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Le tribunal de Paris requiert 4 mois de prison pour racisme

Rédigé par Bensilmane Hafida | Jeudi 24 Février 2005 à 00:00

Ce mardi 22 février 2005, le tribunal correctionnel de Paris a requis quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende contre deux employés d'une agence immobilière de Paris (15e arrondissement). Renaud Dailly et Annie Garnier sont accusés d'avoir refusé la location, en janvier 2001, d'un appartement à une personne 'en raison de son origine ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une nationalité déterminée, en l'espèce son origine africaine'. Au moment des faits, Renaud Dailly, fils du gérant de l'étude de Cheuvry, était stagiaire dans cette agence, et Annie Garnier en était l'employée.



Ce mardi 22 février 2005, le tribunal correctionnel de Paris a requis quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende contre deux employés d'une agence immobilière de Paris (15e arrondissement). Renaud Dailly et Annie Garnier sont accusés d'avoir refusé la location, en janvier 2001, d'un appartement à une personne 'en raison de son origine ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une nationalité déterminée, en l'espèce son origine africaine'. Au moment des faits, Renaud Dailly, fils du gérant de l'étude de Cheuvry, était stagiaire dans cette agence, et Annie Garnier en était l'employée.

SOS-racisme se constitue partie civile

Florentin Kouamé, 52 ans, chauffeur de taxi de nationalité ivoirienne, cherchait un appartement dans le quartier. Le président du tribunal, Nicolas Bonnal, a rappelé les faits tels que rapportés par la partie civile : 'Au téléphone, Annie Garnier déclare que 'le propriétaire ne veut pas louer aux gens de couleur'.' Florentin Kouamé aurait alors insisté, et l'employée aurait passé le combiné à son collègue stagiaire, Renaud Dailly, qui aurait ajouté : 'Le propriétaire loue à qui il veut, nous, on n'est pas raciste.' Le stagiaire aurait fini par demander à Florentin Kouamé de ne plus venir à l'agence. Ce dernier s'y est pourtant rendu afin d'exprimer son mécontentement, et l'agence a refusé de constituer un dossier pour ce client insistant.

Quelques jours plus tard, Florentin Kouamé a porté plainte, mais l'enquête n'a pas suivi : il a fallu attendre une lettre de l'association SOS-Racisme, en mai 2003, pour que le procureur soit saisi : celui-ci n'avait en fait jamais reçu la plainte du client débouté. Florentin Kouamé et SOS-Racisme se sont alors portés parties civiles.

'Vous confirmez les faits ?' a demandé le président du tribunal à la victime. 'Oui, tout à fait' a répondu, peu prolixe, Florentin Kouamé. 'Mme Garnier m'a dit que le propriétaire ne voulait pas louer aux Noirs, puis l'autre personne que j'ai eue au téléphone m'a dit : 'le propriétaire loue à qui il veut'.'

Du côté des accusés, Annie Garnier nie : 'Je n'ai jamais eu au téléphone M. Kouamé.' 'Est-ce que vous avez déjà eu affaire à des propriétaires qui ne voulaient pas de locataires de couleur ?', a demandé le président. 'Jamais'.

Renaud Dailly est moins affirmatif. A la même question, il répond : 'J'ai le souvenir d'un ou deux propriétaires ayant évoqué les gens de couleur.' Mais il tient la même version des faits que Mme Garnier, soutenant que l'étude de Cheuvry 'est une agence très ouverte aux gens, de couleur de surcroît'. Il indique, par ailleurs, que sa compagne est antillaise et la femme de son père congolaise.

Les opérations ' testing ' sont accablantes

Samuel Thomas, vice-président de SOS-Racisme, est appelé à son tour. L'occasion d'évoquer les opérations 'testing' organisées par l'association, lors desquelles sont mis en évidence des délits de discrimination notamment dans cet arrondissement. 'Résultat de cette affaire, Florentin Kouamé a dû déménager à Evry, dans la lointaine banlieue, dans les ghettos, là où on met les Noirs', a conclu M. Thomas.

L'avocat des parties civiles, Me Emmanuel Bijon, a demandé 1 euro symbolique pour son client et 10 000 euros de dommages et intérêts au nom de SOS-Racisme, ainsi qu'une publication de la condamnation dans Le Parisien et Libération.

Les avocats des accusés, Mes Françoise Davideau et Françoise Ladan-Matern, de leur côté, se sont dites perplexes devant cette affaire où aucune preuve n'a été établie et ont demandé la relaxe.

Le substitut du procureur, Laurent Zuchowicz, a estimé que la difficulté de cette affaire de discrimination tenait au fait que le 'comportement raciste est une maladie honteuse'. 'Ces gens n'ont pas l'imprudence d'écrire sur un bout de papier qu'ils ne veulent pas de gens de couleur, a-t-il dit. Ils se comprennent à demi-mot.' Jugement le 5 avril.