Points de vue

Les journalistes qui maltraitent mon 21 décembre

Rédigé par Tayeb Fatiha | Vendredi 16 Janvier 2004 à 00:00

Durant toute la manifestation, j'ai été traversée par plusieurs sentiments: la fierté de vivre dans mon pays la France (pays des Droits de l'Homme), la fierté d'être française, la joie de brandir mon drapeau tricolore… Mais aussi un immense soulagement. Soulagée de constater que des milliers d'hommes et de femmes puissent faire entendre leur voix par le biais d'une manifestation.



Durant toute la manifestation, j'ai été traversée par plusieurs sentiments : la fierté de vivre dans mon pays la France (pays des Droits de l'Homme), la fierté d'être française, la joie de brandir mon drapeau tricolore… Mais aussi un immense soulagement. Soulagée de constater que des milliers d'hommes et de femmes puissent faire entendre leur voix par le biais d'une manifestation.

 

Espoirs et soulagement

Soulagée d'observer qu'un nombre important de personnes pensent que la loi sur le voile est une loi d'exception. Soulagée de constater que leur lucidité n'a pas été altérée par les médias qui se sont acharnés sur l'islam, les musulmans et les arabes faisant de ce trio le gibier de leur nouvelle chasse aux sorcières. Soulagée de baigner dans une atmosphère de justice, allergique aux lois d'exception et à la mauvaise foi, conformément aux idées républicaines. Soulagée de constater que plusieurs milliers de personnes (Paris, Strasbourg, Avignon…) aient échappé au lavage de cerveau collectif dont sont malheureusement victimes un nombre toujours plus important de français.

 

Et pourtant… quelle ne fut ma surprise en lisant les journaux du lendemain ? Quelques titres en disent long sur la mauvaise foi et la diffamation des journalistes et/ou de leurs supérieurs hiérarchiques :

 

Mensonges et agacement

Libération : 'Attachées aux voiles et sous bonne garde' de Marie-Joëlle Gros et Fabrice Tassel, insinuent l'aliénation et la soumission des musulmanes face à des gourous masculins qui les manipulent par milliers. Le ridicule d'une paranoïa feinte se passe de commentaire.

'Voilée semi-recluse puis rebelle' par Blandine Grosjean. Cette dernière, en réaction à la manifestation préfère étaler l'histoire misérabiliste d'une jeune fille contrainte par ses parents de porter le voile. Un hors sujet justifié soit par l'ignorance, soit par le manque de courage. Cette journaliste souhaite faire passer un message général à partir d'un cas extrême et isolé. Décidément, les idées du FN ne cessent de gagner du terrain au su et au vue de tous. 

'Un défilé se voulant 'citoyen': 'les organisateurs du rassemblement 'spontané' restent cachés' de Catherine Coroller. A la lecture de ces titres, l’on pense qu'elle a certainement des preuves de ce qu'elle écrit. Qu'elle est en mesure de donner des chiffres, des témoignages…quelque chose allant dans le sens de ses déclarations. Et bien non : elle ne fait que donner une opinion personnelle largement répandue dans les « bistrots du coin ».

 

Le Figaro : 'Une manifestation pas si spontanée' de Marie-Christine Tabet (avec Dalil Kenz). Une plume extrêmement virulente, sournoise, et diffamatrice. L'une de ses méthodes est de faire dire à un 'arabe de service' des choses qu'elle n'a pas le courage d'écrire. L’article d'une page ne laisse la parole à ce Dalil Kenz (journaliste) que pour dire une aberration. En voyant un groupe 'd'hommes barbus', habillés de 'longues tuniques blanches' s'arrêter pour prier, il a eu 'froid dans le dos' et il déclare alors : 'cela me rappelle les premières manifestations organisées à Alger par les Frères musulmans au début des années 1990'. Ce journaliste n'interviendra plus dans l'article, sa mission se termine là.  

 

Le Monde : a choisi le titre le plus objectif avec 'manifestation à Paris contre une loi 'anti-voile' de Xavier Ternisien. Il faudra lire le contenu de l'article pour découvrir les insinuations et les accusations. Nous y reviendrons plus loin.

