© Human Rights Watch
La libre circulation, ce droit pour tout individu de se déplacer librement dans un pays, de quitter celui-ci et d'y revenir, est encore largement bafouée à travers le monde et les femmes en sont les premières victimes. Dans de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, leur liberté de mouvement est même entravée par diverses restrictions en toute légalité. Tout en saluant l'accroissement des libertés en faveur de la gente féminine dans la zone MENA, Human Rights Watch (HRW) déplore, dans un rapport paru mardi 18 juillet, comment les politiques de tutelle masculine restreignent les déplacements et la mobilité des femmes.
Des millions de femmes sont ainsi empêchées de se déplacer librement à l’intérieur des frontières ou de voyager à l’étranger sans l’autorisation d’un tuteur masculin, aussi appelés mahram en arabe : le mari et les membres de la famille avec lesquelles elles ne peuvent se marier, en général le père et le frère.
« Du seuil de la maison à la frontière du pays, affirme l'auteure du rapport Rothna Begum, chercheuse auprès de la division Droits des femmes de HRW, les femmes de la région luttent contre les restrictions que les autorités invoquent souvent pour leur protection, mais qui en réalité les privent de leurs droits et permettent aux hommes de les contrôler et de les maltraiter à volonté ».
Des millions de femmes sont ainsi empêchées de se déplacer librement à l’intérieur des frontières ou de voyager à l’étranger sans l’autorisation d’un tuteur masculin, aussi appelés mahram en arabe : le mari et les membres de la famille avec lesquelles elles ne peuvent se marier, en général le père et le frère.
« Du seuil de la maison à la frontière du pays, affirme l'auteure du rapport Rothna Begum, chercheuse auprès de la division Droits des femmes de HRW, les femmes de la région luttent contre les restrictions que les autorités invoquent souvent pour leur protection, mais qui en réalité les privent de leurs droits et permettent aux hommes de les contrôler et de les maltraiter à volonté ».
Des femmes « piégées » par un système injuste
Les politiques de tutelle masculine dans la région, qui existent au-delà de la zone MENA, « sont influencées par une histoire plus large de lois et de traditions à travers le monde notamment les traditions juridiques européennes, qui ont donné ou donnent encore aux hommes le contrôle sur la vie des femmes », souligne d'abord l'ONG.
Les politiques de vingt pays ont été passées au crible. Quinze d'entre eux appliquent toujours des lois sur le statut personnel ou la famille qui contraignent les femmes à « obéir » à leur mari, à vivre avec lui ou à demander son autorisation pour quitter le domicile conjugal, travailler ou voyager (cliquez sur la carte 1). Les tribunaux peuvent ordonner aux femmes de retourner à leur domicile conjugal ou de perdre leur droit à une pension alimentaire.
Les politiques de vingt pays ont été passées au crible. Quinze d'entre eux appliquent toujours des lois sur le statut personnel ou la famille qui contraignent les femmes à « obéir » à leur mari, à vivre avec lui ou à demander son autorisation pour quitter le domicile conjugal, travailler ou voyager (cliquez sur la carte 1). Les tribunaux peuvent ordonner aux femmes de retourner à leur domicile conjugal ou de perdre leur droit à une pension alimentaire.
Carte 1 © HRW
En Arabie saoudite, les droits des femmes se sont améliorées ces toutes dernières années. Les femmes peuvent par exemple faire le pèlerinage sans l'autorisation d'un tuteur. Dans le même temps, le royaume s’est doté en mars 2022 de sa première loi écrite sur le statut personnel : elle a codifié la pratique de longue date consistant à obliger les femmes à obéir à leur mari « de manière raisonnable » ou à perdre leur soutien financier si elles refusaient de vivre au domicile conjugal « sans excuse légitime », signale HRW.
Carte 2 © HRW
Dans ce même pays, mais aussi en Jordanie, au Koweït et au Qatar, les femmes peuvent être arrêtées, détenues ou forcées de rentrer chez elles si des tuteurs masculins signalent qu’elles sont « absentes » de leur domicile. Au Qatar, les femmes non mariées de moins de 25 ans doivent obtenir l’autorisation de leurs tuteurs masculins pour voyager, contrairement aux hommes qui en sont dispensés à partir de 18 ans. Les mahram peuvent aussi demander à un tribunal d’imposer des interdictions de voyager à l’une de leurs parentes, y compris leurs épouses (cliquez sur les cartes 2 et 3).
Carte 3 © HRW
En Iran, le système de tutelle étouffe aussi les femmes, qui se battent aussi contre le port obligatoire du voile. Une bataille pour la liberté vestimentaire qui cristallise bien des tensions, particulièrement depuis la mort de Mahsa Amini en septembre 2022.
Carte 4 © HRW
On ne le sait que peu mais l'Algérie aussi est dotée de mesures pouvant empêcher les femmes d'obtenir un passeport et de se rendre à l'étranger. Elles peuvent néanmoins tenter de le faire sans risquer une interdiction de voyager imposée par leur tuteur masculin contrairement à l'Arabie Saoudite, l'Iran, le Yémen et tous les autres pétromonarchies du Golfe à l'exception des Emirats arabes unis et d'Oman (cliquez sur la carte 4). Dans ces deux pays, les femmes ont la possibilité de voyager seules sans restriction. Avec leurs enfants, c'est une autre affaire, et ils ne sont pas les seuls (cliquez sur les cartes 5 et 6).
Carte 5 © HRW
Sur les vingt pays de la zone MENA, quatorze n’autorisent pas les femmes à faire la demande de passeports pour leurs propres enfants sur un pied d’égalité avec les hommes, tandis que neuf pays exigent, officiellement ou en pratique, que les femmes obtiennent l’autorisation du père de l’enfant pour voyager à l’étranger avec leurs enfants quand les hommes ne sont pas soumis à une exigence similaire.
Carte 6 © HRW
La Tunisie, qui ne compte pas de mesures restrictives entravant la libre circulation des femmes, qu'elles soient seules ou avec leurs enfants, fait figure d'exception dans la région. Avec la Libye pour le moment. Car en mai 2023, l’Agence libyenne de sécurité intérieure, un organisme lié au gouvernement d’unité nationale basé à Tripoli, l’un des deux gouvernements libyens rivaux en lice pour le contrôle du pays, a commencé d’exiger des Libyennes sans escorte masculine qu’elles remplissent un formulaire détaillé sur les raisons de leur déplacement actuel et passés, signale HRW.
« Même si les activistes parviennent à obtenir certaines libertés pour les femmes, les autorités cherchent à en réduire d’autres, ce qui fait non seulement reculer les droits des femmes, mais nuit aux enfants, aux familles et à la société », déplore l'ONG, qui appelle les gouvernements concernés à « éliminer l’ensemble des restrictions discriminatoires – y compris les règles de tutelle masculine – qui entravent la liberté de mouvement des femmes ».
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