L'avis de Saphirnews
« Je sais pas si vous avez remarqué : ce qui sépare les gens, ce sont les mots. Même les p'tits mots de rien du tout, ça peut produire les pire maux. Il y a les mots blessants, et puis aussi des mots qui tuent. » Cette citation extraite du livre Jade et les sacrés mystères de la vie de François Garagnon (Monte-Cristo Éditions, 1991) se prête bien à la réflexion engagée par la publication du glossaire des mots de l'extrême droite compilés par Isabelle Kersimon. Dans un contexte où jamais l'extrême droite n'a été aussi puissante en France comme en témoigne, parmi une pléthore d'exemples, l'entrée massive de députés RN à l'Assemblée nationale en 2022, l'auteure de Les mots de la haine entend alerter sur la normalisation en cours des droites dures, de celle qui s'opère par la banalisation croissante de termes, d'expressions et de concepts propres à leur vision (fantasmatique et paranoïaque) du monde.
L'alerte, Isabelle Kersimon, en sa qualité de fondatrice et présidente de l'Institut de recherches et d'études sur les radicalités (INRER), la fonde sur l'inquiétude de voir la propagande d'extrême droite gagner du terrain depuis des années, en particulier sur les réseaux sociaux, et toucher des publics au-delà des fachos classiques.
Dans le « combat culturel » mené par ces derniers et leurs alliés, tout un arsenal sémantique tend en effet à s'imposer dans le débat public, contribuant dangereusement à orienter et à forger les esprits. Avec, pour munitions, « la perversion des sens, les falsifications historiques, l'inversion des valeurs, le mépris de la factualité, jusqu'à l'inversion, la fabrication d'une réalité artificielle (que l'auteure) appelle l'alt-réalité », où les représentants de l'extrême droite qui ne s'avouent plus comme tels - parce qu'elle n'existerait pas ! - seraient désormais des « lanceurs d'alerte », des « diseurs de vérités inavouables stigmatisés par des idéologues menteurs ».
L'alerte, Isabelle Kersimon, en sa qualité de fondatrice et présidente de l'Institut de recherches et d'études sur les radicalités (INRER), la fonde sur l'inquiétude de voir la propagande d'extrême droite gagner du terrain depuis des années, en particulier sur les réseaux sociaux, et toucher des publics au-delà des fachos classiques.
Dans le « combat culturel » mené par ces derniers et leurs alliés, tout un arsenal sémantique tend en effet à s'imposer dans le débat public, contribuant dangereusement à orienter et à forger les esprits. Avec, pour munitions, « la perversion des sens, les falsifications historiques, l'inversion des valeurs, le mépris de la factualité, jusqu'à l'inversion, la fabrication d'une réalité artificielle (que l'auteure) appelle l'alt-réalité », où les représentants de l'extrême droite qui ne s'avouent plus comme tels - parce qu'elle n'existerait pas ! - seraient désormais des « lanceurs d'alerte », des « diseurs de vérités inavouables stigmatisés par des idéologues menteurs ».
Un recensement des mots dont il faut se méfier pour capter le danger
L'on observe, selon Jean-Yves Pranchère, professeur de théorie politique à l'Université libre de Bruxelles (ULB), « une inversion générale du réel » qui va « très au-delà de la stratégie de diversion qui consiste à "montrer l'arbre pour cacher la forêt", c'est-à-dire à pointer des excès militants pour éviter de considérer ce à quoi ces excès réagissent ». Elle « procède d'un projet politique plus radical » consistant à faire communiquer les peurs et les haines et à les « organiser en des synergies dont la cohérence n'est pas rationnelle mais affective ».
Grand remplacement, cinquième colonne, occidentophobie, padamalgam, nouvel antisémitisme, totalitarisme vert, islamo-fascisme, tyrannie des minorités... Pour mieux cerner le danger que ces expressions représentent, Isabelle Kersimon restitue ainsi les définitions au-delà du simple dictionnaire, les usages et leurs dessous avec un souci de la rigueur qui transparait dans l'analyse. Les mots de la haine nous plonge ainsi dans les méandres de la réalité factice produite par l'extrême droite.
Il s'agit, pour reprendre les mots de Jean-Yves Pranchère, d'une « remarquable cartographie des lexiques de la haine et du mépris dont la diffusion contribue à normaliser non seulement les idées de l'extrême droite, mais la violence que ces idées portent en elles ». Face au rouleau compresseur que les réseaux d'extrême droite exercent aujourd'hui tout particulièrement sur les réseaux sociaux, la contribution qu'apporte Isabelle Kersimon avec son livre est indispensable et peut servir d'appui au travail de sensibilisation au danger engagé par bien d'autres acteurs au sein de la société civile.