 

Tous ces articles traitant de la manifestation sont ainsi truffés de suspicion, d'amalgames, d'accusations mensongères. J'ai été extrêmement choquée par la grotesque déformation de la réalité. Pour moi, il était impossible de relater autre chose que la réalité tant elle était évidente. En lisant les journaux du lendemain, j'ai d'abord eu l'impression que les journalistes ne parlaient pas de la même manifestation. Puis je me suis soudainement souvenue que les arabes et les musulmans étaient, depuis de longs mois, la cible favorite de certains journalistes qui diabolisent toute une population dans le but de susciter le sensationnalisme nécessaire à la vente de leurs journaux.

 

Nos journalistes seraient-ils aliénés ?

Aucun de ces articles ne fait apparaître la détermination des manifestants, notre certitude. Ces journalistes expriment leurs opinions personnelles ou ils expriment la tendance actuelle en se dissimulant derrière des suppositions, des hypothèses et le conditionnel. Ils usent de méthodes très habiles pour éviter la diffamation, tout en faisant passer un message…diffamatoire ! Quelques exemples : 'quelques indices laissaient supposer que ce mouvement était loin d'être aussi improvisé comme l'annonçaient ses participantes'; 'une manifestation pas si spontanée' (Le Figaro); 'un défilé se voulant 'citoyen'; 'des citoyennes venues de leur propre chef affirment-elles'; 'd'autant qu'il s'agit peut-être de la première étape d'un rapport de force que les activistes musulmans cherchent à créer dans l'Hexagone' (Libération). Des insinuations qui font passer les musulmans pour de redoutables terroristes et d'éternels 'français de seconde zone' dont les méthodes légitimes (manifestation…) sont toujours considérées comme douteuses et pas très 'citoyennes'. Sans parler de ces pauvres musulmanes qui ne savent même pas qu'elles viennent manifester de 'leur propre chef'. Et si, pour commencer, les médias traitaient ces filles comme des êtres pensants et non comme des sous-êtres pour lesquelles d’autres pensent ? Et si les journalistes se distinguaient de ces millions d'hommes musulmans, accusés (à tort) d'aliéner et de maltraiter les femmes ?  

 

Au lieu d’informer le lecteur à partir des faits…

M. Xavier Ternisien (Le Monde) parle d'une 'Ginette Skandrani, pro palestinienne radicale'. Mais que veut dire 'radicale'? Peut-être que cette femme utilise des méthodes terroristes et pose des bombes un peu partout en Israël ? Il se trouve que non. Elle exprime courageusement des idées de justice conformément au droit international. Mais il y a longtemps qu'on l'a occulté, ce bon vieux droit international. Ce même journaliste évoque également, le responsable de l'UFCN (l'Union française pour la cohésion nationale) Mustapha Lounès dont l'association 'surfe sur le thème de l'islamophobie'. Peut-être que M. Lounès et beaucoup d'autres traitent principalement de l'islamophobie parce qu'elle est omniprésente dans notre société et qu'elle est largement ignorée par les médias et les politiques. Peut-être aussi que cette indifférence blesse et agresse des millions de musulmans (français ou pas). M. Lounès ne fait pas que 'surfer' sur le thème de l'islamophobie (ce n'est pas un loisir) mais il la dénonce et la condamne, comme n'importe quel délit. Ce faisant, M. Lounès et d'autres nous informent sur une multitude d'actes islamophobes tout naturellement passés sous silence par les médias.

Je voudrais bien savoir où étaient tous les journalistes lorsque Mouloud Aounit du MRAP s'est fait agresser par un groupuscule d'extrémistes juifs ? Où étaient-ils donc passés lorsque les locaux de Radio méditerranée ont été saccagés ? Où étaient-ils encore, lorsque la mosquée de Nancy a été incendiée, celle de Paris visée par une tentative avortée d'attentat suicide, lorsque des tombes musulmanes ont été profanées ou détruites à coup de batte de base-ball etc. ?

