Le Dictionnaire des mots français d’origine arabe, de Salah Guemriche (Ed. du Seuil, 880 pages, 12 euros) en version poche est sortie en mai dernier.
L’auteur se plaît à rappeler dans sa présentation qu’en français les mots d’origine arabe sont deux fois plus nombreux que ceux d’origine gauloise… Si l’on y ajoute les mots appartenant à deux autres grandes langues de culture, appartenant elles aussi à l’aire islamique – le persan et le turc –, on obtient un total d’environ 400 termes, soit près de 1,2 % du lexique français.
Pour certains, l’origine arabe semble évidente, à l’instar du très récent « kiffer », l’un des rares emprunts à être, comme ses premiers utilisateurs, nés sur le sol français.
Résultante de l’Histoire, les mots ici la disent et la révèle. Dans le cas des emprunts à l’arabe, il y a trois périodes à distinguer : celle, très récente et relativement peu productive qui a donné « kiffer » ; celle correspondant à la colonisation de l’Algérie, qui a été à l’origine d’un vocabulaire bariolé, condescendant, chargé d’un exotisme de soldat : main de Fatma, toubib, caoua, moukhère, bled, bézef, macache… ; celle, enfin, qui remonte à une époque où le monde arabo-musulman avait sur l’Occident une avance scientifique et technique considérable et qui correspond, sur le plan linguistique, à des emprunts s’étalant du Xe au XVe siècle, sur un peu plus d’un demi-millénaire.
Notre très moderne arobase remonte à cette époque. Le mot vient de l’arabe ar-rub‘, qui désigne une unité de mesure, plus tard symbolisée par @. De même pour nos rames et ramettes de papier, rizma, « liasse », « ballot », désignant aussi une unité de mesure.
Les mots techniques et scientifiques sont très nombreux. Ils débutent souvent par al, article défini de l’arabe : alcaline, algorithme, algèbre, alchimie, alcool, etc. Mais ce n’est pas toujours le cas. Certains, comme chiffre (sifr, «zéro»), tarif (ta‘rîfa), goudron (qutrân), arsenal (dâr as-sinâ‘a, «atelier de fabrication»), jarre (jarra) ou récif (rasîf) ne semblent pas même d’origine étrangère.
Tout comme jupe et chemise. Le second vient de qamîs. Quant au premier, il a longtemps désigné un vêtement masculin, la jubba de lin ou de coton que portaient sous leurs cottes de maille les chevaliers arabes puis ceux de la chrétienté.
L’auteur se plaît à rappeler dans sa présentation qu’en français les mots d’origine arabe sont deux fois plus nombreux que ceux d’origine gauloise… Si l’on y ajoute les mots appartenant à deux autres grandes langues de culture, appartenant elles aussi à l’aire islamique – le persan et le turc –, on obtient un total d’environ 400 termes, soit près de 1,2 % du lexique français.
Pour certains, l’origine arabe semble évidente, à l’instar du très récent « kiffer », l’un des rares emprunts à être, comme ses premiers utilisateurs, nés sur le sol français.
Résultante de l’Histoire, les mots ici la disent et la révèle. Dans le cas des emprunts à l’arabe, il y a trois périodes à distinguer : celle, très récente et relativement peu productive qui a donné « kiffer » ; celle correspondant à la colonisation de l’Algérie, qui a été à l’origine d’un vocabulaire bariolé, condescendant, chargé d’un exotisme de soldat : main de Fatma, toubib, caoua, moukhère, bled, bézef, macache… ; celle, enfin, qui remonte à une époque où le monde arabo-musulman avait sur l’Occident une avance scientifique et technique considérable et qui correspond, sur le plan linguistique, à des emprunts s’étalant du Xe au XVe siècle, sur un peu plus d’un demi-millénaire.
Notre très moderne arobase remonte à cette époque. Le mot vient de l’arabe ar-rub‘, qui désigne une unité de mesure, plus tard symbolisée par @. De même pour nos rames et ramettes de papier, rizma, « liasse », « ballot », désignant aussi une unité de mesure.
Les mots techniques et scientifiques sont très nombreux. Ils débutent souvent par al, article défini de l’arabe : alcaline, algorithme, algèbre, alchimie, alcool, etc. Mais ce n’est pas toujours le cas. Certains, comme chiffre (sifr, «zéro»), tarif (ta‘rîfa), goudron (qutrân), arsenal (dâr as-sinâ‘a, «atelier de fabrication»), jarre (jarra) ou récif (rasîf) ne semblent pas même d’origine étrangère.
Tout comme jupe et chemise. Le second vient de qamîs. Quant au premier, il a longtemps désigné un vêtement masculin, la jubba de lin ou de coton que portaient sous leurs cottes de maille les chevaliers arabes puis ceux de la chrétienté.
Café, sorbet et sucre : des emprunts arabes
Ce ne sont pas seulement les sciences et les techniques qui auront profondément marqué l’évolution de l’Occident médiéval, mais aussi la révolution agricole arabe. Les techniques d’irrigation dont on aura retenu la noria (nâ‘ûra), mais surtout la grande quantité d’espèces végétales acclimatées : les oranges, les abricots, les aubergines, les épinards et jusqu’au si provençal estragon (tarkhûn).
La révolution agricole s’est traduite par une révolution de l’art de la table, avec des épices nouvelles, comme le cumin notamment (kammûn), mais surtout la consommation nouvelle de sucre (sukkar). La confiserie allait naître, avec d’abord les « boules sucrées », kura muhalla ou caramel. Mais aussi les boissons sucrées, souvent employées en pharmacopée, elle aussi essentiellement arabe : le sirop ou sharâb (« boisson »).
Bien plus tard, au XVIIe siècle, arrivera à Versailles un mot apparenté, sharba, sous sa forme turque de sherbet : le sorbet. Ainsi qu’un breuvage nouveau, qui allait connaître un succès planétaire, le café, de l’arabe qahwa à travers le turc kahve.
Si beaucoup de mots persans ont intégré le lexique du français par l’intermédiaire de l’arabe (asfinâj, devenu isbinâkh, devenu épinard), ce fut souvent l’inverse pour le turc : mahonne (« grande galère turque ») trouve son origine ultime dans l’arabe ma‘ûna.
Quant à divan, il vient de diwân, à travers le turc ottoman des XVIe-XVIIe siècles.
La révolution agricole s’est traduite par une révolution de l’art de la table, avec des épices nouvelles, comme le cumin notamment (kammûn), mais surtout la consommation nouvelle de sucre (sukkar). La confiserie allait naître, avec d’abord les « boules sucrées », kura muhalla ou caramel. Mais aussi les boissons sucrées, souvent employées en pharmacopée, elle aussi essentiellement arabe : le sirop ou sharâb (« boisson »).
Bien plus tard, au XVIIe siècle, arrivera à Versailles un mot apparenté, sharba, sous sa forme turque de sherbet : le sorbet. Ainsi qu’un breuvage nouveau, qui allait connaître un succès planétaire, le café, de l’arabe qahwa à travers le turc kahve.
Si beaucoup de mots persans ont intégré le lexique du français par l’intermédiaire de l’arabe (asfinâj, devenu isbinâkh, devenu épinard), ce fut souvent l’inverse pour le turc : mahonne (« grande galère turque ») trouve son origine ultime dans l’arabe ma‘ûna.
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