Culture & Médias

Les Mokhtar Awards, un festival inédit de vidéos dans la muslimphère lancé

Rédigé par Maria Magassa-Konaté et Hanan Ben Rhouma | Mercredi 18 Décembre 2013 à 06:00

Les Césars comptent une nouvelle imitation, cette fois dans la muslimphère. Moins bien spectaculaire, disons-le mais au concept qui vaut le coup de s'y intéresser tant l'initiative est inédite dans la communauté. Le premier festival de courts métrages sur l’islam et les musulmans en France voit le jour en France avec les Mokhtar Awards. A quelques jours de la cérémonie qui rassemblera plus de 3 000 personnes, son fondateur Gibran Hasnaoui fait le point avec Saphirnews.



A l’origine de ce concours cinématographique ouvert à tous, amateurs ou professionnels, Gibran Hasnaoui, 28 ans. Cet ingénieur de formation qui s’était expatrié à Dubaï pour y travailler a tout plaqué en 2009 pour faire le Muslim World Tour, un tour du monde qui l’a conduit dans une cinquantaine de pays pour rencontrer les musulmans du monde entier.

L’objectif des Mokhtar (élus en arabe) est double pour l’organisateur : valoriser l’islam, si mal dépeint par la société, et les contenus produits par des musulmans. « Ce concours, véritable engagement citoyen, vise à combattre les préjugés latents à l’endroit de la communauté musulmane tout en véhiculant une image non tronquée des réalités des musulmans », indique-t-on dans un communiqué. Néanmoins, « il reste avant tout un concours cinématographique destiné à récompenser les meilleures œuvres », est-il précisé.

15 vidéos sélectionnées pour 70 reçues

Gibran Hasnaoui
Cette initiative, lancée en février dernier, a très vite séduit des musulmans. Les participants au concours avaient jusqu’au jeudi 31 octobre pour envoyer leurs vidéos courtes. Au total, plus de 70 apprentis cinéastes ont envoyé leurs court-métrages diffusés en ligne. Les internautes étaient invités à voter pour leurs préférés avant le 30 novembre. « Trois thématiques se sont détachées : des vidéos sur les préjugés intracommunautaires entre les musulmans, sur la relation à Dieu et les liens aux parents, à la famille », estime Gibran Hasnaoui. Il y a également eu beaucoup de parodies, note-t-il.

A quelques jours de la cérémonie des Mokhtar le 22 décembre, la liste des 15 vidéos présélectionnées a été dévoilée. 10 d’entre elles sont celles qui ont obtenu le plus de vote sur le site des Mokhtar, sur YouTube et Facebook. Les participants les plus avantagés étaient évidemment ceux qui avaient posté leurs vidéos les premiers. Il a fallu également réussir à mobiliser son réseau pour obtenir le plus de voix possible. On est ainsi loin de critères jugeant uniquement les qualités techniques et le scénario. Les vidéos élues ne sont donc pas forcément les plus réussies de tous les court-métrages qu'il nous a été donné de visionner mais il faudra s'en contenter.

Cinq autres court-métrages désignés pour la finale ont été qualifiées par un jury composé d’acteurs évoluant dans le milieu audiovisuel comme le producteur Sadia Diawara, coauteur notamment du film La Cité rose, le cinéaste Nadir Loulain, et Amida Belgharbi, un directeur photo. Ismail Mounir, imam à la mosquée de Longjumeau (Essonne) et l’humoriste Samia Orosemane font également partie de ce jury.

Une Mokhtar Académie de l’audiovisuel

Parmi les 15 vidéos toujours en concurrence, « la moitié » a été réalisée par des personnes ayant participé à la Mokhtar Académie lancée en marge du concours, nous fait savoir Gibran Hasnaoui. Les personnes désirant participer aux Mokhtar ont été invitées à se former aux techniques de la vidéo lors de sessions de formation de deux jours proposées à Lyon, Arras, Strasbourg et à Saint-Denis, de juin à septembre 2013.

Une belle démarche dont a profité une centaine de personnes dont Samia. « Elle ne savait pas tenir une caméra au mois de juin », commente-t-il. Aujourd’hui, elle se retrouve en finale avec sa vidéo JJ. « On va poursuivre cette académie. Le but est de faire de l’audiovisuel islamophile », nous dit le fondateur des Mokhtar, qui précise que des non musulmans sont dénombrés parmi les formateurs.

L'ancien golden boy de Dubaï, à présent dans une « démarche entrepreneuriale » avec sa société d’événementiel 4MBM Productions, souhaite consacrer son temps à œuvrer « pour la oumma ». « L’argent, ce n’est pas le nerf de la guerre mais la foi », déclare celui qui a décidé de monter son projet après la publication de caricatures sur le Prophète Muhammad.

Avec la Mokhtar Académie, il veut refléter le « dynamisme », la productivité et l’engagement des musulmans dans la société. Pour visibiliser leur démarche, les organisateurs ont convié 250 journalistes de la presse généraliste à une conférence de presse d’annonce des finalistes le 2 décembre, mais aucun n’a fait le déplacement. Gibran Hasnaoui et son équipe ont alors pris le parti d'en rire en simulant une fausse conférence de presse pleine de journalistes dans une vidéo que voici.


De 10 000 € au kebab, le grand écart

« Nous aussi avons beaucoup d’humour. L’islamophobie, mieux vaut en rire que pleurer ! », dit le jeune homme. Dans la même ligne humoristique, le lauréat qui arrivera en 3e position au concours obtiendra un menu kebab d'une valeur de 8,90 €. Un prix qui tranche radicalement avec le sérieux et l’importance de la dotation des 1ers et 2nd prix. Le gagnant appréciera !

Le grand lauréat des Mokhtar Award remportera un chèque de 10 000 €, son second un voyage à la Mecque ou à Jérusalem s'il n’est pas musulman. Dans la catégorie internationale, départagée par le jury, une dotation unique de 5 000 € est en jeu. Les prix sont tous financés par des entrepreneurs musulmans, sponsors du concours.

Les trois gagnants de la catégorie française seront choisis parmi les 15 finalistes lors de la cérémonie qui se déroulera dimanche 22 décembre aux Docks de Paris, à La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Le public votera alors pour les trois meilleures vidéos. Quelque 3 100 spectateurs, qui auront chacun déboursé 35 €, sont attendus pour assister au show, annonce Gibran Hasnaoui. Seules une quarantaine de places sont encore disponibles. Les bénéfices permettront de financer la deuxième édition du festival des Mokhtar Awards et les ateliers de formation, assure-t-il.

Avant même de tirer un bilan de la première édition, Gibran Hasnaoui annonce d'ores et déjà que le 1er prix lors du second festival sera de 30 000 €. Un énorme gain qui, si maintenu, devrait fort probablement attirer un plus grand nombre de participants... aux motivations bien diverses.

Site officiel des Mokhtar Awards