Grand remplacement, cinquième colonne, occidentophobie, padamalgam, nouvel antisémitisme, totalitarisme vert, islamo-fascisme, tyrannie des minorités... Pour mieux cerner le danger que ces expressions représentent, Isabelle Kersimon restitue ainsi les définitions au-delà du simple dictionnaire, les usages et leurs dessous avec un souci de la rigueur qui transparait dans l'analyse. Les mots de la haine nous plonge ainsi dans les méandres de la réalité factice produite par l'extrême droite.
Il s'agit, pour reprendre les mots de Jean-Yves Pranchère, d'une « remarquable cartographie des lexiques de la haine et du mépris dont la diffusion contribue à normaliser non seulement les idées de l'extrême droite, mais la violence que ces idées portent en elles ». Face au rouleau compresseur que les réseaux d'extrême droite exercent aujourd'hui tout particulièrement sur les réseaux sociaux, la contribution qu'apporte Isabelle Kersimon avec son livre est indispensable et peut servir d'appui au travail de sensibilisation au danger engagé par bien d'autres acteurs au sein de la société civile.
Présentation de l'éditeur
L’extrême droite, qui a lu Gramsci, mène depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale un « combat culturel » dans lequel la bataille des mots est fondamentale. Cette bataille vise à fabriquer, dans nos imaginaires, une réalité alternative extrêmement perverse, dans laquelle George Orwell – non seulement invoqué, mais approprié – contredit George Orwell lui-même : dans ce monde, les pires maux ont été fomentés par la furie vengeresse des femmes ; l’antiracisme est le véritable racisme ; l’antisémitisme est une invention musulmane ; la démocratie est un totalitarisme et le quatrième pouvoir un geôlier. Dans ce monde, l’extrême droite dominante est harassée et censurée par la violence des Droits de l’homme. Dans ce monde, la haine revêt le masque de la lucidité et les passions tristes celui de la rationalité.
Nourri par un réseau foisonnant de médias traditionnels et surtout de nouveaux médias issus d’internet, cet imaginaire a trouvé dans la violence et le traumatisme des attentats djihadistes un terreau fragilisé par la peine et la terreur dans lequel a pu s’épanouir la fleur la plus vénéneuse : celle qui contamine l’espace républicain.
Ce glossaire propose de reconnaître, dans l’écosytème d’un fascisme qui vient, les mots et les concepts qui ont empoisonné le débat public pour imposer leurs vues hégémoniques.
Nourri par un réseau foisonnant de médias traditionnels et surtout de nouveaux médias issus d’internet, cet imaginaire a trouvé dans la violence et le traumatisme des attentats djihadistes un terreau fragilisé par la peine et la terreur dans lequel a pu s’épanouir la fleur la plus vénéneuse : celle qui contamine l’espace républicain.
Ce glossaire propose de reconnaître, dans l’écosytème d’un fascisme qui vient, les mots et les concepts qui ont empoisonné le débat public pour imposer leurs vues hégémoniques.
L'auteure
Née en province dans un milieu ouvrier, élevée dans un village lointain, Isabelle Kersimon a gardé de ses racines familiales un sens aigu des injustices autant que de la beauté.
Devenue professionnelle de l’édition et journaliste après des études parisiennes, elle s’est engagée dans l’observation des radicalités à partir du début des années 2000, au moment où une résurgence insoupçonnée de l’antisémitisme se fait jour sur internet. En 2014, elle publie Islamophobie, la contre-enquête sur l’histoire de cette notion et son usage politique contemporain. Soutien de Charlie Hebdo, elle participe en 2015 et 2016 aux premières représentations de la mise en scène du texte de Charb sur ce thème. Après les attentats de novembre 2015 en France, elle observe un basculement de nombreuses consciences laïques en faveur de postures dont s’empare l’extrême droite, ou qu’elle recycle. C’est de ce basculement qu’il est question ici.
Devenue professionnelle de l’édition et journaliste après des études parisiennes, elle s’est engagée dans l’observation des radicalités à partir du début des années 2000, au moment où une résurgence insoupçonnée de l’antisémitisme se fait jour sur internet. En 2014, elle publie Islamophobie, la contre-enquête sur l’histoire de cette notion et son usage politique contemporain. Soutien de Charlie Hebdo, elle participe en 2015 et 2016 aux premières représentations de la mise en scène du texte de Charb sur ce thème. Après les attentats de novembre 2015 en France, elle observe un basculement de nombreuses consciences laïques en faveur de postures dont s’empare l’extrême droite, ou qu’elle recycle. C’est de ce basculement qu’il est question ici.
Isabelle Kersimon, Les mots de la haine : Glossaire des mots de l'extrême droite, Rue de Seine, avril 2023, 190 pages, 19,90 €