Mais tous ces crimes et de nombreux autres ont été passés sous silence, car un bouc émissaire ne peut à la fois être bourreau et victime. Il faut bien aller dans le sens d'une opinion publique largement fabriquée par des méthodes de désinformation et de non information. 

Ces journalistes sont incapables de fournir la moindre preuve des déclarations qu'ils écrivent. Au lieu d'informer les lecteurs à partir de faits, ils préfèrent le mensonge et les élucubrations. Ça se vend mieux. Ces méthodes de travail relèvent davantage  de la spéculation que du journalisme. Elles sont choquantes car elles vont à l'encontre des principes de la Charte de Munich[1] qui rappelle aux journalistes 'de respecter la vérité quelles qu'en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce en raison du droit que le public a de connaître'. Relater les faits était indéniablement trop en demander à ces différents journalistes avides de sensationnalisme et de conformisme. Cependant, tous sont étrangement sur la même longueur d'ondes dès qu'il s'agit de montrer du doigt la population arabe et musulmane !

 

Qui a pompé sur la copie du copain ?

Certains se copient même des textes entiers sans mettre de guillemets. Ils s'attribuent ainsi les bêtises du voisin comme de mauvais écoliers ! C'est ainsi qu'on peut trouver dans deux grands quotidiens deux parties de texte quasi identiques. Jugez par vous-mêmes : 'exceptionnellement, les femmes voilées n'étaient pas reléguées derrière les claustras du premier étage de la mosquée. Elles assistaient, voilées pour la plupart, aux interventions dans la salle de prière, assises par terre, séparées des hommes par deux piliers', cette prose est signée de Mme Tabet du Figaro. Mais l’on a aussi : 'exceptionnellement, pour ce colloque, les femmes n'étaient pas reléguées derrière les claustras du premier étage. Voilées pour la plupart, elles assistaient aux interventions, assises par terre, séparées des hommes' de la plume de M. Ternisien du Monde. Qui a donc copié sur qui ? Le Monde ou Le Figaro ?

Si encore ils se copiaient des faits et non des opinions de bistrot je comprendrais mais là j'avoue qu'ils sont tombés bien bas! Je me demande même si ces deux journalistes ne piochent pas tout simplement le contenu de leurs articles dans la même agence de presse. Auquel cas vous me permettrez de douter de leur présence sur les lieux concernés (manifestation et/ou mosquée). Dès qu'il s'agit de briser l'islam et les arabes, les journaux de droite comme de gauche sont unanimes. Certains ne font qu'exprimer leurs convictions personnelles, et d'autres sont contraints (ou 'soumis') de suivre la mouvance par mesure de sécurité: la sécurité de l'emploi.

Bizarrement, tous ces journalistes retrouvent leurs esprits dès que les sujets abordés sont indépendants du voile, de l'islam et des arabes. Alors qui sont les véritables soumis ? Les milliers de femmes, voilées ou non, de la manifestation qui revendiquaient leur droit à la religiosité conformément à la Constitution de 1958[2], ou ces journalistes aliénés par leur propre propagande de désinformation avec, au ventre, la peur omniprésente de se voir marginalisés et exclus ? En manifestant, ces femmes n'ont bafoué aucune loi. Elles n'ont fait qu'utiliser un moyen légal d'expression pour demander que la loi soit appliquée. En revanche les journalistes n'hésitent pas à bafouer la Charte de Munich qui leur rappelle le devoir de 's'interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement…'

Mais où va-t-on ainsi ? Que peut-on encore croire de personnes qui déforment la réalité sans vergogne dans le seul but d'arriver à des fins personnelles ? Que doit-on attendre de journalistes qui prennent le contre pied de la Charte de Munich en l'appliquant certes, mais à l'envers ?


[1]  La Déclaration des devoirs et des droits des journalistes  sont réunis dans la Charte de Munich de 19?. Cette dernière nous informe longuement sur les aspects essentiels de l'éthique et de la bonne foi dans les métiers du journalisme.

 

[2] La Constitution de 1958 dans l'article premier, nous rappelle que la France est une république laïque et q'elle 'respecte toutes les croyances'.