture des frontières. De plus, la formation des jeunes générations de personnel médical n'est pas assurée de façon satisfaisante pour l'instant.
Les structures hospitalières sont submergées par le flot quotidien de blessés victimes des attentats terroristes. Les hopitaux de Bagdad qui ont à peine la capacité d'accueillir les patients atteints de pathologies «classiques» doivent en plus soigner les nombreuses victimes des voitures piégées, tirs de mortiers ou blessés par balles. Ainsi, les cérémonies de l'Achoura ont été marquées cette année par une trentaine de morts et une centaine de blessés uniquement pour la capitale qui a subi les attentats les plus importants.
Nouvelles pathologies
La situation épidémiologique en Irak connait actuellement un développement préoccupant. Des maladies comme le Choléra et la Malaria qui étaient parfaitement maitrisées ont de plus en plus de conséquences sur le taux de mortalité. La rougeole fait également des ravages chez les jeunes enfants et la tuberculose est réapparue en force. Cette situation est due principalement au manque de vaccins. De plus, la centralisation du système de santé irakien donne la priorité aux grands centres hospitaliers au détriment des centres de soins de proximité et prive ainsi une grosse partie de la population des moyens de prévention par rapport aux épidémies et maladies contagieuses.
L'UNICEF a récemment souligné dans un rapport que les problèmes de malnutrition ont également augmenté de façon notable depuis 2003. A l'heure actuelle, de nombreux enfants et notamment les enfants en bas âge sont les plus touchés par les problèmes de malnutrition. Ce problème est lié à la pauvreté et au très fort taux de chomage au sein de la société irakienne. Une hausse des matières premières et notamment des produits alimentaires a entrainé une baisse du niveau de vie. Les irakiens sont donc obligés de moins bien se nourrire et ils n'ont en outre plus les moyens financiers de se faire soigner convenablement.
Les conditions sanitaires désastreuses dans lesquelles vit une partie de la population sont également responsables du développement de certaines pathologies que l'on croyait disparues. A Sadr city, quartier Chiite de Bagdad, le réseau d'alimentation en eau est trop ancien. De nombreuses infiltrations laissent pénétrer les eaux usées dans le réseau d'alimentation en eau potable entrainant des dysenteries et complications hépathiques. Ce quartier de Bagdad qui compte environ 3 millions d'habitants ne dispose en outre que de deux hopitaux dont le plus important a une capacité de 610 lits seulements.
La pollution industrielle est particuliérement accentuée en zone urbaine. Une seule usine de production alimente Bagdad en électricité quelques heures seulement par jour. Tous les foyers et batiments publics sont donc équipés de groupes électrogènes qui fonctionnent plusieures heures quotidiennement en rejetant dans l'atmosphère leurs gaz d'échappement. Cette pollution entraine une fragilisation du système respiratoire des habitants des grands centres urbains qui sont alors plus sensibles aux infections. Ces pathologies sont particuliérement accentuées chez les personnes agées et les enfants.
De plus, les combats recents ont laissé certaines infrastructures industrielles complétement détruites, déversant certains produits dangereux dans les cours d'eaux et les nappes fréatiques. La situation économique et sécuritaire ne permet pas pour l'instant de réhabiliter ces infrastructures industrielles endommagées. Les usines en états de fonctionnement ne sont pas non plus aux normes occidentales en matière de pollution.
L'utilisation par les forces de la coalition de munitions a uranium appauvri a un impact encore mal connu sur la santé des populations vivant a proximité des zones de combat. Les américains ont notamment déversé au cours des deux guerres de 1991 et 2003 des milliers de bombes et d'obus sur certains objectifs parfois situés en zone de forte population. Les conséquences de ce type de pollution post conflictuelle ne seront cependant réellement appréciées que sur le long terme.
L'aide internationale
L'aide internationale est insuffisante et surtout mal utilisée. Les organismes chargés de la reconstruction ont lancé des projets de construction de structures médicales neuves alors que ces structures existent déjà et qu' il suffirait bien souvent de les rénover. La santé de la population irakienne n'est véritablement pas une priorité des forces de la coalition. Les conditions de sécurité désastreuses et le terrorisme ambiant ont également dissuadé de nombreuses organisations humanitaires de développer des programmes d'aide sur le territoire irakien. Le Croissant Rouge Irakien centralise actuellement la plus grosse partie de l'aide internationale. Le docteur Alaa Rachid Al Samarai, directeur de cette organisation estime notamment que les besoins essentiels en matière de médicaments concernent les antibiotiques mais également les anti-douleur comme la morphine.
Mais l'amélioration du niveau de santé des irakiens passe essentiellement par l'amélioration des conditions de vie. Cette évolution ne pourra intervenir que lorsque l'Irak aura retrouvé la paix sur l'ensemble de son territoire.